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Steven Nzonzi peut-il être le garant de l’équilibre de l’équipe de France ?
De retour en équipe de France le mois dernier après quasiment deux ans d'absence, Steven Nzonzi vient d'enchaîner deux titularisations consécutives chez les Bleus. À 31 ans, le milieu de terrain a retrouvé son niveau au Stade rennais et peut espérer s'imposer comme une alternative crédible à N'Golo Kanté dans l'esprit de Didier Deschamps.
Dans une dizaine d’années, Steven Nzonzi ne fera probablement pas partie des premiers noms cités quand il faudra énumérer les vingt-trois joueurs vainqueurs de la Coupe du monde 2018. Le milieu de terrain sera même parfois oublié. La trace est pourtant indélébile : entré à la 55e minute de la finale, celui qui accrochait alors une neuvième sélection sur son short s’est montré à la hauteur de l’événement au moment de remplacer un N’Golo Kanté ballonné. Mieux : ce changement peut, avec du recul, être considéré comme un tournant de ce France-Croatie tant la présence de Nzonzi, ultra serein sur la pelouse du Loujniki, a aidé l’équipe de France à se calmer. Derrière, au cœur de la fête, le milieu du FC Séville avait filé le trophée mondial à Kanté, timide et en retrait, scène rappelant au passage que malgré son mètre 96, l’actuel joueur du Stade rennais ne s’est jamais pris pour un autre. « Sur le moment, j’ai senti que tout le monde n’avait pas vu que N’Golo n’en avait pas encore profité, alors je lui ai donné la Coupe du monde, racontait-il pour So Foot,* en février 2019. N’Golo a un niveau impressionnant, et par rapport à son volume et son tournoi, c’était tout à fait logique de le mettre en avant. » Plus de deux ans après, les deux hommes sont toujours des membres du groupe France, mais avec une nouvelle question sous les pieds : et si Steven Nzonzi était finalement le garant idéal de l’équilibre tactique des Bleus ?
Retour en grâce
Il ne faut pas se tromper : dans l’esprit de Didier Deschamps, Kanté est toujours un indiscutable au milieu, notamment lors des rencontres importantes, et il est difficile de discuter le choix du sélectionneur. Reste que le joueur de Chelsea sort doucement de la période la plus compliquée de sa carrière, alors que Nzonzi, privé de rassemblement pendant deux ans, s’est offert un retour dans le groupe par le haut le mois dernier. La raison est simple : Steven Nzonzi apporte un profil différent, presque unique dans le groupe France, et a retrouvé un niveau excellent à Rennes. « C’est vrai qu’après le Mondial, il s’était un peu éloigné de l’équipe de France parce que les choses étaient un peu plus compliquées pour lui, a détaillé Deschamps samedi. Mais aujourd’hui, il est rayonnant dans son registre avec Rennes. Il nous est très utile en pointe basse. Il est très intéressant parce qu’il maîtrise très bien ce rôle. Ce n’est pas son match de mercredi qui va me faire penser le contraire. En plus, il sait aussi être performant offensivement. »
Titulaire face à la Croatie et à l’Ukraine, Nzonzi vient en effet de dégainer deux copies convaincantes. Comme l’a souligné Didier Deschamps, sa prestation de la semaine, contre une faible équipe ukrainienne, a été le parfait reflet des capacités du lampadaire breton : des transmissions soignées (98% de passes réussies, meilleur total des Bleus), des ballons grattés (6 récupérés, dont 3 dans le camp adverse, et 6 interceptions) et quasiment aucun déchet (un seul ballon perdu). Steven Nzonzi n’est pas un joueur spectaculaire et ne le sera jamais, mais ses qualités permettent d’assurer l’équilibre d’une équipe et aux offensifs de se projeter (ici, les deux relayeurs, Griezmann, les deux attaquants et même les latéraux) avec un paratonnerre dans leur dos. « Je suis très exigeant envers moi-même, donc je joue safe, expliquait le géant il y a plusieurs mois, toujours dans So Foot. Si je perds un ou deux ballons, je vais m’énerver. Moi, de toute façon, c’est la passe. Mes potes le savent : quand je joue au foot en salle et que tout le monde joue en deux touches de balle, je suis l’homme le plus heureux du monde. Je prends beaucoup de plaisir dans le côté collectif de ce sport. » Voilà ce qu’est Nzonzi : un cadeau pour un technicien.
Nzonzi, le profil prodigue
Dans un secteur très concurrentiel chez les Bleus, le Rennais part avec l’avantage de disposer d’un profil différent et cher à Deschamps. Plus grand, mais pas maladroit techniquement, contrairement aux clichés, le milieu possède toute la panoplie pour assumer le rôle de numéro 6 en sélection maintenant qu’il a retrouvé du temps de jeu en club. « Je sais que j’ai cette image de gars tranquille, relax, nonchalant, mais au fond de moi, je bouillonne, confiait-il. Ça s’améliore avec l’âge, même si j’ai toujours ce côté en moi qui peut parfois ressortir. Je suis un mauvais perdant, je n’ai jamais aimé perdre, mais à cause de mon body language, les gens pensent que je m’en fous. » Depuis son arrivée à Rennes, l’ancien soldat du FC Séville a trouvé la bonne harmonie, s’imposant comme un élément clé dans l’équipe de Julien Stéphan. « Il court énormément, il a un gros volume, de l’influence technique sur les premières relances, et il a quelque chose qui n’est pas quantifiable dans les statistiques. Il a un rôle pour équilibrer l’équipe sur le plan tactique et compenser qui est incroyable, décryptait son entraîneur le mois dernier après le succès contre Monaco. Il a une intelligence tactique largement au-dessus de la moyenne, et pour un entraîneur, c’est visible et très précieux. »
Sous la tunique rouge et noir, Nzonzi a donc rappelé l’excellent joueur de foot qu’il était. À la façon d’un quarterback, le champion du monde aime venir s’intercaler aux côtés des deux défenseurs centraux pour soulager son équipe à la relance et faire remonter le bloc. Une autre qualité ? Le joueur prêté à Rennes par la Roma fait briller les autres. La preuve avec Eduardo Camavinga, son poulain au SRFC et en équipe de France, qui joue plus haut et plus librement sur le terrain depuis que le trentenaire est arrivé en Bretagne. Mais la tour doit-elle uniquement être considérée comme un milieu à vocation défensive, incapable de se projeter vers l’avant ? Julien Stéphan n’est pas de cet avis : « Je crois aussi qu’il peut sortir de ce registre de premier relanceur. Il sait traverser le terrain, faire des courses, aller dans la surface de réparation. C’est aussi des choses qu’on a évoquées ensemble et le but qu’il met contre Monaco (son premier depuis octobre 2018 en match officiel, N.D.L.R.) est assez révélateur de ce qu’il peut faire. Il ne faudrait pas juste le cantonner à un joueur qui assure la première relance. Il peut faire tellement d’autres choses… » À commencer par bousculer la hiérarchie établie au milieu de terrain d’une équipe championne du monde.
Par Clément Gavard
Propos de Julien Stéphan recueillis par CG.
* L'interview complète de Steven Nzonzi est à retrouver dans le numéro 163 de So Foot.