- Ligue 1
- J12
- Rennes-Lyon (0-1)
Stéphanie Frappart et la banalisation du sexisme dans le foot
Les insultes reçues par l’arbitre Stéphanie Frappart, le soir du match opposant Rennes et Lyon au Roazhon Park, puis largement déversées sur les réseaux sociaux, illustrent encore à quel point les femmes dérangent dans le petit monde du ballon rond.
Les 90 minutes entre le Stade rennais et l’OL nous ont offert une de ces purges dont la Ligue 1 semble avoir le secret cette saison. Lyon y a malgré tout récolté sa première victoire. Rennes a démontré l’ampleur de ses difficultés sur le terrain. Mais pour certains supporters en tribunes, il semblerait que le principal problème ait d’abord tenu au fait que l’arbitre fut une femme, Stéphanie Frappart, et non pas au fond de jeu chaotique ou à l’incapacité de Bruno Genesio à mettre en ordre de bataille son effectif. Des gradins sont donc descendues un florilège d’insultes sexistes, que le compte Footeuses sur Twitter a été dans les premiers à fustiger : « “Sale p*te, sal*pe, grosse chi*nne”. De nombreuses insultes sexistes ont été proférées par le public du Roazhon Park à l’encontre de Stéphanie Frappart, l’arbitre centrale du match Rennes-OL en Ligue 1 ce dimanche… Inadmissible. »
"Sale p*te, sal*pe, grosse chi*nne"
De nombreuses insultes sexistes ont été proférées par le public du Roazhon Park à l’encontre de Stéphanie Frappart, l’arbitre centrale du match Rennes-OL en Ligue 1 ce dimanche….
Inadmissible. 🤬 pic.twitter.com/0ksUoyjBYZ
— Footeuses (@foo_teuses) November 12, 2023
À l’instar du racisme, il ne s’agit pas de critiquer le joueur ou la femme en noir, mais de lui rappeler que sa présence demeure à peine tolérée et reste celle d’un ou d’une « inférieure ». Le sexisme ordinaire rencontre en l’occurrence le rôle de bouc émissaire qu’occupe de plus en plus l’arbitre (il suffit de voir les complaintes permanentes des 22 protagonistes sur la pelouse bretonne). Il faut aussi se poser une question : les joueurs et supporters de Rennes et de l’OL qui ont passé leur match à pleurnicher considèrent-ils réellement que Stéphanie Frappart est tout en haut de la pile des problèmes rencontrés par leur club cette saison ?
« On la critique car elle est nulle ! »
Stéphanie Frappart est effectivement bien malgré elle portée comme étendard par la FFF et même l’UEFA ou la FIFA. Elle sait forcément que ce rôle d’exemple et pour tout dire d’exception attire forcément les critiques et exacerbe les crispations. Pour les masculinistes du ballon rond, il faut abattre la statue. Elle est nulle ? Non pas au sifflet, mais de manière inévitable parce qu’elle est une femme, ce qui rend encore plus insupportable la moindre erreur ou différence d’interprétation sur une faute. « On » nous vole « notre foot » entre testicules, à coup de hors-jeu oubliés et de cartons rouges injustifiés. Il n’y eut pas que les supporters d’ailleurs à se lâcher, sur place ou sur Twitter. À ceux qui croyaient qu’une arbitre subirait moins les coups de pression physique, puisqu’« un vrai bonhomme » n’oserait ridiculiser ainsi son virilisme, l’attitude du milieu serbe Nemanja Matic, 1,94m, soit trente centimètres de plus que Stéphanie Frappart, cherchant à impressionner, au plus près, l’arbitre, a clairement enterré leurs dernières illusions.
Les argumentaires sur les réseaux sociaux ont ensuite tutoyé les abysses. Ils se sont relayés en copier-coller, quasiment tous sur le même moule : « On la critique car elle est nulle ! » « On ne peut plus rien dire »… Si si, on peut dire ce qu’on veut. Et en l’occurrence, pour son attitude scandaleuse envers Stéphanie Frappart, Nemanja Matic aurait mérité d’être expulsé.
Par Nicolas Kssis-Martov