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Stefano Sensationnel
La réussite de Sassuolo, petite sensation du début de saison en Serie A, a souvent pris le visage de Domenico Berardi. Mais derrière lui, le jeunot qui monte chez les Neroverdi s'appelle Stefano Sensi, milieu de terrain modèle réduit qui se bâtit une jolie réputation de futur cador.
Il est italien, jeune, tatoué, tout petit, milieu de terrain, fait frissonner les grands clubs de la Botte, envoie des transversales de soixante mètres en plein dans les pieds, et ne se refuse pas un petit carton jaune de temps à autre. Voilà pour le portrait-robot, qui enverrait n’importe quel enquêteur sur les traces de Marco Verratti. Mais le nouveau lutin un peu dingue qui agite le foot italien depuis le début de la saison se nomme Stefano Sensi. Et pendant que Verratti signe une prolongation/augmentation toutes les deux semaines à Paris, Sensi poursuit tranquillement son apprentissage à Sassuolo, une des équipes les plus sympas de la saison en Serie A. Combinaison entre des jeunes joueurs promis à un avenir solide – coucou Berardi –, des dirigeants baroques – Giorgio Squinzi, également à la tête de la firme de produits chimiques Mapei –, et un coach vieux briscard de le Serie A qui a les dents longues depuis qu’il est passé entraîneur – Eusebio Di Francesco –, Sassuolo est une bonne école pour se tanner le cuir. Encore pensionnaire de Cesena la saison dernière, dans une Serie B qui était devenue indigne de son niveau, Stefano Sensi était pisté par tout ce que l’Italie du football a de balèze. Les deux Milan, Naples, la Juve, même les émissaires de Chelsea envoyés par Mourinho, s’étaient pressés au Stadio Dino Manuzzi pour l’observer, le superviser, commencer la drague. Mais au moment de signer un contrat, Sensi n’avait pas eu les yeux plus gros que le ventre. Va pour Sassuolo.
Le fantasme Xavi
Ne pas viser trop haut trop vite ne veut toutefois pas dire que Sensi ne voit pas grand pour la suite. Ainsi, la Juve a été intégrée au deal et s’est assurée la priorité sur son achat dans le futur. Car Sensi, né en août 1995, est encore dans une phase que les jeunes pépites de notre temps ont tendance à vouloir sauter, celle de la progression. Et prudence est génitrice de sûreté. La comparaison avec Verratti ? « Ce que nous avons en commun, c’est peut-être la taille » , s’amuse Sensi, histoire de faire preuve d’humour et de légèreté pour ne pas avoir à commenter ce parallèle un brin pesant. De toute manière, peu importent les références permanentes à Verratti, le vrai modèle de Sensi est et restera à jamais Xavi : « Il est très fort. Je le regarde comme un enfant, et je cherche toujours à étudier ses mouvements, pour essayer de les reproduire moi-même dans le jeu. » Dans les faits, ça donne un Sensi milieu de terrain préférant jouer devant la défense, ambidextre, et catapultant des trésors de passes millimétrées avec une justesse technique et une élégance hors pair. Mais avant d’avoir à répondre à des questions sur Verratti et Xavi, Sensi a d’abord dû faire ses classes. Pas facile pour un minot qui a passé la majorité de son enfance à entendre qu’il ne jouerait jamais en pro parce qu’il était trop petit et trop frêle – 1,68 m pour 58 kilos. Recruté par Cesena avant même ses dix-huit ans, il file illico presto en prêt en Serie C au San Marino Calcio, l’équipe de la ville la plus peuplée du minuscule État de Saint-Marin.
Magnanelli, prends garde à toi
Là-bas, il croise la route de Fernando de Argila, un coach espagnol fanatique de football léché. Ce dernier ne pensait pas trouver si bas dans les divisions un si bel et si jeune ambassadeur de ce football qui sent l’amour, et Argila jure aux médias locaux que Sensi est meilleur que Xavi et Iniesta au même âge. Il le fait capitaine, à dix-huit ans seulement, et Sensi enquillera deux saisons à Saint-Marin avant de revenir passer une année à Cesena. La suite, c’est l’arrivée à Sassuolo et l’éclosion en Serie A. Au sein d’un effectif jeune et ambitieux, Sensi trouve rapidement ses marques et se déclare « en harmonie totale » avec son nouveau club. Lors d’un match bourbier face à Crotone, le 16 octobre dernier, il s’est même amusé à jouer les buteurs sauveurs en marquant le but de l’égalisation en fin de match, juste avant que son coéquipier Iemmello n’en plante un deuxième et ne file les trois points à Sassuolo. « C’est une émotion unique » , avait commenté Sensi, encore tout émerveillé après le premier pion de sa vie en Serie A. « Ce but, je ne l’oublierai jamais. Et je suis encore plus heureux parce qu’il a servi à inverser le cours d’un match très important pour nous, qui avait mal démarré. » Un dépucelage réussi, même si Sensi n’est toujours pas installé dans le onze de départ de Sassuolo, dont la pointe basse du milieu de terrain revient le plus souvent au taulier Francesco Magnanelli, dix ans de maison noir et vert au compteur. « Magnanelli est fort, et je pense que nous pouvons jouer ensemble » , promet Sensi. Une façon de rappeler à Magnanelli, joueur travailleur et moins talentueux que Sensi, qu’il est déjà en train de sentir le souffle chaud du jeune Stefano sur sa nuque.
Par Alexandre Doskov