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Steve Mandanda, la course contre le temps
Tancé, critiqué, oublié, Steve Mandanda a traversé les mois les plus durs de sa carrière. Mais le gardien marseillais aborde cette nouvelle saison avec de jolies résolutions. Et s'il manque à l'appel dans la liste de Didier Deschamps, le trentenaire compte bien s'offrir un dernier tour de piste à la hauteur de sa carrière.
Un maillot qui ne le boudine pas, des parades pour éponger les carences marseillaises et surtout un brassard fermement accroché autour du biceps. Oui, le vrai Steve Mandanda est de retour, et ramène les supporters quatre-cinq ans en arrière, quand celui-ci était encore intouchable dans la cité phocéenne. Un contraste saisissant par rapport à la saison passée, « la pire de [sa] carrière » . Piqué au vif d’être oublié des listes de l’équipe de France — qu’il fréquentait sauf blessure depuis mai 2008 — et de voir les recruteurs marseillais chercher des alternatives durant le mercato, Steve s’est repris en main. À l’orgueil face à une horloge biologique qui semble irrémédiablement lui indiquer à 34 ans l’heure du déclin. Une cure à Merano pour perdre quelques kilos et des grosses prestations à la reprise, le voilà qui s’apprête à repousser des limites, qu’il a précocement fixées très haut.
Pourtant, Didier Deschamps a remis à plus tard le retour du pilier, même si Areola traverse à son tour une période délicate. « Ce n’est pas question de trop tôt ou trop tard. Steve, je sais ce qu’il est capable de faire, je suis content et heureux pour lui de le revoir à un bon niveau avec un physique de sportif de haut niveau aussi, même si ça ne va pas trop lui plaire que je le dise, s’expliquait jeudi le sélectionneur. Il a pas mal de saisons derrière lui, et c’est important qu’il puisse bien vivre ses dernières années au haut niveau. » Dire que ses plus belles années sont derrière lui est une évidence, mais Mandanda ne se laissera pas décrocher comme ça.
Le boulet de Steve
Si les premières impressions peuvent être trompeuses, ce sont surtout les dernières qui tracassent Steve Mandanda. Après avoir connu une ascension fulgurante, passant de doublure d’Alexander Vencel au Havre à capitaine de l’Olympique de Marseille en moins de cinq ans, Il Fenomeno cherche surtout à s’assurer une fin de carrière digne de la régularité qu’il a si longtemps démontrée dans sa carrière. Que les gens se rappellent un Mandanda désemparé sur chacune des frappes qu’il ait à subir, voilà ce qui semble hanter le gardien. Celui-ci est pourtant le premier à le reconnaître : il n’a été que l’ombre de lui-même lors de ces derniers mois. « Je passe à travers et je ne suis pas décisif, lâchait-il en mai dernier au CFC. Je n’ai pas envie de laisser cette image-là. Si la saison prochaine, je fais encore la même saison, je me poserai des questions sur la suite de ma carrière. » Après onze saisons au club et 523 matchs, ce serait trop ingrat, sachant combien de fois il a dû jouer les pompiers de service au cours de toutes ces années marseillaises.
Mais voilà, « Stève » a son amour-propre et se veut revanchard pour la saison à venir, pour que les dernières images soient plus conformes aux meilleures pages de l’album souvenir. « Dans mon esprit, je ne peux pas lâcher comme ça, continuait-il au micro de Canal+. Je ne peux pas partir de l’OM comme ça, sur une saison mauvaise. » Dès son arrivée en 2007, l’Ébroïcien s’est immédiatement imposé comme le patron du vestiaire, a longtemps été le relais entre les supporters, les joueurs, les différents staffs et la direction, mais il a senti que ses mauvaises performances avaient un impact direct sur son statut. « J’ai un devoir d’exemplarité. Forcément, quand on n’est pas performant, c’est encore plus difficile, même pour prendre la parole et être écouté » , avouait-il. Alors qu’il avait déjà perdu le brassard lors de son expérience d’un an à Crystal Palace (2016-2017), son rôle de leader s’est un peu plus effrité.
Profession patron
Quand André Villas-Boas a pris les commandes de l’OM, celui-ci a rapidement fait du capitanat un sujet important. Parce que la gestion des ego l’imposait, mais aussi parce que ce club a besoin d’un homme fort dans les moments de houle. Dimitri Payet a assuré l’intérim, mais a besoin de se recentrer sur ses performances individuelles avant de penser à assumer celles des autres, Luiz Gustavo aurait eu l’adhésion du groupe et des supporters, mais son avenir à l’OM n’est toujours pas clair, alors que Florian Thauvin ne peut pas être grillé tout de suite. Le coach portugais a donc tranché en faveur d’un retour du bout de tissu autour du bras de l’historique. « J’ai fait ce choix. Il y a un groupe de quatre capitaines, avec Thauvin, Luiz, Dim et Steve, récapitulait AVB. Je leur ai dit qu’ils étaient tous de grands leaders. Chacun des quatre peut être capitaine. Mais j’ai fait un changement finalement pour Steve. Il est apprécié pour sa dimension dans le club. » Une qualité suffisamment rare pour ne pas être snobée.
Les premières sorties du Mandanda nouveau ont donné raison au technicien et ont fini de dissiper les doutes. À Nantes, le portier a par exemple sauvé le point du nul. Assez pour convaincre Villas-Boas de défendre les intérêts de son joueur : « Steve est dans un très bon moment de sa carrière. J’espère que ça peut avoir un peu de portée pour l’envoyer en équipe de France. » Deschamps n’a pas été insensible à tout ça et ne lui ferme en aucun cas la porte. « Je fais le choix de la continuité par rapport au mois de juin, mais Steve reste Steve, concédait la Dèche. Je ne sais quelle sera la situation dans un an, mais dans un mois, ça sera peut-être différent. J’ai la chance et le privilège d’avoir plusieurs gardiens de but de haut niveau, les trois qui sont là (Lloris, Areola et Maignan, N.D.L.R.), mais Steve l’est aussi. » Non, Mandanda n’est pas à enterrer, au risque de rappeler qu’un sablier peut être retourné.
Par Mathieu Rollinger