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Stéphane Coquin : « Dans le Sud de l’Italie, c’est vie de football où les gens sont malades »
Formé à l'ASSE avant de filer au Genoa alors qu’il n’était même pas majeur, Stéphane Coquin pourrait rédiger un guide Michelin du football semi-pro italien. Et pour cause, le natif de Courbevoie a évolué dans 29 clubs transalpins différents, avec une préférence pour la Campanie, où il vit encore du calcio aujourd’hui.
C’est après son entraînement, à l’heure de l’aperitivo, que Stéphane Coquin arrive à Pozzuoli. L’attaquant français ne le dit pas tout de suite, mais il fête ce jour-là ses 40 ans. Dont plus de la moitié passée sur les pelouses d’Italie. Ce qui n’empêche pas ses jambes d’être encore au rendez-vous. « J’avais pensé arrêter à cet âge-là, mais je verrai à la fin de la saison. Je suis bien physiquement hein, mais c’est un peu plus au niveau de la motivation et de l’envie que ce n’est plus tout à fait comme avant. » Pourtant, cet été, celui qui songe devenir agent après sa carrière a rempilé pour une saison. C’est le Montecalcio, club d’Eccellenza (5e échelon national), qui a raflé la mise et l’a fait rappliquer en Campanie. L’occasion parfaite pour revenir avec lui sur sa carrière en Italie.
Tu as passé plus de la moitié de ta vie en Italie. Quand tu signes au Genoa en 1999, tu aurais pu t’imaginer que tu serais encore ici 23 ans plus tard ?Bien sûr que non, pour moi, ce n’était juste qu’un passage.
Comment tu t’es retrouvé à signer au Genoa ?Ça faisait trois ans que j’étais au centre de formation de l’ASSE, à 700 kilomètres de chez moi, je jouais en équipe de France U15 avec Philippe Mexès et Wilfried Dalmat, mais je n’avais pas de contrat. C’est un recruteur, Michael Manuello, l’actuel agent d’Olivier Giroud, qui m’a fait signer là-bas. À l’époque, il bossait avec le Genoa, vivait à Menton et commençait tout juste à dénicher des talents français pour les faire signer en Italie. Nantes, Bordeaux, le PSG, le Red Star ou Strasbourg étaient aussi intéressés, mais aucun d’eux ne me proposait un contrat pro. Alors quand le Genoa m’a proposé un contrat pro de 6 ans et un salaire mensuel de 3 millions de lires, je n’ai pas hésité. Ça a fait du bruit, car j’étais un des premiers joueurs français à partir à l’étranger si jeune, et notamment en Italie, comme Zoumana Camara, Vincent Péricard, Ousmane Dabo ou Sébastien Frey.
Tu es parti là-bas tout seul ou tes parents t’ont accompagné ?Non, je suis parti tout seul. Au départ, c’était un peu difficile car j’étais jeune et que je ne parlais pas la langue, mais mes parents m’ont beaucoup aidé. J’ai grandi dans une famille sportive, mon père est un ancien boxeur pro, et ma mère faisait de l’athlétisme. J’ai d’ailleurs commencé par la boxe, puis la boxe française, avant de jouer au foot pour faire comme mon grand frère. Ce n’est qu’après ça que mon père m’a dit de trancher.
Et tu n’as pas opté pour la boxe.Quand j’ai commencé à jouer au foot, le Racing Club de Paris m’a supervisé grâce à un ami avec qui j’ai grandi, Karim Ziani, et son père. C’est quand j’ai signé là-bas que j’ai naturellement choisi le foot. J’ai joué en U13 DH, puis en U15 nationaux avec Karim et le frère de Michaël Ciani. À la fin de cette saison, une dizaine de clubs de Ligue 1 et Ligue 2 me voulaient.
Pourquoi avoir choisi l’ASSE ?Il y avait d’abord les conditions que le club nous proposait : billets d’avion payés pour ma famille, école, livres, j’avais juste à jouer au foot. Puis c’était un tout nouveau centre de formation, un des premiers en France où l’école était assurée en interne, un peu comme à l’Ajax. Il avait été construit pour la Coupe du monde 1998, et je me souviens que c’est l’Argentine de Batistuta et Véron qui est venue s’entraîner chez nous, c’était incroyable.
Comment tu expliques que tu n’as pas réussi à percer au Genoa ? Le problème, quand t’es jeune, c’est que tu ne te rends pas compte de ce que tu as. Moi je m’en foutais, j’avais six ans de contrat de pro devant moi, le club comptait beaucoup sur moi, et j’avais mon salaire qui tombait tous les mois. De temps en temps, quand je ne savais pas quoi faire et que je m’ennuyais, je prenais un billet d’avion à Gênes, et je rentrais à Paris pour une journée. Des trucs un peu bizarres, quoi. Je ne me rendais pas compte des choses, je ne calculais pas les opportunités, donc je préférais ne pas jouer et avoir mon contrat pro. Ce qui était une grosse erreur parce que c’est important de jouer. Après, je n’ai pas eu de chance. Car lors de ma dernière année de contrat, l’équipe première est montée en Serie A, mais ils ont apporté une valise à Venise lors du dernier match. Ciao : 3-0, Gênes relégué en Serie C, une amende de je ne sais pas combien et tous les contrats résiliés. C’est après ça que mon tour d’Italie a commencé.
Ce tour d’Italie t’a vu jouer dans 29 clubs et 10 régions d’Italie, avec une préférence pour les Pouilles, la Sardaigne et surtout la Campanie. Pourquoi cette attirance pour le Sud ?Parce que dans le Sud, footballistiquement, c’est autre chose. Dans le Nord, j’ai joué à Gênes et à Alessandria, deux clubs très suivis et bien structurés. Mais dans le Sud, c’est une autre vie. Une vie de football où les gens sont malades. Et ça suit derrière, que ce soit en matière de couverture médiatique ou même au niveau économique. Dans le Nord, par exemple, tu as des équipes de Serie D où les joueurs travaillent, alors que c’est un gros niveau en Italie. Ici, dans le Sud, où c’est plus pauvre, c’est impensable, être footballeur dans les catégories inférieures, c’est vraiment un métier.
Ça veut dire que depuis vingt ans, chaque saison, tu vis exclusivement du football ?Ouais.
Et si tu ne devais retenir qu’un club où tu as joué, ça serait lequel ?Je dirais la Palmese. C’est la première année où je suis venu en Campanie et c’est là que j’ai découvert la différence entre le Nord et le Sud, et surtout la Campanie. Ce n’était pas une grande ville, mais à l’entraînement, il y avait entre 50 et 100 personnes, et aux matchs ils étaient 3000 ou 4000, t’avais l’impression de jouer en Ligue 1. À côté de ça, on avait un président chinois, qui avait racheté le club après un deal immobilier avec le maire de la ville, qui était un vrai supporter du club. Le magazine GQ est même venu faire un reportage, car c’était le premier président étranger à la tête d’un club italien. Au début, c’était le Real, tout ce qu’on demandait on l’avait. Mais il y a rapidement eu des promesses non tenues et des problèmes financiers.
À part l’Italie, tu as joué quatre petits mois en Lituanie. Tu n’as jamais eu l’occasion de rejouer en France ?Si. Au moment où j’étais à Gênes, il y a eu Lorient, qui évoluait en Ligue 2, mais qui me trouvait trop jeune. Une autre fois, Michael Manuello m’a appelé pour me dire que j’avais l’opportunité de signer à Évian Thonon Gaillard. Il a insisté pour que j’aille jouer en National là-bas, mais vu qu’ils me donnaient moins que ce que je gagnais à Gênes, j’ai dit non. À la fin de la saison, ils montent en Ligue 2, et quand Manuello m’a rappelé, je lui ai dit : « Vas-y, s’te plaît, envoie-moi là-bas, j’y vais. » Il m’a dit « Tu peux pas, t’as refusé, c’est mort ! » Et le mois d’août suivant, alors que je regarde le championnat de France à la télé, je vois Évian Thonon Gaillard. Là, j’ai pleuré.
Et aujourd’hui, alors que ta fin de carrière approche, tu as songé à un retour en France ? Ou l’Italie, c’est pour la vie ?Pour le moment, je ne pense pas, car j’ai tout ici. Puis le cadre et le mode de vie sont complètement différents, il fait beau et chaud. C’est d’ailleurs pour ça que ma famille vient souvent. Moi, je suis plus habitué au climat français. À chaque fois que je rentre en France, c’est la misère. Ça me marque, j’ai envie de rentrer en Italie.
Propos recueillis par Maxime Renaudet, à Pozzuoli.