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Steve Mandanda, adopté à Rennes et de retour chez les Bleus
Au Qatar, Steve Mandanda, 37 ans et 34 sélections au compteur, vit sa septième compétition internationale avec les Bleus. En rejoignant Rennes l'été dernier après de longues années à Marseille, le gardien s'est offert une seconde jeunesse dans un environnement plus paisible.
Pour la septième fois depuis le début de sa carrière, Steve Mandanda a entendu son nom sortir de la bouche du sélectionneur de l’équipe de France à l’annonce de la liste de joueurs retenus pour une grande compétition. C’est simple, en dehors de la Coupe du monde 2014, manquée à la suite d’une blessure, il aura été de toutes les aventures avec les Bleus depuis l’Euro 2008, toujours dans un rôle de numéro 2, voire 3 au tout début (un seul match joué, contre le Danemark, en 2018). Ce n’était pourtant pas gagné cette année pour le gardien de 37 ans, qui semblait ne plus entrer dans les plans de Didier Deschamps depuis octobre 2021. Son retour en septembre dernier, en tant que cinquième choix, après les forfaits d’Hugo Lloris et de Mike Maignan, ne lui garantissait pas non plus une présence au Qatar, loin de là. En l’absence du portier de l’AC Milan, le chef de bande a cependant préféré l’expérience à la jeunesse (Alban Lafont) pour la grande aventure. « On a une relation assez particulière avec Steve, on se suit depuis de très nombreuses années, ça fait plaisir de le retrouver avec le sourire et compétitif, puisqu’il fait de très belles choses avec le Stade rennais après une année un peu plus difficile, notait Lloris face à la presse en début de semaine. Il a une légitimité au sein du groupe, il prend de la place dans un vestiaire et il montre qu’il est toujours au niveau. » Un constat partagé à Rennes, où il s’est offert une seconde jeunesse en quelques mois après être arrivé au bout de son histoire avec l’OM.
À Rennes, une cure de jouvence
Une renaissance sur le terrain pour Mandanda, qui a déjà quasiment joué autant de matchs cette saison que lors du précédent exercice à Marseille, où son concurrent Pau Lopez l’avait souvent poussé sur le banc (18 apparitions avec Rennes contre 20 avec l’OM en 2021-2022). « Je le vois revivre, que ce soit sur le terrain ou humainement, il a trouvé un nouveau souffle, assure son frère Riffi. Les gens parlaient beaucoup de son âge, même moi, je commençais à me dire qu’il arrivait peut-être au bout de quelque chose. Mais ce qu’il montre aujourd’hui, c’est incroyable. Il en a encore dans les jambes, et ce qu’il réussit à faire à 37 ans en se lançant dans un nouveau challenge où il pourrait retrouver la Ligue des champions, c’est très fort mentalement. » L’international français n’a pas mis longtemps à se mettre les Rennais dans la poche, apportant son expérience, son calme, sa sérénité et sa palette complète (dont un jeu au pied fantastique) à sa nouvelle équipe. Son arrivée a notamment aidé le club breton à gagner en variété dans ses sorties de balle, et Mandanda a rapidement trouvé une connexion mi-longue très efficace avec Martin Terrier. « Il n’a pas besoin de hurler ou de se rouler par terre pour transmettre tout ça, c’est quelque chose de naturel », soulignait Bruno Genesio la semaine dernière. « Il ne faut pas oublier qu’il arrive dans un vestiaire très jeune, la plupart n’était même pas stagiaires quand il a commencé sa carrière, continue Riffi, lui aussi passé par le Stade rennais pendant quelques mois en 2020. Mon frère ne parle pas pour parler, quand il le fait, c’est pour faire avancer les choses, et généralement, on l’écoute. »
Avant de remettre le bleu de chauffe en sélection, Mandanda a signé deux prestations majuscules en championnat, à Lille, où il a été coupable d’une erreur sur l’ouverture du score de José Fonte avant de se montrer impérial, puis face à Toulouse, avec « deux arrêts exceptionnels », selon les mots de Genesio, dont une superbe claquette sur un pétard de Fares Chaïbi. Ce qui lui a valu d’entendre son nom scandé par le public du Roazhon Park. Un endroit où il avait disputé son avant-dernier match avec Marseille (une défaite 2-0) au mois de mai, à une époque où l’idée de mettre les voiles l’été suivant commençait peut-être déjà à lui trotter dans la tête. « Pendant ce match, il y avait une folle ambiance, il a été assez surpris. On l’a vu tout de suite à la fin du championnat pour lui présenter notre projet, pose Olivier Cloarec, le président du club breton. On l’a rencontré une première fois à Paris avec Florian Maurice et il a vu Bruno Genesio par la suite (lors d’une entrevue dans la maison de l’entraîneur dans le Sud de la France, NDLR). On a laissé les choses se faire, sans lui forcer la main. Ce n’était pas une mince décision à prendre pour lui. » Le 6 juillet, après avoir été libéré de son contrat pour services rendus, il choisissait donc de s’engager pour deux ans avec Rennes et de quitter un club où il avait passé quinze années (en dehors de sa pige d’un an à Crystal Palace) et joué 613 matchs. Un mariage gagnant-gagnant pour les deux parties, Mandanda étant assuré d’avoir une place de titulaire et le Stade rennais accueillant une figure du football français. « Attirer un joueur comme Mandanda, ça aurait été compliqué il y a quelques années, confirme Cloarec. Ça permet au club de grandir. »
Plus belle la vie
Loin de la ville de Plus belle la vie où le foot occupe une place capitale et où l’OM rythme les semaines de ses habitants, Mandanda s’est facilement adapté à son nouvel environnement et à la mentalité rennaise. « Le jour où il signe, je croise deux jeunes de Saint-Malo avec des étoiles dans les yeux à l’idée de voir Mandanda à l’entrée du restaurant où on avait rendez-vous. Je n’étais pas censé leur dire qu’il était là, mais ils m’ont suivi pour qu’il puisse passer les voir rapidement, raconte Cloarec. Quand il est remonté, il me dit : « Les deux enfants m’ont dit : M. Mandanda, est-ce qu’on peut avoir un autographe ? » Il a été charmé et surpris par le respect des gens. À Marseille, où la passion est très forte, il m’expliquait qu’on l’interpellait d’une manière différente. Il a aussi trouvé une forme de paisibilité à ce niveau. » Plus de pudeur, moins d’ébullition, plus de tranquillité et donc, dans un sens, une certaine forme de liberté dont le portier ne disposait plus dans la cité phocéenne. « La première chose qu’il m’a dite en arrivant à Rennes, c’est qu’il avait pu aller en magasin faire des courses, se marre son frère Riffi, qui vit également dans le coin. Ce n’est pas un mec d’extérieur, il est assez casanier, c’est entraînement-maison, sa routine. C’est un solitaire, il n’aime pas trop se montrer, mais on se fait des petites sorties, il est proche de mes enfants, c’est sympa. À Marseille, il pouvait aller au restaurant, mais il passait sa soirée à prendre des photos, là il peut être tranquille. Ça l’a surpris, et je pense qu’il aime bien ça aussi. »
Pour s’aérer l’esprit et sortir du foot, Mandanda fait quelques parties de padel chez Gaël Danic, qui a ouvert un complexe à Bruz. Récemment, le nouveau taulier du SRFC a trouvé son logement, en périphérie de Rennes. Son fils, Sacha, défenseur central, a lui aussi enfilé la tunique rouge et noir en intégrant les U14. En septembre dernier, il avait même pu assister de près au large succès contre Auxerre (5-0) et prendre part au tour de terrain aux côtés de son père après la rencontre. À la trêve, le SRFC est sur le podium de la Ligue 1, qualifié en Ligue Europa, et produit du jeu (« Il m’avait parlé de Genesio, il aimait bien sa façon de jouer, ça a dû peser dans son choix », souligne Riffi). Son retour chez les Bleus s’impose comme une preuve que le gardien a pris la bonne décision, même si Olivier Cloarec assure que « ce n’est pas un sujet sur lequel on a beaucoup épilogué pendant les discussions. Il voulait surtout être sur le terrain et vivre sa passion jusqu’au bout. » Riffi Mandanda : « Il avait besoin de vivre les dernières années de sa carrière en tant que titulaire et de s’épanouir. Même sans l’équipe de France, il sait qu’il a fait le bon choix. » Sauf blessure ou match des coiffeurs contre la Tunisie, l’ancien de l’OM, 34 sélections, ne devrait pas enfiler les gants ailleurs qu’à l’entraînement pendant le Mondial. Dans quelques mois, le 28 mars pour être précis, il soufflera ses 38 bougies et se rapprochera inéluctablement de la fin de sa carrière alors qu’il traverse une saison statistique dans le haut du panier de ses pairs. « Il peut faire ses deux ans à Rennes facile, juge Riffi. Il prend de l’âge, c’est sûr, ce sera en fonction de ce que le corps réclame. Mais on ne sait jamais, certains ont une deuxième jeunesse, je crois même que Buffon joue encore aujourd’hui. » Après tout, l’Euro 2024, c’est déjà demain.
Par Clément Gavard
Tous propos recueillis par CG