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Stockholm Syndrom

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Stockholm Syndrom

Alors qu'Henrik Larsson claque encore des papinades à 57 ans, une question nous tarabuste forcément : au fond, ça ressemble à quoi un match au pays de Christian Wilhelmson (non, pas l'Arabie Saoudite) ? Un alléchant AIK Solna - IF Elfsborg étant programmé l'autre dimanche à Stockholm, l'occasion était trop belle pour ne pas percer à jour cet oppressant mystère, et ce malgré les avertissements de la réceptionniste de l'hôtel – en substance : spectacle « not very exciting » et mauvaise réputation des fans de l'AIK. Je la soupçonne d'en pincer pour un rival de la capitale : Djurgården, voire Hammarby.

De loin, le Råsunda Stadion a les mêmes airs de centre commercial vitroglacé que les buildings qui dégueulassent le centre-ville. Devant, l’atmosphère est plutôt celle d’une kermesse rurale. Maquillages et mini-poneys aux couleurs de Solna divertissent les enfants. Un camion-scène est également garé, avec amplis, console, et tout le toutim.

Bon, personne au micro, la paire de techniciens en charge du matos se fait complètement chier. On note enfin la présence d’un dresseur de chiens, lesquels détalent entre cerceaux et tunnels en plastique.

En attendant l’ouverture de la tribune réservée aux supporters “actifs” de l’AIK, mon radar cartier-bressonien repère deux filles comme la rue en déverse des torrents de ce côté-ci de la Baltique : blondes, cela va de soi, dans l’une des tenues réglementaires des Stockholmoises : du noir avec du noir. Le jaune de l’écusson aïkois sur une écharpe pour l’une, un sweat à capuche pour l’autre, apporte une touche lumineuse bienvenue. Parfait, pensai-je, je tiens là mon cliché cliché pour illustrer un éventuel compte-rendu du match.

Mon idée suscite l’enthousiasme de la plus petite – elle rend vingt bons centimètres à sa copine –, enflammade immédiatement douchée par le « Nej » hésitant, souriant, mais dévastateur de la plus grande, par ailleurs très jolie. Nej, ça veut dire « non » ; soit, je n’insiste pas : après m’être acquitté de 120 couronnes pour ma place (environ 13 euros), j’aurai plus de succès à l’intérieur avec les sympathiques serveuses d’un stand de hot-dogs, toutes les trois vêtues du maillot de l’équipe nationale.

Enceinte des finales de la Coupe de Monde 58 et de l’Euro 92, le Råsunda est un stade “à l’anglaise”, ou presque – vu l’adresse des attaquants solniens à l’échauffement, on en vient à regretter que les grillages ne s’élèvent davantage.

En haut, c’est la zone de la Black Army, à laquelle je n’ai pu accéder faute de carte d’abonné. S’il s’agit du groupe le plus important, le capo de la tribune se trouve toutefois au niveau inférieur (ou intermédiaire, je n’ai pas tout compris au plan du stade). Avec ma vision partielle de profane, le public, du reste assez jeune et féminisé, me semble aussi convenablement métissé pour la Suède. Peut-être une connerie.

C’est toujours un peu kitsch, un hymne de club. Entonné par 15 000 spectateurs à l’entrée des joueurs, l’ Å vi e AIK ( « Oh, nous sommes l’AIK » ) rend pourtant pas mal, plus proche dans l’esprit de celui de la Roma, par exemple, que de l’affreux « Allez Nantais » qui sévit à La Beaujoire. L’AIK Solna, qui connut son heure de gloire il y a quelques années en accrochant un but partout le Barça en poule de Champions League (revoir sur Youtube le lob de Novakovic, une merveille), est un honnête sixième de l’Allsvenskan, la L1 locale. Elfsborg est une classe au-dessus, dauphin du leader Kalmar.

La partie est terne. Face à des hôtes impuissants, les visiteurs sortent les banderilles. A la 24ème, décalé en retrait aux abords de la surface, Stefan Ishizaki, international connu des amateurs de Football Manager, conclut victorieusement d’une frappe précise un beau mouvement collectif. Le ralenti sur l’écran géant permet d’apprécier l’esquisse de parade du gardien Niklas Bergh, qui saute légèrement sans plonger. Le ballon file entre le poteau et lui : ceux qui ont suivi la carrière de Lionel Létizi connaissent ce but.

Cette ouverture du score a le don d’exaspérer le noyau “dur” du kop, qui commence à brailler quelque chose de tellement pas sympa qu’il se fait huer par le reste des travées. Nouvelle tentative, sanction similaire. Mon voisin m’expliquera que les insultent visent Ishizaki, ancien pensionnaire de l’AIK qui ne mérite assurément pas d’être traité de « pute » . Huit minutes plus tard, la défense Tetra Pak de Solna laisse les artilleurs d’Elfsborg canarder Bergh. Fredrik Berglund crucifie le pauvre portier. 2-0, le match est plié.

En seconde période, il n’y aura guère que l’exclusion d’un joueur d’Elfsborg pour ranimer brièvement la flamme des supporters noirs et jaunes. Des gradins tombent des hallebardes de « Fan » ( « Diable » , le juron vedette) ; du ciel, une pluie fine et froide. Les latérales poussent de leur côté en vain – « A i ko keu-keu-keu-keu ! » . La rencontre s’achève, même pas la peine de siffler les acteurs.

Marchant sur le quai du métro, j’aperçois sur la droite les deux filles non shootées assises sur un banc. Je continue d’avancer, et me poste face à la voie. Magie scandinave, elles réapparaissent, juste à ma droite, lorsqu’arrive la rame. La grande me lance alors une œillade vengeresse emplie de luthérianisme congelé. Je monte à l’autre porte, descends à l’arrêt Gare Centrale, prends une avance décisive dans les escalators, jusqu’au grand tapis roulant.

Revenues en trombe d’outre-tombe par la file de gauche, elles refont leur retard, me dépassent, recroisent mon regard. Comme je suis un garçon poli, je me fends, faussement guilleret, d’un « Hey då » ( « Au revoir » ) auprès de mon interlocutrice infernale. « Ja… » en guise de réponse sourde, sous-entendu : « Oui, c’est ça, fais le mariole…Ah au fait, je ne t’ai pas dit ? Tu peux raconter et penser ce que tu veux, I don’t care, je viens d’arrêter mes études pour devenir mannequin » .

Au bout de la carpette électrique, elles me guettent encore, gloussant à mon passage. J’envisage de porter plainte pour harcèlement psychologique, puis trouve refuge derrière pilier et plan de métro, tel Peter Sellers en Clouseau.

– Et donc, ça ressemble à quoi, le championnat suédois ?

– A Stefan Daisuke Ishizaki. A deux fantômettes platine qui se foutent de ma gueule. A un donut à la cannelle.

Matthieu Richard

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