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Steimetz n’a plus de temps à perdre
Dix mois à soigner une sale blessure, vingt-quatre à purger une suspension pour avoir giflé un con. A 28 ans, Thierry Steimetz avait fini par croire que le monde pro ne voulait pas de lui. Puis il y a trois semaines, le génial meneur de jeu a décroché le pompon : un contrat d’un an et demi au FC Metz. Le voilà prêt à justifier son surnom de « Ribéry de la Moselle».
Thierry Steimetz a deux points communs avec Georges Frêche, O. J . Simpson et Paolo Di Canio. Le premier, c’est d’être né un 9 juillet. Le deuxième, d’avoir longtemps cru que la vie n’était qu’une lutte à mener seul contre le reste du monde. Les emmerdes commencent à Lens, au tout début du siècle. Dominique Bijotat et Joël Muller, alors respectivement directeur du centre de formation et entraîneur du RC Lens, ne jurent que par le muscle. « C’est l’époque des Papa Bouba Diop, Rigobert Song…, raconte Ludovic Guerriero, aujourd’hui capitaine du FC Metz et qui connaît bien Steimetz pour être né à Forbach, soit à 26 km de Creutzwald, commune dans laquelle son nouveau coéquipier a vu le jour. Ils ont privilégié le physique. Partout. Y compris dans l’équipe réserve et chez les jeunes. Voilà comment Lens est passé à côté de Thierry » .
Parti se refaire la cerise en CFA, Steimetz devient l’homme fort de la montée de Roye en National. A peine le temps de se distinguer à cet étage que le garçon voit la poisse l’attraper par le colbac : double fracture tibia péroné. Quand il revient de dix mois d’arrêt complet, Steimetz doit quitter Roye. Orphelin de son meilleur joueur, le club a perdu les pédales et, rétrogradé en CFA, n’a plus les moyens de garder son joyau.
« Thierry fait partie de ces mecs qui ont les fils qui se touchent »
Il n’y a que Forbach (CFA 2), le club de sa ville, qui accepte de le relancer en janvier 2006. Pour son premier match, le Mosellan a une belle opportunité de rattraper le temps perdu avec un voyage à Dijon (L2) en 32ème de finale de Coupe de France. Une vitrine suffisamment importante pour en mettre plein les yeux au club pro. Problème : « Thierry, il fait partie de ces mecs qui ont les fils qui se touchent » , décrit Guerriero. Ce jour-là en Bourgogne, c’est le défenseur dijonnais Denis Stinat qui prendra un coup de jus. Ou plus exactement un coup de poing dans la gueule. La raison de ce mauvais geste? Steimetz vient de compenser pendant 90 minutes les trois divisions qui séparent les deux équipes. Il a ouvert le score pour Forbach et encaissé coups dans les chevilles et insultes dans les oreilles de la part de Stinat, le tout sans broncher.
Mais quand le coup de sifflet final est venu valider la qualification du DFCO (2-1), l’adrénaline a poussé Steimetz, du haut de son mètre soixante quatre, à aller essuyer son poing sur les gencives du défenseur taquin. « Je sais que je ne devrais pas dire ça mais je comprends sa réaction. Un mec comme Thierry, c’est difficile de lui prendre le ballon. Alors t’es obligé de lui mettre des coups. Je comprends qu’on ne puisse pas toujours intérioriser quand on se fait pourrir tout un match » , théorise encore Guerriero. Reste que la FFF, plus d’humeur policière que de cet avis, colle deux ans de suspension au boxeur. Deux longues années pendant lesquels Steimetz ne fait rien à part passer de 22 à 24 ans. « Des boulots par-ci, par-là » se contente-t-il de compléter, trop pudique pour évoquer ces heures sombres. « Cette suspension, c’est une étiquette terrible qui lui a collé à la peau. Quel club pro peut parier sur un joueur qui vient de prendre deux ans de suspension ? » , s’interroge Pascal Carzaniga, entraîneur du CSO Amnéville (CFA) en ayant une idée de la réponse.
« Ma vie, c’était plus du chômage qu’autre chose »
Black-listé en France, Steimetz file de l’autre côté de la frontière. Après une saison et demie au Luxembourg où il qualifiera le CS Grevenmacher à deux reprises pour l’Europa League et sera nommé meilleur joueur du championnat, il revient dans l’hexagone, à Amnéville donc, sous la houlette d’un Carzaniga pas mécontent de son affaire. « Tout d’abord, j’ai vite vu que je n’avais pas affaire à l’énergumène dont on m’avait parlé. Thierry est un type bien. Pour ce qui est du jeu, j’ai toujours organisé mon équipe en fonction de lui. A chaque match, je me disais :« Ce gars n’a rien à faire en CFA ». Dans les quarante derniers mètres, il est assez exceptionnel. Je ne serai pas du tout étonné qu’il explose au FC Metz » , pronostique le technicien qui l’a eu entre les mains ces dix-huit derniers mois. Un milieu offensif de la génération 1983, dribbleur de petite taille au parcours chaotique et qui explose au FC Metz… La comparaison avec Ribéry coule de source. « Il y a d’autres petits parallèles entre lui et moi, ajoute Steimetz. Je viens de tout en bas, j’ai galéré, mon père était mineur… » .
Sauf qu’aujourd’hui, Francky a déjà une finale de Coupe du monde et une autre de Ligue des champions dans les valises quand Titi n’a rien de plus qu’une demi-saison en National. Une façon comme une autre de dire que la galère est un peu plus évidente à palper dans le parcours du Forbachois. « Juste avant que Metz me propose ce contrat pro, j’étais à un stade où je me posais pas mal de questions sur mon avenir. Dans quelle branche j’aurais bossé? Je ne sais pas. Pour l’instant, ma vie, c’était plus du chômage qu’autre chose » , analyse-t-il. La morale de cette histoire est qu’il n’y en a pas. A moins qu’il ne faille en tirer comme conclusion que si Steimetz défiera Nantes ce soir à La Beaujoire avec un maillot floqué à son nom, c’est que son talent – et rien que son talent – l’a bien voulu. Personne ne sait ce qu’évoquerait le nom « Steimetz » dans la mémoire française si Dominique Bijotat et Joël Muller, aujourd’hui entraîneur et conseiller du président du FC Metz, avaient ouvert les yeux il y a neuf ans.
Par Matthieu Pécot