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Stevan Jovetic, un top player, vraiment ?
Stevan Jovetić, attaquant star de la Fiorentina, pourrait bien partir cet été. Mais alors que les médias s'interrogent sur son futur point de chute, personne ne se rend vraiment compte que le talent monténégrin ne réalise pas une grande saison. En dépit de la campagne de sa Viola, en dépit de ses 12 buts. Explications.
La Fiorentina réalise une grande saison. À quatre matchs du terme, elle est 4e à seulement un point du Milan AC, et donc, de la Ligue des champions. Un objectif tout neuf, un objectif réalisable, du fait d’une fin de calendrier clémente. Quoi qu’il en soit et quelle que sera la compétition européenne à laquelle la Viola participera la saison prochaine, on peut déjà évoquer une réussite inattendue. Une réussite que l’on pourrait expliquer en deux mots, que nous lâchait récemment Arrigo Sacchi : « projet technique » . Alors non, la Fiorentina n’est pas, comme certains se l’imaginent encore, dépendante de son meilleur joueur Stevan Jovetić. Le Monténégrin en est le meilleur buteur, certes. Mais il fait partie d’un système, rentre dans la philosophie de jeu imprimée par coach Montella. Et en vrai, celui que l’on annonce un peu partout en Europe à l’heure actuelle n’est pas si décisif.
Talent incontestable, mais pas un vrai buteur
Alors bien sûr, Stevan Jovetić a un talent immense. Impossible de le remettre en cause. Impossible d’oublier sa longue chevelure bouclée, celle qui a marqué l’Europe du football sur la saison 2009/2010. Après une année de rodage sous les ordres de Cesare Prandelli, le Monténégrin s’était révélé en Ligue des champions : il avait marqué le but de la qualification pour les phases de poules face au Sporting, puis des doublés contre Liverpool et le Bayern – 5 buts en 6 matchs au total. Impossible de ne pas s’extasier devant ses dribbles, sa classe, son air timide. Mais il ne faut pas oublier non plus sa grave blessure, une rupture des ligaments croisés du genou contractée à l’été 2010, qui lui fera manquer l’intégralité de la saison suivante. Revenu pour confirmer, pour devenir le meilleur joueur de la Fio, le jeune talent l’a en effet portée à bout de bras la saison passée, contribuant avec ses 14 buts à son maintien dans l’élite. On identifiait déjà, à l’orée de cette saison, le problème futur de cette Fiorentina : une Jo-Jo dépendance. Il n’en fut rien, tant le collectif, la philosophie de jeu de Montella ont primé sur les individualités.
Mais dans tout ça, on attendait forcément de Jovetić un certain apport. Niveau comptable, on est plutôt bon : avec 12 buts en 27 matchs, le talent monténégrin est le meilleur buteur de la Viola. Pas si mal, surtout si l’on tient compte du fait que Jo-Jo n’évolue pas à son poste fétiche. Comme l’an passé, le type assure en pointe, palliant l’absence d’attaquants. Lui, le neuf et demi. Buteur par procuration alors qu’il pourrait, s’il reculait d’un cran, faire davantage parler sa technique et sa vision du jeu. Chose que permettait le 4-2-3-1 de Prandelli, pas le 3-5-2, ni le 4-3-3 de Montella. Mauvaise utilisation ou pas, Jovetić ne s’est pas affirmé en top player. Du très bon joueur qui surnageait dans un effectif moyen la saison précédente, il ne s’est pas affirmé en leader d’une formation plus relevée. Le charisme, il ne l’a pas vraiment. Les petits soucis en revanche, il les accumule.
Irrégularité chronique et pépins physiques à répétition
De fait, Stevan Jovetić a deux gros défauts : la fragilité physique et l’irrégularité. Deux éléments qui contrarient son explosion véritable. Parce qu’en réalité, le joueur peine à enchaîner les matchs. Depuis son retour de blessure au genou, il n’a cessé d’être en proie aux petits pépins : quatre blessures durant le dernier exercice, deux sur celui-ci. Des blessures musculaires qui l’empêchent de jouer et de progresser avec continuité. Mais la fragilité n’explique pas tout : Jovetić n’a pas vraiment besoin de ça pour se montrer irrégulier. Au top de sa forme, il peut tout aussi bien planter deux sublimes enroulés sur un match, qu’être complètement absent, inutile, effacé. On peut pousser le bouchon plus loin en notant que le bonhomme brille souvent dans les matchs où la Fio s’amuse (comme avec un doublé lors d’un 4-1 face à l’Inter) alors qu’il disparaît lors d’affiches plus étriquées. Dans la pratique en tout cas, ces deux composants expliqueront le fait qu’il n’a plus marqué depuis le 10 mars dernier, et un déplacement sur la pelouse de la Lazio.
Alors non, Stevan Jovetić n’est pas, du moins pas encore, un top player. Sans doute le serait-il déjà, sans sa grave blessure. Mais en attendant, il est juste le meilleur joueur de la Fiorentina. Et en termes de qualités intrinsèques seulement, ses acolytes Ljajić et Cuadrado, qui l’accompagnent en attaque, se montrant bien plus réguliers et décisifs en cette seconde partie de saison – Jo-Jo n’a marqué que quatre buts depuis janvier. Alors qu’il va boucler sa cinquième saison en Toscane, on peut légitimement penser que le Monténégrin arrive en bout de cycle, qu’il va plier bagages. On peut noter quelques signes avant-coureurs, le joueur se disant flatté de l’intérêt des clubs anglais qui le pistent – Arsenal et City – tandis que son agent multiplie les annonces promotionnelles. On parle d’un transfert à 30 millions d’euros – son contrat expire en 2016 – les spéculations vont bon train. Mais du côté de Florence, plus personne n’y voit d’inconvénient. La majorité est divisée entre ceux qui diraient « s’il reste tant mieux, sinon tant pis » , et ceux qui assureraient que « c’est le moment pour le vendre au prix fort, l’argent pourra être réinvesti dans l’achat de joueurs bâtis pour le système Montella. » En gros, tout le monde s’attend à son départ, et personne ne s’en attriste. Si les tifosi espèrent encore de lui qu’il se montre décisif lors de ces quatre dernières rencontres importantissimes, leur choix est déjà fait : sur le site d’informations du club Firenzeviola.it, à la question « qui feriez-vous rester entre Jovetić et Ljajić ? » , le Monténégrin ne rassemble que 10% des voix. Un sondage comme un autre. Mais un résultat qui aurait relevé de l’impensable, il y a encore six mois.
Par Alexandre Pauwels