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Stéphane Ruffier et Saint-Étienne, l’amour définitivement terminé

Par Florian Cadu
5 minutes
Stéphane Ruffier et Saint-Étienne, l’amour définitivement terminé

C'est désormais officiel : l'idylle entre l'AS Saint-Étienne et Stéphane Ruffier, mis à pied par les Verts, est brisée. Une fin d'histoire glaciale et bruyante, dommageable pour les deux parties, tant le gardien, qui aurait fêté ses dix ans à l'ASSE l'an prochain, a été essentiel dans la vie du club ces dernières années.

Avec l’amour, c’est tout le problème : les histoires se finissent mal, en général, et personne n’aura eu besoin des Rita Mitsouko pour le prouver. Lorsque l’idylle a duré longtemps et que les bons souvenirs se sont accumulés, le risque est également grand de ne se souvenir que des mauvais moments à l’heure de faire les comptes. Encore plus si la dispute finale est bruyante, qu’elle se déroule sur la place publique et qu’aucune des deux parties ne compte faire d’effort pour apaiser les tensions et calmer les esprits. Ainsi va l’amour, celui qui se brise au mauvais moment et de la mauvaise manière. Stéphane Ruffier et l’AS Saint-Étienne sont comme tout le monde : ils se sont aimés pendant tant d’années et se détestent aujourd’hui comme des amants brisés.

Ainsi, cette semaine, le gardien, qui a battu en novembre dernier le record de matchs disputés en première division par un portier du club, a été mis à pied par son employeur. Résultat : interdiction de s’entraîner et même interdiction de se pointer au centre d’entraînement, chose qu’il n’a pas respectée, ce qui lui vaut un rendez-vous le 22 juillet prochain avec sa direction pour débloquer une situation brûlante. En d’autres termes, l’ASSE ne veut plus de Ruffier. Raison avancée ? Un pseudo retard à une séance organisée au lendemain d’un match amical contre Nice, disputé le 10 juillet à Geoffroy-Guichard. Une rencontre que Stéphane Ruffier n’a pas disputée et un retard que le clan du joueur justifie par la pose d’un bandage. Un drôle de bordel, donc.

Ruffier passe à la Puel

En apparence, l’ASSE semble avoir agi ici comme si elle attendait le moindre faux pas de sa montagne afin de tenir entre ses doigts un argument pour licencier un gaillard qui ne paraît pas accepter l’idée du banc. Difficile de ne pas voir dans cette affaire l’influence du coach stéphanois, Claude Puel, arrivé en octobre 2019 et qui s’est rapidement brouillé avec le rempart, au point de le reléguer sur le banc. Un choix sportif selon le technicien, confirmé en juin, Puel ayant indiqué à la presse sa décision de faire de Jessy Moulin « le numéro 1 pour la saison prochaine ». Au passage, l’entraîneur des Verts avait précisé que Ruffier pourrait partir s’il éprouvait « des difficultés à rester second ».

Derrière, une guerre s’est automatiquement installée entre les différents clans, l’idée étant de rapidement définir les contours du divorce, notamment les contours financiers. Mais cette fracture était-elle vraiment inévitable ? Elle est surtout regrettable, car hautement symbolique. On parle ici de Stéphane Ruffier, donc d’un type qui pèse chez les Verts : 383 matchs, d’innombrables parades (plus de 1000), des boulettes minimes, un paquet de clean sheets (plus de 100), quelques couronnes d’homme du match, des joies, des peines, des matchs passés avec le brassard de capitaine sur le biceps, des coachs convaincus, et même une Coupe de la Ligue, embrassée en 2013, premier trophée soulevé par les Verts depuis plus de trente ans si on met de côté les titres de champion de France de Ligue 2 (1999, 2004).

Légende ? Historique, en tout cas

Interrogé jeudi, Claude Puel a tenu à calmer les choses : « Il y a un tel décalage entre ce que l’on vit au quotidien et ce qui en est traduit à l’extérieur… J’en reste perplexe.(…)À la base, c’est un choix sportif, qui n’a pas été accepté par le joueur. On en arrive aujourd’hui à une situation particulière, mais pour moi, c’est un épiphénomène. Son entourage déborde, et il se pénalise tout seul. On prend des décisions, et la priorité, c’est toujours le groupe. » Un groupe que pourrait réintégrer un jour Ruffier ? « Ça me paraît difficile par rapport à ses propos et son comportement qu’il puisse redevenir compétitif pour le groupe, a alors enchaîné Puel. Encore une fois, ce n’est pas une histoire entre un entraîneur et un joueur, mais entre un salarié qui doit servir le club qui l’emploie, avec le comportement que l’on attend. Il y a un manque qui est constaté. C’est tout. Après, on verra ça. Il doit revenir avec un autre comportement, surtout vis-à-vis de ses équipiers. »

Seule certitude : l’affaire fait tache et embête jusqu’aux anciens coéquipiers du gardien. « Stéphane, ça a toujours été quelqu’un de discret. Aussi bien devant les médias, avec qui il faisait attention à ce qu’il disait, que dans le vestiaire où il n’était franchement pas du genre à poser de problème et où il n’était pas exubérant, témoigne Jonathan Brison, présent aux côtés de Ruffier entre 2012 et 2016. Ce n’était pas le partenaire que tu entendais élever la voix ou qui criait le plus fort, c’était souvent tranquille et constructif avec lui. La concurrence avec Jessy s’est d’ailleurs bien déroulée, ils se tiraient mutuellement vers le haut. » Si certains anciens du club, comme Adrien Ponsard et Jean-Michel Larqué, se marrent ou s’énervent quand certains associent son nom au mot « légende » , Stéphane Ruffier ne reste pas moins un homme qui fait partie des dix joueurs les plus capés de l’histoire du club.

Ruffier incarne surtout une image d’homme fidèle dans une structure sensible et dans un milieu où passer dix ans dans un club est une exception notable. « C’est sûr qu’il imposait une forme de respect, que ce soit pour ses performances ou pour sa longévité. Il ne faut pas oublier qu’il fut indéboulonnable un long moment et qu’on ne signe pas autant de matchs si on n’a pas les épaules suffisamment solides, reprend Brison. Qu’on le veuille ou non, il va laisser une trace. Ça, c’est certain. » Pas pour rien que les supporters l’ont nommé joueur de l’année lors de quatre exercices différents (2013, 2015, 2016 et 2018). Pas un hasard non plus si le pudique Stéphane, qui file vers ses 34 balais, touche l’un des quatre meilleurs salaires de l’ASSE (en compagnie de Wahbi Khazri, Ryad Boudebouz et Yann M’Vila) avec une rémunération annuelle estimée à quelque 2,8 millions d’euros (soit largement plus que la moyenne verte, estimée à 900 000 euros bruts, et le double de l’historique Perrin). Insuffisant, toutefois, pour masquer ses défauts et surmonter le conflit dont il est aussi responsable. Le cœur dans le chaudron, c’était lui. Mais c’est fini.

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Par Florian Cadu

Propos de Jonathan Brison recueillis par FC.

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