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Steven N’Zonzi : « La fonte, c’est pas son truc à Peter Crouch »

Propos recueillis par Quentin Müller, à Stoke-on-Trent
12 minutes
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Steven N'Zonzi n'est certes pas le plus connu des français de Premier League. Mais l'ancien international espoir est le joueur de champ en Premier League qui court le plus. En tout et pour tout, le milieu de Stoke a parcouru pas moins de 330 kilomètres selon une enquête du Telegraph. Loin devant des clients comme Matić ou Rooney. Une stat qui en dit long sur le potentiel du chouchou de Mark Hughes qui devrait s'en aller cet été dans un club du Big Four.

T’as fait trois ans de ta formation au PSG. Quel souvenir t’en gardes ?

Je suis resté trois ans au PSG. J’étais avec la génération Yannick Boli, N’Goyi qui est à Leeds maintenant, et puis en centre de préformation 89, il y avait David N’Gog, Sankharé… Quand je suis arrivé là-bas, je rêvais de m’y imposer. C’était quand même à l’époque un PSG qui envoyait du rêve avec Ronaldinho, Okocha. Le top quoi, pas celui de 2008.

Au final, tu n’es pas conservé au PSG et tu enchaînes les centres de formation…

J’ai beaucoup été ballotté à droite, à gauche, toujours en pensionnat. Au début, c’est dur, puis après tu t’adaptes. Tu fréquentes que des joueurs de ta génération, tu te fais des potes, y a des bonnes ambiances. On fait tout ensemble, donc on crée des liens forts. Mais c’est sûr que c’est pas toujours évident d’être loin de ses parents. Tu sais, j’ai toujours eu l’ambition d’être pro. Mais après le PSG, j’ai vécu une période pas très facile. Quand tu arrives au PSG et que tu n’es pas gardé à 14 ans, c’est difficile de rebondir. Ils me reprochaient d’être trop petit (N’Zonzi mesure aujourd’hui 1m98, ndlr). Faut dire qu’à l’époque, j’étais frêle. Déjà que je suis pas très costaud, mais à l’époque… Heureusement, j’ai toujours eu le soutien de mon père.

Ça fait quoi d’avoir des clubs anglais qui viennent te suivre alors que tu ne joues pas au plus haut niveau en France ?

Ça a commencé quand je jouais avec la CFA d’Amiens et que je faisais parfois des entrées avec les pros en Ligue 2. Mon père, pour me préserver, gérait à l’époque avec les clubs. C’est d’ailleurs toujours le cas depuis, il est mon agent. Moi, je me concentrais sur le foot, mais comme on partage tout ensemble, il me disait qui était venu me superviser. Mais je me prenais pas la tête. Quand on est jeune, en centre de formation, on en parle entre nous, mais il faut toujours trouver un moyen de s’enlever la pression, parce que sinon tu vas forcément rater ton match. Certaines personnes gèrent ça mieux que d’autres. Y en a, tu le sens, ils sont au top à l’entraînement et pendant les matchs, dans le quotidien quoi, puis le jour où ils apprennent que des clubs viennent les superviser, ils perdent totalement leurs moyens et font un match moyen.

Mis à part des clubs de Premier League, Lille et l’OM s’intéressaient à toi…

(Il coupe) Tu dis « s’intéressaient à moi » . Tu sais, y a toujours des clubs qui sont intéressés, mais ça s’arrête là. Blackburn, eux, n’ont jamais hésité, c’était la piste la plus concrète. Ils étaient réellement motivés à l’idée de me signer. Moi, j’avais 19 ans à ce moment-là, et bien sûr je connaissais Blackburn parce que je regardais la Premier League à la télé.

Tu te dis que c’est une équipe de bouchers, non, avant d’y aller ?

Non, ça ce sont les Français qui perçoivent Blackburn comme ça, parce qu’en Ligue 1, ça joue tactique, technique, on n’a pas l’habitude des équipes qui te rentrent dedans. On prend plus de temps avec le ballon. Mais à Blackburn, il y avait aussi beaucoup de joueurs techniques. Moi, j’ai jamais vraiment douté ou eu peur de me prendre des coups. Bon, en revanche, quand j’arrive en pré-saison et que je les vois tous fit… Y avait que des mecs stocks. El Hadji Diouf, Roberts, McCarthy, Samba, Givet, Chimbonda…

Premier choc culturel avec l’Angleterre ?

Je comprenais rien à la langue, tout l’anglais que j’avais appris à l’école ne m’a servi à rien du tout. Leur accent était incompréhensible, ils parlaient trop vite, puis la nourriture c’était la cata. Quand j’allais faire mes courses, j’étais perdu, j’étais habitué à Carrefour. Après, on s’y fait vite. Sinon, je me suis trompé plusieurs fois sur la route et je peux te dire que tu fais l’erreur une fois, deux fois, mais pas trois.

Le premier entraînement, il se passe comment ?

Tout va vite, tout va beaucoup plus vite. Parfois, sur des situations où tu peux faire une passe latérale ou à ton partenaire à côté, non les gars continuent et ne calment pas le jeu. T’as envie de dire aux mecs, easy, pose le jeu, passe à côté de toi, mais non c’est direct, et les mecs te sortent parfois des tacles, alors qu’il n’y a pas besoin de tacler. Ils sont tous très fit. Physiquement, c’était dur au début, tu te fais bouger, tu as du mal à suivre le rythme. Mais le plus étrange, c’est qu’à chaque début d’entraînement, on ne fait pas le traditionnel footing français. Ça, c’est bien. Ils se prennent pas la tête, les Anglais, quand y a un truc à faire, ils y vont à fond. Moi, mon sens tactique développé en France m’a aidé. Parce que, physiquement, j’étais pas une bête, donc j’ai pas mal réfléchi pour bien me placer.
El Hadji Diouf, c’est vraiment un personnage. Un gars qui aime les Mercedes chromées.

Les anciens de Blackburn t’ont bougé au début ?

Surtout les jeunes Anglais, mais moi, quand tu me parles en taclant, je te réponds en taclant. Pour m’imposer, j’ai jamais eu peur, j’ai jamais baissé la tête ou eu la pression de répondre parce que je viens d’arriver et que je suis jeune. Mais je me suis vite et bien intégré. Je garde que des bons souvenirs de ces débuts. Ce qui m’a aidé, c’est qu’il y avait beaucoup de Français et de francophones. Ça m’a énormément facilité les choses. Ils ont tous été cools avec moi, même El Hadji Diouf, malgré tout ce qu’on dit sur lui, c’est un bon gars. Y a trop d’anecdotes sur El Hadji, c’est un personnage. Je me rappelle, un jour, on est à la cantine, on a tous nos têtes dans nos assiettes, parce qu’à ce moment-là on est mal classés et on joue le maintien. Lui revenait de son prêt aux Rangers et il venait d’être champion en Écosse. Il débarque, médaille en or au cou et hurle « champion, champion, champion ! » Voilà, ça, c’est El Hadji. C’est vraiment un personnage. Un gars qui aime les Mercedes chromées. Il sait mettre l’ambiance, mais sait gueuler quand il faut. Faut être costaud parce qu’au quotidien, il te chambre souvent. Mais El Hadj’, ça reste un joueur de ballon. Il est vraiment technique. C’est dommage… s’il avait vraiment pris les choses un peu plus au sérieux, il aurait pu faire une meilleure carrière. Bon, il a quand même joué à Liverpool. D’ailleurs, quand on jouait Liverpool, il allait souvent au clash avec Gerrard. Avec le caractère des deux, ça chauffait souvent.

Et Big Sam, quand tu arrives, t’as un entretien avec lui ?

Sam, tu lui parles pas, tu parles plus aux adjoints. Big Sam, il est intouchable. Mais il est bien avec les joueurs. Il est là aux entraînements, il observe, il pousse deux-trois gueulantes, il supervise. Bon, il rigole avec toi de temps en temps, mais y a pas de discussion vraiment. Il garde toujours de la distance. Aux entraînements, c’est beaucoup de jeu direct. Et sur le terrain, c’est tout pour la gagne, peu importe le nombre de buts encaissés et peu importe la manière. Avant les matchs, il nous mixait des bouts de films ou nous faisait des best of de films qui motivent. Genre des films de guerre, de football américain avec Denzel Washington. Quand il te met ça à fond dans les vestiaires, ça te motive grave. Avec sa tronche et son chewing gum, t’arrives sur le terrain, t’as qu’une envie, c’est de tout déchirer.

Sans oublier ton capitaine néo-zélandais, Ryan Nelsen… Un type capable de pisser du sang de l’œil et de continuer à jouer comme si de rien n’était…

Lui, olalala, à chaque match qu’on perdait, dans les vestiaires, il se posait dans son coin et il fusillait du regard comme ça (il mime). Glaçant.

Tu t’es fait un nom en Angleterre à côté d’un certain Phil Jones qui peine aujourd’hui à s’imposer à Manchester…

Quand je suis arrivé, il était encore à l’académie. Je sentais pas forcément le potentiel chez le joueur, mais il joue son premier match contre Chelsea, le club de son idole Terry. On pouvait penser qu’il aurait fait sa groupie. Mais le gars déchire tout, puis après il ne quitte plus le onze de départ de Big Sam. Il a beaucoup de coffre, il se donne beaucoup, ça compense un peu. De toute façon, il y avait Robinson pour veiller au grain. Quand il te crie dessus, lui, laisse tomber. C’est un super gardien, les gens retiennent souvent ses erreurs, mais en réalité, il en fait peu des boulettes, Robinson.

Sinon la ville, c’est pas trop grisâtre ?

C’est la campagne, Blackburn. Le temps, comme je viens de la région parisienne, on s’y fait. Je débarquais pas non plus du Brésil, hein.

Les plus grosses ambiances en PL, on les trouve où ?

Bah Stoke, Anfield ; quand t’as tout le stade qui chante You’ll never walk alone. C’est pas deux kops hein, c’est tout le stade. Moi, là où j’ai été déçu, c’est à Old Trafford. Mis à part quand ils marquent, ça fait pas trop de bruit.

T’as pu évoluer avec Salgado aussi. C’est quel type de professionnel ?

Il m’a choqué. Il arrive du Real, il a tout gagné. Tu te dis, à Blackburn il va se la couler douce, mais le mec reste d’un grand, grand professionnalisme. C’est un modèle, ce gars. Ce sont des joueurs comme ça qui m’ont formé, inspiré.
Walters, c’est un robot, une machine, je sais pas s’il pousse lourd en poids, mais il s’arrête jamais, tous les matins il pousse.

Quand les Indiens ont racheté le club et ont voulu prendre Ronaldinho, tu y as cru ?

On savait pas sur quel pied danser. Ils débarquent, ce sont de nouveaux propriétaires, ils ont de l’argent. Donc on ne sait pas, ils disent qu’ils vont investir. Moi, je fais le parallèle avec Manchester City, ça n’a pas toujours été le top. Mais au final, rien n’arrive, tout change, on n’a rien compris, on n’a pas notre mot à dire. Moi, je me voyais bien jouer avec Ronaldinho, c’est une légende. Qui ne voudrait pas de Ronnie, sérieux (rires) ?

Au final, le club est relégué et tu as Everton, Séville qui font des offres…

Je suis super déçu qu’on descende cette année-là parce qu’on avait une bonne équipe, ça jouait bien au ballon. On avait des joueurs comme Formica, Yakubu… Je me souviens d’un 4-3 contre Arsenal de folie avec Yakubu qui marque. Lui, c’est le meilleur attaquant avec qui j’ai joué. Il a un sens du but incroyable. Bref, on descend, et avec mon père, on décide bien sûr d’aller voir ailleurs. Everton et Séville font des offres de prêt avec option d’achat. Je vois David Moyes, il m’explique en roulant des « r » qu’il me veut, et me détaille sa stratégie pour m’utiliser au milieu avec Fellaini. Il est cash, Moyes. Les managers anglais, généralement, ils mâchent pas leur mot. Ils sont directs. Ils aiment, ils aiment ; ils n’aiment pas, ils n’aiment pas. Le problème, c’est que les Indiens voulaient me vendre. À la fin, c’était un cauchemar pour communiquer avec eux.

Du coup, tu signes dans les dernières minutes du mercato… à Stoke.

C’est un bon choix, j’y pars dans un bon état d’esprit. Tony Pulis m’a mis dès le début à l’aise. Lui me voulait devant la défense avec, comme consigne, un jeu direct. C’est son style. Tu travailles beaucoup physiquement aux entraînements. Mais bon, moi, j’essayais quand même de poser toujours le jeu, c’était un peu nouveau pour eux. Heureusement aussi, les supporters m’ont tout de suite mis à l’aise. J’ai ma chanson ici : « Oooh Steven N’Zonzi » , un peu comme celle de Van Persie.

Tu as senti une évolution entre Pulis et Hughes dans le jeu ?

Dès le début de la pré-saison, à la préparation, on commence à jouer au ballon, que du ballon, possession de balle, cinq contre cinq, six contre six, petits matchs, que des jeux avec du ballon, on n’a pas beaucoup couru. Tous les entraînements que j’ai faits avec Mark Hughes, je n’ai pas couru pour courir. Avec Pulis, on faisait beaucoup plus de physique, on tapait la salle. Y a des monstres qui poussent de la fonte à Stoke. Walters, c’est un robot, une machine, je sais pas s’il pousse lourd en poids, mais il s’arrête jamais, tous les matins il pousse. Huth, aussi, et Shawcross. Peter Crouch, c’est moins son truc, la fonte. Lui préfère le ballon. Techniquement, il est très fort. C’est un gars qui s’est jamais pris au sérieux, il fait tout le temps des vannes. Dommage qu’il ne fasse plus la danse du robot même avec nous. Mais récemment il a imité la célébration de Cristiano alors qu’il est tout mince (rires).

En Angleterre, est-ce qu’on vous voit comme l’équipe du kick and rush par excellence ?

Depuis l’année dernière c’est fini, après y a toujours des matchs difficiles parce qu’au Britannia, t’as le problème du vent, et le plus souvent, je regarde la possession de balle qu’on a à l’extérieur et chez nous. Il y a une différence folle, ça c’est dû aux ouvertures sur les côtés du stade, le vent ne nous profite pas. Nous non plus, on n’aime pas. Des mecs comme Bojan, Moses, Ireland, Arnautović, ça les embête pour jouer. Mais ce qui est curieux, c’est que personne n’en parle, on n’a jamais fait remonter le problème, ça doit coûter certainement cher en rénovation, mais il faudrait des paravents. C’est un calvaire parfois. Par exemple contre Manchester United, à domicile, où on fait match nul, ni eux ni nous ne pouvions jouer.

T’as parlé de Crouch, mais est-ce qu’Ireland t’a un jour parlé de sa relation avec sa sélection. L’histoire de la grand-mère décédée comme prétexte pour éviter un déplacement, tu la connais ?

(Rires) Non ! Lui m’a juste dit que c’était pas son truc, la sélection. Ah non, je ne connaissais pas cette histoire ! Ahhh obligé, je vais lui en parler et le chambrer.

Pour finir, question récurrente mais, la sélection, tu y penses ?

J’ai commencé avec les Espoirs quand j’étais à Amiens. Je faisais la paire avec M’Vila. On avait une belle équipe avec Corchia, Tabanou, Sakho, Modeste, Ekoko. Mais on ne s’était pas qualifiés… Un jour peut-être pour les A, je sais pas, ça passe par le travail. Cette saison, je suis bien, on joue bien au ballon. Toutes les saisons que je fais en Angleterre, je sens que je progresse, je me sens bien. Je me sens plus mature, je me frustre moins, je prends du plaisir, je pars aussi moins au quart de tour. Avant, ça arrivait que je sorte de mon match parce qu’en Angleterre, tu subis pas mal de provocations. Mais je ne réponds plus ou je m’efforce en tout cas. La dernière fois que c’est arrivé, c’était à Anfield, Coutinho, il m’avait énervé ce jour-là… Ça arrive, l’arbitre m’avait juste mis un jaune, mais je sais pas s’il avait bien vu toute l’histoire. Roh, avec Lucas, ça avait été tendu aussi.

La vidéo de l’accrochage :

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Propos recueillis par Quentin Müller, à Stoke-on-Trent

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