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Stéphane Jobard : « Je fais du bricolage, même si ce n’est pas mon truc »
Comme une majorité de Français, Stéphane Jobard est confiné chez lui, tout près de Dijon. L’entraîneur du DFCO, qui garde le contact avec ses joueurs et son staff technique, suit, entre quelques activités familiales, l’évolution inquiétante d’une épidémie que certains qualifiaient il y a encore peu de « gripounette. » Il prépare aussi la reprise éventuelle des entraînements et de la compétition, même s’il envisage tous les scénarios.
Comment s’occupe un entraîneur de Ligue 1 en cette période de confinement ?Je me recentre sur les activités familiales. Avec ma femme, on s’occupe des enfants. J’en profite, car les week-ends, avec les matchs, je les vois assez peu. Je fais un peu de rangement, un peu de bricolage, même si ce n’est pas trop mon truc. Je cuisine, aussi. Surtout les desserts. Je lis également : là, j’ai commencé la biographie de Zidane. Et je regarde un peu la télé. Je m’informe sur la situation sanitaire, mais pas à longueur de journée, afin d’éviter la sinistrose. En ce moment, c’est plutôt des séries, dont Narcos : Mexico.
Mais vous n’avez pas complètement coupé avec le foot…Non. Je regarde des matchs, dont certains de mon équipe. J’ai des échanges réguliers avec le staff technique pas uniquement pour parler foot, car en ce moment, ce n’est pas la priorité, mais pour prendre des nouvelles des uns et des autres.
Le lien avec les joueurs est-il fréquent ?Oui. On vit une situation exceptionnelle, et on ne sait pas combien de temps elle va durer. On prend des nouvelles des joueurs régulièrement. Pour l’instant, ils vivent plutôt bien ce confinement. Je sais que la vie de groupe, les entraînements et la compétition manquent à tous. Ils n’en sont pas à se taper la tête contre les murs, mais c’est forcément difficile à vivre, surtout pour ceux qui sont un peu hyperactifs. Je sais que les joueurs communiquent pas mal entre eux, ils font des jeux en ligne. Il y a pas mal de solidarité, c’est important en ces moments difficiles. En fonction des personnalités, certains auront peut-être besoin d’un peu plus de soutien. Mais à ce jour, tout le monde va bien, il n’y a aucun signe de déprime.
Avez-vous autorisé certains d’entre eux à rentrer dans leur pays ?Absolument. Mama Baldé est reparti au Portugal (l’international bissau-guinéen évoluait au Sporting Portugal la saison dernière, N.D.L.R.), pour rejoindre sa femme, qui est enceinte. Et Stephy
Mavididi est en Angleterre. Sinon, les autres sont en France, la plupart à Dijon.
Y a-t-il une attention particulière pour les joueurs étrangers, confinés dans un pays qui n’est pas le leur ?On sait que la communication est importante en cette période si particulière. On a certes pas mal de joueurs étrangers, mais hormis certains qui sont arrivés au DFCO l’été dernier (Mavididi, Muzinga, Baldé et Cadiz) et qui découvrent un nouveau pays, les autres (Runarsson, Aguerd) étaient déjà là. Il faut prendre son mal en patience, s’occuper autrement. Évidemment, ce sera peut-être plus difficile à vivre pour un célibataire qui habite en appartement que pour celui qui a une famille et un jardin.
Avez-vous demandé aux joueurs de surveiller leur alimentation pendant cette période, où on peut avoir tendance à grignoter ?On leur fait confiance. Nous avons des joueurs très professionnels, très responsables. Ils ont l’habitude de faire attention. En temps normal, on les pèse deux fois par semaine. Quand on se retrouvera, on verra vite qui a pris du poids.
Le confinement initial de deux semaines minimum est en vigueur depuis le 17 mars, et il pourrait être prolongé d’au moins quatre semaines…À l’heure où on se parle, nous ne savons toujours pas jusqu’à quand va durer le confinement, mais d’après ce que j’ai compris, c’est parti pour durer au moins tout le mois d’avril, peut-être plus. Dans cette hypothèse, cela signifierait qu’on reprendrait l’entraînement courant mai. Et si cela devait être le cas, il nous faudrait du temps pour remettre les joueurs à niveau. La durée d’un confinement de six semaines équivaut presque à celle de la coupure estivale. Une préparation dure cinq à six semaines. On verra combien de temps les instances du football français laisseront aux clubs pour remettre leurs joueurs à niveau. Peut-être pas autant que pour une préparation normale. On s’attend à tout, on se prépare à tout.
Vraiment à tout ?Oui. Que la saison actuelle s’achève en juillet, avec trois matchs à jouer par semaine. Ou qu’elle se termine plus tôt. Ou plus tard. Ou même qu’elle s’arrête définitivement, comme il en est question en Italie. On ne sait pas. Le mieux serait que la saison 2019-2020 puisse aller à son terme, pour respecter l’équité sportive, avec ou sans public. Mais qui peut vraiment en être certain aujourd’hui ? On se prépare à toutes les hypothèses. Avec le staff, on travaille sur les différentes options qui pourraient se présenter. On se doute que la pause entre les deux saisons pourrait être plus courte que d’habitude.
Il y a, depuis l’interruption du championnat, des discussions assez animées entre certains acteurs du football français. Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, a imaginé plusieurs solutions au cas où la saison ne redémarre pas…Beaucoup de questions se posent. Il est normal que la Ligue, les clubs, la Fédération travaillent sur tous les scénarios. Il y a des enjeux sportifs, économiques. Sur ce dernier point, je ne maîtrise pas tout. Mais dans une période comme celle-ci, où le foot est vraiment secondaire, où la question principale est et doit rester la santé publique, je pense qu’un peu de pudeur s’impose. Il y a un temps pour tout.
Quelle a été votre approche personnelle de ce Covid-19 ?Au début, je ne m’inquiétais pas trop. Je ne prenais pas les choses à la légère, mais à l’époque du H1N1, le monde avait globalement su faire face.
J’ai tendance à faire confiance aux scientifiques et au corps médical. Mais ces dernières semaines, j’ai compris que ce virus était une belle saloperie. Si autant de mesures ont été prises en France et dans d’autres pays, ce n’est pas un hasard. Le confinement, la fermeture des écoles et de presque tous les commerces, ce sont des décisions fortes. C’est la preuve que la situation est grave.
Propos recueillis par Alexis Billebault