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Stéphane Moulin : « Le haut niveau ne pardonne pas »

Propos recueillis par Maxime Brigand
8 minutes
Stéphane Moulin : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le haut niveau ne pardonne pas<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Au lendemain de la défaite de l’équipe de France en finale de l’Euro contre le Portugal, il faut maintenant tirer un premier bilan. Stéphane Moulin, entraîneur d’Angers et consultant des Bleus tout au long de la compétition, rend sa dernière copie.

Au lendemain de cette défaite contre le Portugal, comment faut-il analyser cette défaite ? Est-ce un simple manque de réalisme ou une issue finalement plutôt logique ?Je ne pense pas que c’est une issue logique. On a manqué de réussite, mais, surtout, malheureusement, de réalisme offensif, ce à quoi cette équipe ne nous avait pas habitués. Les occasions, on les a eues. On en a eu beaucoup et quand on n’arrive pas à concrétiser toutes ces opportunités, ou au moins une, comme souvent dans le foot, ça se retourne contre vous. C’est ce qu’il s’est passé, et malheureusement, je trouve que ça ne reflète pas ce qu’il s’est passé au cours de cette finale. Je trouve qu’on a été très dominateurs, dans tous les secteurs de jeu, mais l’efficacité qui nous avait accompagnés jusqu’ici nous a manqué. C’est ce qui explique notre défaite et on a donc tendance à oublier tout ce qu’il s’est passé dans le match, à penser que tout était imparfait. Je ne dis pas que ça a été parfait, mais en tout cas, je trouve que l’équipe a pris le match par le bon bout. En face, on a un gardien qui sort le plus grand nombre d’arrêts sur une rencontre, ça raconte beaucoup de choses. Mais quand on n’est pas efficace, le haut niveau ne pardonne pas.

Pendant la compétition, on avait souligné que cette équipe n’était pas faite pour faire le jeu. Face au Portugal, elle a été obligée de le prendre à son compte. Cela peut-il expliquer nos difficultés à faire la différence ?Oui, mais quand on se crée sept occasions franches de but, on peut quand même considérer que l’équipe de France a su utiliser le ballon. Après, il est évident que ce manque d’espaces ne nous avantage pas. C’est une équipe qui est faite pour les attaques rapides, pour des transitions défense-attaque rapides. Sur ce match-là, comme on pouvait s’y attendre avec le Portugal, ils nous ont volontairement laissés le ballon et on a, jusqu’au dernier geste, été intéressant, mais la finition n’a pas été à la hauteur de ce qui avait été fait jusqu’ici dans la compétition.

Ce qui est regrettable sur le match de dimanche soir, c’est que si la France le rejoue dix fois, elle le gagne au moins huit fois.

Comme on l’a vu, la France a clairement été au-dessus du Portugal dans le jeu. Dans les points positifs, on peut notamment souligner la nouvelle bonne copie de la paire Koscielny-Umtiti. Je trouve que jusqu’à la prolongation, on n’a pas vu les attaquants portugais. On a réussi à les étouffer avec une équipe équilibrée et une certaine agressivité défensive. Koscielny et Umtiti n’ont pas fait d’erreurs. Lloris n’a eu que deux arrêts à faire sur les 90 premières minutes. Après, avec la fatigue et la volonté d’aller chercher cette victoire avant les tirs au but, on a commencé à laisser des espaces et le Portugal a pu les utiliser. L’entrée d’Éder a conclu leur plan de jeu.

Justement, quel regard avez-vous sur la performance globale et le sacre de cette équipe du Portugal ?Ils avaient basé leur équipe sur une solidité défensive et une bonne organisation. Ils ont très souvent fait déjouer leurs adversaires sans pour autant le dominer. En revanche, ils n’ont jamais été battus, ce qui prouve aussi que c’est une équipe difficile à manœuvrer même si elle a souvent dû attendre pour éliminer ses adversaires. Le système se reposait ensuite sur une ou deux individualités, voire trois : Nani, Ronaldo et parfois Renato Sanches. C’est une équipe qui défend bien, qui profite comme beaucoup d’équipes dans le football moderne des oublis, des espaces laissés par l’adversaire. Elle ne restera pas dans les annales, mais en revanche, elle s’était organisée pour aller le plus loin possible, et comme Fernando Santos l’a expliqué, ce Portugal ne misait pas sur l’esthétique mais l’efficacité. L’histoire lui a donné raison.

Ce succès du Portugal est-il pour vous le fruit du passage d’un Euro à seize à un Euro à vingt-quatre ?Non, je ne pense pas. Je pense qu’ils avaient un vrai plan de jeu, avec de la cohérence, mais aussi beaucoup de réussite comme leurs résultats le soulignent. Pour gagner un titre international, il en faut. Souvenons-nous de la France de 98 où on passe une fois aux tirs au but et une fois après prolongation. Il faut avoir de la réussite, ils l’ont eue et ils ont su la provoquer. Maintenant, ce qui est regrettable sur le match de dimanche soir, c’est que si on le rejoue dix fois, on le gagne au moins huit fois. Malheureusement, cette aventure se termine mal et je pense qu’on était globalement supérieurs aux Portugais.

Si on dresse un bilan plus large de ce championnat d’Europe, y a-t-il une équipe qui vous a impressionné ?J’ai bien aimé la Croatie. Bon, ils se sont fait sortir par les Portugais justement après prolongation, mais cette équipe avait de la fraîcheur dans son jeu. J’ai bien aimé aussi l’Allemagne, même si on les a éliminés. C’était l’équipe la plus forte de ce championnat d’Europe. Et l’Italie, dans un autre registre, pour l’aspect tactique et discipline, pour la cohérence de son organisation et de son système. Puis, il y a la France, même avec cette défaite en finale. On ne peut pas tout brûler, il y a eu des choses intéressantes, je trouve que cette équipe est montée en puissance régulièrement. Il faut faire attention, après un verdict de finale et un résultat négatif, à ne pas tout jeter. Je crois que l’équipe de France faisait partie des quatre-cinq meilleures équipes de cette compétition. L’Islande m’a aussi accroché par sa fraîcheur, pour son investissement. C’était le petit poucet et ça mérite un grand coup de chapeau.

Aujourd’hui, un joueur doué techniquement doit aussi être costaud physiquement. La technique ne suffit plus. Cela laisse moins de place à des gestes techniques, à des envolées, à des espaces et c’est plus tactique.

Pendant la compétition, Arsène Wenger a expliqué qu’il n’y avait plus de jeu au milieu de terrain, que la volonté était surtout de casser le rythme et profiter des erreurs techniques adverses. Est-ce aussi un constat que vous avez tiré pendant cet Euro ?Je ne suis pas trop d’accord avec ça. Aujourd’hui, la difficulté du football moderne est de désorganiser des adversaires qui sont tous très bien organisés. Pour être capable de le mettre en difficulté, il faut être aussi très organisé, mais en plus avoir le talent supplémentaire. Peut-être qu’aujourd’hui, il n’y a pas assez de talent, mais globalement, le football est très souvent critiqué. Moi, j’ai vu des bons matchs, une belle compétition. Certes, ce n’est pas le Brésil des années 70, mais on est dans une nouvelle ère qu’il faut accepter : le jeu va plus vite, les joueurs vont plus vite, ils sautent plus haut, ils sont plus forts. C’est quelque chose qui met en difficulté les joueurs offensifs, c’est plus difficile de faire la différence. Il y a eu un nivellement des valeurs athlétiques. Il faut simplement trouver d’autres solutions, c’est un autre football. On ne peut plus penser qu’une finale va se terminer sur un 5-3. Tout le monde est bien préparé. La vidéo fait que les équipes se connaissent par cœur et chacun essaye de minimiser les forces de l’adversaire. C’est quelque chose qui rend les matchs plus serrés. La densité athlétique est telle qu’il est difficile d’imposer et d’être supérieur à un adversaire pendant toute une rencontre.

Doit-on se préparer à une période de rigueur ?Ce n’est pas forcément de la rigueur, c’est surtout qu’aujourd’hui, un joueur qui est doué techniquement doit aussi être costaud physiquement. La technique ne suffit plus aujourd’hui. C’est ça qu’il faut relever et noter, ce n’est pas un manque de jeu, il est simplement devenu plus difficile avec l’arrivée d’une préparation plus poussée. Cela laisse moins de place à des gestes techniques, à des envolées, à des espaces et c’est plus tactique. On a pu le vérifier pendant cet Euro : quand il y a 0-0, les équipes cherchent avant tout à se neutraliser.

On a aussi noté dans cette compétition le retour des attaquants en pivot. Que pensez-vous du retour de ce rôle à l’ancienne ?Ce sont des attaquants qui servent dans des équipes qui n’ont pas la possession du ballon. C’est l’Italie, le Portugal quand il fait entrer Éder, la France avec Giroud. Toutes ces équipes qui ont du mal à avoir la maîtrise, il y a un mec qui est devant pour garder le ballon. C’est lié à l’évolution du football. Prendre appui sur un attaquant, ce n’est pas un problème, c’est aussi gratifiant que jouer différemment.

Le dernier mot : Antoine Griezmann a été élu meilleur joueur de la compétition. Que retenez-vous de son Euro ?Je trouve qu’il a été là où on l’attendait. Il est arrivé diminué physiquement et psychologiquement, mais il a su, je pense grâce au staff, retrouver une fraîcheur physique et mentale jusqu’à atteindre son meilleur niveau en demi-finale contre l’Allemagne. Je ne pense pas qu’il a fait une mauvaise finale, il a fait un match dans la lignée de ce qu’il a fait jusqu’ici, la seule chose qui lui a manqué, c’est l’efficacité. Il a toujours été l’élément déclencheur et le plus dangereux de cette équipe de France. Il mérite entièrement cette distinction.

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La Croatie se qualifie grâce à un nul contre le Portugal, la Pologne reléguée en Ligue B
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Propos recueillis par Maxime Brigand

PS : Merci à Stéphane Moulin pour sa disponibilité et pour s'être prêté au jeu du debriefing des Bleus.

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