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Stéphane Moulin : « La France a trouvé son style »
Victorieuse de l'Allemagne jeudi soir (2-0), l'équipe de France s'est donné le droit de disputer la finale de son Euro contre le Portugal dimanche prochain. Stéphane Moulin, entraîneur d'Angers et consultant des Bleus pendant l'Euro, analyse cette étape historique.
Après le quart de finale contre l’Islande (5-2), on avait parlé d’un retour d’un schéma plus classique en 4-3-3 contre l’Allemagne. Finalement, Didier Deschamps a misé sur un 4-2-3-1 dans la continuité de ce qui avait été fait au tour précédent. Avez-vous été surpris ?Oui, mais on a bien entamé la rencontre. C’est quelque chose qui devient une bonne habitude. Après, on s’est retrouvé face à la maîtrise technique des Allemands, il fallait s’y attendre. On a eu la chance que Lloris fasse les arrêts qu’il faut, quand il le fallait et puis, on a bénéficié de ce petit coup de pouce, même s’il y avait penalty, qui fait que la deuxième mi-temps a été totalement différente. On a quand même souffert à la récupération du ballon en première période notamment, mais l’option choisie par Didier Deschamps, encore une fois, est la bonne puisqu’il a gagné. Elle s’est surtout avérée payante en seconde mi-temps.
Le cas qui nous inquiétait le plus était celui de la défense centrale où Deschamps avait décidé de confirmer Umtiti à la place de Rami. Sur l’ensemble de la rencontre, elle a été performante. Est-ce qu’elle vous a convaincu ?Je m’en doutais un petit peu. Pour Umtiti, l’Islande était son premier match en équipe de France, alors le deuxième était naturellement meilleur et c’est ce qu’il a été. Même s’il n’avait pas beaucoup d’expérience, c’est un garçon qui a un certain passé, un certain niveau, et je trouve que son association avec Koscielny va continuer de s’améliorer parce que ce sont les deux joueurs du moment et ils l’ont prouvé jeudi soir.
L’autre point positif de la soirée est forcément Antoine Griezmann, auteur d’un doublé. Contre l’Allemagne, il a simplement été partout : entre les lignes, au pressing, à la création et il a compensé l’impact réduit d’Olivier Giroud. Qu’avez-vous pensé de sa performance ?Je suis d’abord très content pour lui parce qu’on cédait un petit peu aux critiques contre lui lors du premier match de l’Euro. Et, comme d’habitude, il ne faut jamais aller trop vite dans les jugements parce que les garçons qui ont du talent finissent toujours par le révéler, et c’est ce qu’il a fait progressivement dans ce tournoi. Il est le meilleur buteur, il est dans les meilleurs passeurs, il a été le meilleur joueur contre l’Allemagne avec Hugo Lloris. C’est une vraie réussite, il est devenu le patron technique de l’équipe, donc tous ceux qui en doutaient en sont aujourd’hui pour leurs frais. Et moi, je suis très content, car on a un joueur qui est jeune et qui va continuer à mettre sa patte sur l’équipe. C’est quelque chose qui donne beaucoup d’espoirs pour le dernier match, mais aussi pour la suite des événements.
Problème : dans le même secteur, on a trouvé un Olivier Giroud un peu plus en dedans…Oui, oui, il a été un peu en dessous sur ce match-là, mais l’essentiel, c’est que l’équipe a quand même réussi à marquer deux buts. Voilà, il a été un peu en dedans contre l’Allemagne par rapport aux autres matchs, mais il ne faut pas remettre en question ni sa place ni ce qu’il a apporté jusqu’ici. Il est un peu passé à côté, comme Dimitri Payet, mais ce sont des garçons qui nous ont permis sur la première partie de la compétition d’arriver où on est. À côté de ça, on a Pogba qui commence à trouver son rythme de croisière, Matuidi qui est son parfait complément au milieu de terrain, Sissoko qui est un renfort de poids. J’espère que, pour la finale, tout le monde sera au même niveau en même temps.
Autre point négatif, l’apport des latéraux dans ce 4-2-3-1 qui montre peut-être ses limites sur ce détail.Oui, après, je pense qu’une fois cette compétition terminée, il faudra se pencher sur des postes à renouveler parce que je pense que les garçons qui sont en poste aujourd’hui ont un certain âge. Jeudi soir encore, ils se sont d’abord contentés de défendre même si, sur le côté gauche, on a été très perturbés en première mi-temps avec Kimmich. Patrice Évra n’a pas non plus été très aidé par Payet qui allait dans un 4-4-2, mais pas sur un côté comme ça. C’est un système qui l’amène à défendre très bas, ce qui n’est pas son truc. Donc c’est vrai qu’on a eu contre l’Allemagne des latéraux qui se sont d’abord contentés de défendre, mais on n’a pas pris de but, donc on peut considérer que la mission a été réussie.
Finalement, aussi, on attendait beaucoup de cette équipe d’Allemagne qui a maîtrisé le jeu pendant la quasi-intégralité de la rencontre. La densité mise par Joachim Löw au coup d’envoi était-elle une surprise ?Oui, ça m’a surpris, car ça veut dire qu’ils se sont adaptés à l’équipe de France, ce qui veut dire que nos adversaires nous considèrent comme une équipe avec des grandes qualités. Ce n’est pas quelque chose qui les a empêchés de maîtriser le jeu, même s’ils ont montré des limites offensives tout au long du tournoi. Ils ont manqué de vivacité, de spontanéité, donc tant mieux pour nous. Maintenant, je pense qu’on a su leur faire face dans une opposition de deux styles, notamment face à la possession de l’Allemagne qui nous convenait parfaitement. Il faudra s’en inspirer contre le Portugal même si ça sera différent.
Justement, comment aborder cette finale ? Jusqu’ici, on a vu un bloc regroupé, limité dans l’animation, est-ce que c’est une équipe qui vous fait peur aujourd’hui ?Je pense que l’équipe de France est maintenant en train de démontrer son potentiel. On parle de la deuxième mi-temps contre l’Irlande, du quart, du match contre l’Allemagne, je crois que les Bleus ont trouvé un style. Tout le monde disait que la France n’avait pas de style, mais elle a prouvé qu’elle pouvait répéter sur plusieurs matchs quelque chose de cohérent. C’est ça qui est important avec des individualités fortes. Les Portugais ont ça aussi, même si la dynamique est française et je vois sincèrement les Français au bout, même si ce sera un tout autre match.
Propos recueillis par Maxime Brigand