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Steven Paulle : « Je ne suis pas venu ici pour me la couler douce »
Cinq ans à Cannes, sa ville natale, puis six à Dijon. Steven Paulle est plutôt du genre fidèle. Les circonstances l’ont envoyé en janvier dernier à Makassar, en Indonésie, où le club local fait la course en tête. Évidemment, avec sa belle gueule, ses cheveux blonds et sa barbe de hipster, le défenseur de 31 ans ne passe pas vraiment inaperçu dans cette ville très éloignée des circuits touristiques traditionnels.
Cela fait presque six mois que vous jouez en Indonésie. Là où on ne vous attendait pas vraiment…Ce n’était pas prévu, en effet. Mais j’avais toujours eu l’intention de tenter une expérience à l’étranger, et de préférence dans un pays exotique. C’était mon kif. Je ne pensais pas le faire à 30 ans, mais plutôt à la fin de ma carrière, vers 33-34 ans. Finalement, c’est venu plus tôt, parce que les circonstances l’ont voulu.
Vous avez signé dans ce club en janvier dernier, après sept mois de chômage, à la suite de votre départ de Dijon, en juin 2016. Que s’est-il passé pendant cette période ?Déjà, Dijon avait bien fait les choses. Le club n’avait pas attendu la fin de la saison pour m’annoncer qu’on ne comptait plus sur moi. J’ai été prévenu à l’avance. Sébastien Larcier, le responsable du recrutement, m’avait dit que je pourrais rester au DFCO pour y entamer une reconversion. Rien n’avait été défini. J’avais trouvé la démarche clean. J’ai réfléchi, bien sûr. Larcier m’a dit : « Tu as l’esprit club, tu as une bonne mentalité, on a besoin de gens comme toi. » Mais à 30 ans, c’était trop tôt pour arrêter. Je voulais continuer à jouer.
Je me suis inscrit à Pôle Emploi, et je suis resté à Dijon après mes vacances, afin de m’entraîner avec l’équipe B. Mais le téléphone ne sonnait pas beaucoup. J’ai eu des contacts avec Grenoble, mais rien de concret. Je suis ensuite rentré à Cannes avec ma femme et mes deux enfants, et je me suis entraîné avec mon club formateur, tout en allant bosser dans une salle de sport. Mais je n’avais pas d’appels, et je n’avais pas vraiment le sentiment d’être suivi par mes agents. J’ai alors utilisé Facebook, en me disant que ça pourrait m’ouvrir quelques pistes. Et ça a été le cas.
Où ?À Catanzaro, en Serie C italienne. On me propose d’y aller une semaine, à l’essai. Comme je parle un peu italien, ça facilite les choses. Donc j’y vais, on s’entraîne dur, à l’italienne. Et on me propose un contrat à 5000 euros par mois. Moins que ce je touchais en allocations à Pôle Emploi, mais au moins, j’allais jouer. Je rentre à Cannes, et on me recontacte pour me dire que c’est OK, mais en me divisant le salaire par deux car le club voulait aussi recruter un attaquant. J’ai refusé.
Vous avez aussi eu des contacts avec Créteil et Orléans…Oui. Orléans, au départ, ce n’est pas très poussé. Et donc, Créteil se manifeste. Je vais faire un essai qui se déroule bien. Laurent Fournier, le coach de l’époque, est d’accord pour que je vienne. Mais finalement, il y a un des principaux dirigeants qui ne veut pas que je signe. Là, je commence à me poser des questions. On est fin 2016 et plus tu restes longtemps sans jouer, moins les clubs pensent à toi. Alors, je me fixe en gros fin janvier pour trouver quelque chose. Le 31 décembre, alors que je me prépare à faire la chouille pour le Nouvel An, Orléans me contacte et me demande d’être à l’entraînement le 2 janvier, pour faire un essai. Évidemment, pas de bringue, au lit à 1 heure du mat’, alors que mes potes m’appellent pour me demander ce que je fous. Et à six heures du matin, je suis dans ma voiture pour rejoindre Orléans. Là encore, l’essai est concluant, mais le club doit dégraisser pour recruter. Et ça ne se fait pas.
C’est à ce moment que les Indonésiens se manifestent ?Non. Il y avait eu un contact en décembre. Le club me proposait d’aller faire des tests le 26 janvier. J’étais intéressé, même si je privilégiais la France. Je reviens donc d’Orléans et on me dit que Makassar souhaite ma présence pour le 14 janvier. Je décide donc d’y aller. Je m’étais un peu renseigné sur le pays, sur la ville de Makassar, située sur une île, mais je ne savais pas grand-chose, sinon rien, du foot indonésien.
Vous êtes marié, vous avez deux enfants en bas âge. Quand vous décidez de partir, qu’en pense votre compagne ?Elle n’est pas super emballée… Mes parents non plus. C’est loin, on ne sait pas ce que ça donne niveau sécurité… Bref, j’y vais. J’arrive le soir, je me repose le lendemain et je m’entraîne le jour suivant, car le club est en pleine préparation. Il fait super chaud – il fait presque toujours chaud ici – et la séance est soutenue, avec une opposition de deux fois 45 minutes. Par 35°. La deuxième mi-temps, je vois des étoiles, j’ai des vertiges, mais je tiens le coup. Le deuxième jour, on s’entraîne sous un déluge, j’ai de l’eau jusqu’aux chevilles. Et le lendemain, le dirigeant me propose un contrat de deux ans, avec une maison, un chauffeur et un traducteur pour m’aider, car ici, les gens parlent très peu l’anglais. J’accepte la proposition, et un peu plus tard, je suis rentré en France pour prendre mes affaires et revenir avec ma femme et mes enfants. J’étais rassuré sur la sécurité. Et les gens sont vraiment gentils.
Makassar, c’est comment ?Déjà, quand tu es grand, blond, tu détonnes un peu. Ici, il y a très peu d’étrangers. Ce n’est pas du tout touristique. Quand tu te promènes dans la rue ou dans les centres commerciaux, on te regarde avec insistance, mais sans agressivité. Makassar est une grande ville (1 350 000 habitants). Mais pour ma femme, ce n’était pas évident. Elle est restée quatre mois avant de repartir. Là, elle va me rejoindre à Bali avec mes enfants et mes parents. Ils vont rester un peu de temps chez moi. Sinon, en ce qui me concerne, je suis pas mal pris par les matchs, les déplacements, les entraînements. Il y a deux Néerlandais dans l’équipe, ainsi qu’un Brésilien. On se voit un peu en dehors. Ah oui, il y a un truc que j’apprécie beaucoup, c’est la bouffe. Parfois, quand je rentre de l’entraînement et que je n’ai pas envie de cuisiner, je m’arrête pour acheter quelque chose dans un petit resto au bord de la route.
Vous arrivez à vous faire comprendre ?Oui.
J’ai demandé au traducteur de m’expliquer ce qu’il fallait dire pour commander, histoire de ne pas passer pour un con. J’achète un plat traditionnel, vraiment bon. Il faut faire gaffe, tu n’es pas à l’abri d’une mauvaise surprise et d’avoir une bonne chiasse, mais tu ne vas pas en mourir. D’ailleurs, je prends des cours d’indonésien. C’est quand même mieux pour communiquer. Je sais déjà dire quelques mots, mais autant progresser, non ?
Niveau salaire, ça vaut le coup ?Oui. C’est intéressant. Et je vis uniquement avec les primes. Le reste, je le rapatrie en France. Ils sont réglos pour le versement des salaires. Tu es payé à temps. Non, vraiment, il n’y a rien à dire. Le club est ambitieux. L’objectif, c’est le titre et disputer la Ligue des champions asiatique en 2018. C’est aussi ce qui m’a décidé à venir. Ce serait une expérience vraiment intéressante.
Et le foot indonésien, où le situez-vous ?Il y a pas mal d’intensité lors des matchs. Les joueurs indonésiens sont vifs, rapides, et plutôt bons techniquement. Tactiquement, en revanche, il y a encore des choses à améliorer. C’est aussi pour cela que les clubs ont tendance à recruter des étrangers expérimentés, justement pour apporter un peu plus de rigueur. Les clubs, ou du moins certains, ont des moyens intéressants. Ils font des efforts. Les Indonésiens sont par ailleurs fous de foot. Lors de certains entraînements, il peut y avoir 5000 personnes. Moi, je ne suis pas venu en touriste, pour me la couler douce. Ce n’est pas mon genre. Il y a juste un truc qui me surprend parfois, c’est l’arbitrage. Certaines décisions te donnent envie de rire ou de pleurer, et de te barrer du terrain. Bon, sauf si c’est à l’avantage de ton équipe !
Propos recueillis par Alexis Billebault