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Stefano Mauri : « Quand des choses négatives t’arrivent, c’est là que tu vois tes vrais amis »

Propos recueillis par Éric Maggiori
Stefano Mauri : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand des choses négatives t’arrivent, c’est là que tu vois tes vrais amis<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Retraité depuis 2017, Stefano Mauri vient de fêter ses 40 ans. L'ancien capitaine de la Lazio, également passé par Modène, Brescia et l'Udinese, a profité de l'occasion pour rembobiner le film de sa carrière. Interview totale, où l'on croise Roberto Baggio, Miroslav Klose, Luciano Spalletti et même Marek Jankulovski.

Ciao Stefano. Tu as fêté il y a quelques jours tes 40 ans. C’est un sacré cap dans une vie…

On est en 2020. 20 + 20, ça fait 40. Je suis parfaitement aligné avec la date actuelle.

C’est vrai. En plus les chiffres sont avec moi. On est en 2020. 20 + 20, ça fait 40. Je suis parfaitement aligné avec la date actuelle. (Rires.) Plus sérieusement, 40 ans, ça veut pratiquement dire recommencer une nouvelle vie. Mes vingt premières années, je les ai partagées entre l’école, les devoirs et le foot. Les vingt années suivantes, je me suis concentré sur ma carrière professionnelle, j’ai exclusivement joué au foot. Et me voilà donc à 40 ans, avec une nouvelle aventure à écrire.

Tu as déjà des idées sur l’orientation de cette aventure ?Je voudrais devenir agent. Agent de joueur, « procuratore » comme on dit en Italie. Je me suis inscrit à un cursus, j’aurai l’examen au mois de mars, après quoi j’espère vraiment pouvoir commencer à travailler là-dedans. De façon à rester dans le monde du football.

Tu avais aussi suivi le cursus pour devenir entraîneur, ça ne t’intéresse plus ?J’ai effectivement suivi le cursus UEFA B, qui est le premier cursus d’entraîneur. Dans la foulée, j’ai également suivi une formation de directeur sportif, et d’ailleurs aujourd’hui je suis officiellement directeur sportif. Mais après y avoir bien réfléchi, je pense vraiment que ma route est celle de l’agent. Cela me convient plus.

Revenons en arrière d’une quarantaine d’années. Tu es né à Monza, en 1980. Quels souvenirs gardes-tu de ton enfance ?

J’ai commencé très tôt à jouer au foot, mon père était entraîneur dans le petit club local de Casati Arcore, il m’a clairement transmis la passion du ballon.

Je suis né à Monza, mais j’ai grandi à Lesmo, qui est une petite ville dans la province de Milan. C’est un petit village, mais dont le nom est connu partout en Italie, car deux virages du circuit de Formule 1 de Monza se nomment Lesmo 1 et Lesmo 2. J’ai commencé très tôt à jouer au foot, mon père était entraîneur dans le petit club local de Casati Arcore, il m’a clairement transmis la passion du ballon. Je jouais vraiment pour m’amuser, dès que j’avais fini l’école, j’allais jouer avec les copains à « l’oratorio » , ou sur des petits terrains, comme tous les gamins à mon époque.

Quel genre de joueur était le petit Stefano ?C’était un joueur très différent de celui que vous avez connu plus tard. (Rires.) J’étais un ailier « total » . Je courais partout sur mon aile, de la défense à l’attaque. Dans notre 3-5-2, j’étais à gauche, mais ça ne m’empêchait pas de marquer pas mal de buts. Ce n’est que plus tard que je me suis recentré vers l’axe, parfois entre les lignes. Si aujourd’hui, tu me demandes à quel poste j’ai joué dans ma carrière, je ne peux pas te répondre. J’ai été milieu de terrain, attaquant de soutien, faux neuf, trequartista… Je pense quand même que mon poste idéal est trequartista. C’est en tout cas celui qui m’a plu le plus. J’étais plus libre. J’ai toujours été un joueur assez intelligent tactiquement parlant, j’arrivais à comprendre où appuyer pour mettre en difficulté l’adversaire et le poste de trequartista te donne justement cette liberté d’agir et de te positionner là où tu peux faire mal à l’adversaire.

Dans la famille, on supportait l’AC Milan. Berlusconi possède une maison à Arcore, à peu près à 500 mètres de chez mes parents…

Dans la famille Mauri, on supportait quelle équipe ?Dans la famille, on supportait l’AC Milan. Dis-toi que Berlusconi possède une maison à Arcore, à peu près à 500 mètres de chez mes parents… Donc c’était pratiquement inévitable que la famille supporte Milan. (Rires.) Et moi, petit, j’ai grandi au moment du Milan de Van Basten, de Sacchi, donc ça n’a pas été très difficile de devenir milanista.

La première Italie que tu as suivie à la télé ?La Coupe du monde 1986, je sais que j’ai regardé des matchs, mais je ne m’en souviens plus du tout, j’étais trop petit et les matchs avaient souvent lieu la nuit. Non, la première grande compétition que j’ai suivie, c’est le Mondial 1990 en Italie.

Ton vrai parcours pro commence à Meda, un petit club d’un patelin situé à 20 bornes de chez toi.

Meda, c’est l’époque où je commençais à prendre la voiture tout seul, à partir de chez moi. C’est assimilé dans mon esprit à une période particulière, celle où tu passes de l’adolescence à l’âge adulte.

Meda est la première équipe qui a cru en moi. Ils sont venus me recruter au Brugherio, qui était un tout petit club d’Eccellenza. C’est une période particulière, car nous avons vécu plein de choses fortes : c’est là que je suis devenu pro et, dès ma première saison là-bas, on a remporté le championnat Interregionale et on a été promus en Serie C2 (l’actuelle Serie D, N.D.L.R.). J’ai fait mon service civil là-bas, c’est l’époque où je commençais à prendre la voiture tout seul, à partir de chez moi, même si je rentrais quand même manger chez mes parents le soir. Donc oui, c’est assimilé dans mon esprit à une période particulière, celle où tu passes de l’adolescence à l’âge adulte.

À cette époque, tu pensais pouvoir être un jour un joueur de Serie A ?Sincèrement, je n’y pensais même pas. J’adorais le foot, j’y jouais par pur plaisir, mais je n’ai jamais eu pour intention ou objectif de devenir joueur professionnel. Ensuite, de club en club, d’expérience en expérience, je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Il y a aussi un peu de chance : dans toute carrière de joueur, il faut être dans le bon club au bon moment. Moi, j’ai été à Meda au bon moment, et quand j’ai entendu parler de l’intérêt de Modène, qui venait d’obtenir sa promotion en Serie B, alors j’ai compris que ça pourrait devenir vraiment un travail.

À Modène, tu vas vivre une sacrée première année.C’était très particulier, oui. Je rejoignais une équipe qui venait d’être promue en Serie B. Il y avait cet enthousiasme et cette insouciance qui caractérisent un club qui a tout à gagner. L’objectif était de se sauver, mais nous savions que nous avions une équipe compétitive qui pourrait faire bien mieux que ça. On s’est retrouvé très vite en haut du classement, tu regardes derrière toi, derrière toi, derrière toi… jusqu’au moment où tu es toujours en haut en mars, et tu te dis : « Et pourquoi on n’essayerait pas ? » Et on l’a fait. On a cru en nous, en notre rêve, et on l’a fait, quoi : on a été promus en Serie A !

Ironie du destin : le 14 septembre 2002, tu disputes ton premier match de Serie A contre… l’AC Milan.

On a clairement été catapultés dans un monde presque trop grand pour nous. On se retrouve à jouer en Serie A, contre un Milan qui était un Milan avec de très grands joueurs.

On a clairement été catapultés dans un monde presque trop grand pour nous. On se retrouve à jouer en Serie A, contre un Milan qui était un Milan avec de très grands joueurs, c’était… (Il souffle) Je me souviens que les jours ayant précédé le match étaient assez dingues. Pour la plupart d’entre nous, c’était une première en Serie A. Donc tout le monde était très excité, aussi bien au sein de l’équipe qu’en ville. Ce n’était donc pas un match facile à préparer. Mais une fois que tu entres sur le terrain, tu penses à faire ce que t’a demandé l’entraîneur, à courir, à faire de ton mieux.


Une curiosité à propos de ce match, qui est donc ton baptême en Serie A. À la 86e minute, un certain Cristian Brocchi entre en jeu pour l’AC Milan. C’est vrai ? Je ne m’en souvenais pas du tout ! (Rires.) C’est drôle qu’il ait été là le jour de mon baptême en Serie A, car Cristian est quelqu’un de très spécial pour moi. Nous sommes devenus très amis ensuite, pendant nos années à la Lazio. C’est une belle anecdote, je vais lui raconter. (Rires.)

Après Modène, tu es parti à Brescia. Dans l’équipe, il y a un certain Roberto Baggio. Raconte-nous un peu Roby.C’est l’un des deux joueurs les plus forts avec lesquels j’ai eu la chance de jouer, l’autre étant Miroslav Klose. Mais Baggio… Oui, c’était un joueur fantastique. Lors de mon année avec lui, il s’entraînait de manière particulière pour ne pas brusquer ses genoux qui avaient été opérés à plusieurs reprises. Et malgré ça, il a réussi à marquer beaucoup de buts et à transcender l’équipe.

Avec un joueur comme Baggio à côté de toi, tes yeux doivent t’apprendre plus que n’importe quel exercice à l’entraînement.

Qu’apprend-on quand on évolue aux côtés d’un tel monstre ? Cela dépend de ton intelligence. Avec un joueur comme Baggio à côté de toi, tes yeux doivent t’apprendre plus que n’importe quel exercice à l’entraînement. Tu dois être suffisamment doué pour « voler » avec tes yeux des détails qui caractérisent ces champions, aussi bien au niveau comportemental qu’au niveau purement technique. Cela va te permettre de t’améliorer énormément.


9 mai 2004. Brescia-Lazio. Vous gagnez 2-1, tu marques le premier but, et Baggio marque le deuxième à la 89e, son dernier but en carrière. Et j’ajoute : c’est lui qui me fait la passe décisive ! (Rires.) Je me souviens très bien de ce match. C’est un peu le match du destin pour moi. C’est contre la Lazio, qui deviendra ensuite mon club, mon dernier but à Brescia, le dernier but de Baggio, son dernier match à domicile… Lui tenait particulièrement à ce match, et je pense que la fête a été totale.

Avant de rejoindre la Lazio, tu fais deux ans à Udine, là où tu vas notamment connaître la Ligue des champions.

En quelques années, je suis passé de la Serie C2 à jouer un match au Camp Nou contre le Barça de Ronaldinho.

Oui, là encore, c’était une expérience particulière. L’Udinese était une équipe de milieu de tableau, mais avec de très bons joueurs comme Jankulovski, Iaquinta, Di Michele, Di Natale, Muntari, Pizzaro, qui ont tous fait de très belles carrières. On avait un bon groupe, emmené par Spalletti, qui est parvenu à se qualifier pour la Ligue des champions. En quelques années, je suis passé de la Serie C2 à jouer un match au Camp Nou contre le Barça de Ronaldinho. (Rires.)

Et à être sélectionné en équipe d’Italie.Oui, aussi !

11 sélections en Nazionale. Tu penses que tu aurais pu faire mieux ? (Il marque un silence.) Ce sont des années où l’équipe d’Italie était vraiment forte, c’était dur de s’imposer sur le long terme. J’ai fait une belle carrière, je ne m’en plains pas. J’ai aussi eu des blessures à des moments clefs, qui m’ont par exemple empêché de jouer des phases finales de grandes compétitions avec l’Italie. J’ai fait des éliminatoires de l’Euro 2008 et de l’Euro 2012, mais jamais la phase finale. Mais aucun regret !

Tu citais il y a quelques instants Spalletti. Si je ne dis pas de bêtises, en janvier 2006, il t’a voulu à la Roma. Oui, c’est vrai. À la fin de la saison 2004-2005, Spalletti est parti à la Roma. Moi, je suis resté à Udine, avec Serse Cosmi comme coach. Mais au mois de janvier, je sentais que cela ne fonctionnait pas trop, je voulais changer d’équipe, j’avais besoin d’un nouveau challenge. Spalletti m’a appelé, il voulait que je le rejoigne à Rome. Mais la Roma avait des restrictions de transferts, elle ne pouvait pas recruter de joueurs. Du coup, Spalletti a renoncé, et quelques jours plus tard, je reçois un appel de la Lazio qui me dit qu’elle me veut. Je n’ai pas hésité une seule seconde.

Comment as-tu vécu l’arrivée là-bas ?

Je suis un homme du Nord, je suis né à Monza, j’avais joué uniquement dans des équipes du Nord, et il m’a donc fallu quelques mois pour comprendre le mode de vie romain et la façon d’y vivre le football.

J’étais très enthousiaste. J’arrivais dans la capitale, dans une équipe avec un passé glorieux. À cette époque, la Lazio vivait un moment particulier, elle avait été rachetée en 2004 par Claudio Lotito, après être passée à deux doigts de la faillite. La période dorée de l’ère Cragnotti était terminée, la Lazio était en phase de reconstruction, et j’étais heureux de faire partie de cette renaissance. J’ai mis un peu de temps à m’adapter. Je suis un homme du Nord, je suis né à Monza, j’avais joué uniquement dans des équipes du Nord, et il m’a donc fallu quelques mois pour comprendre le mode de vie romain et la façon d’y vivre le football. Au bout de 14 ans, ça va, j’ai tout compris et je suis devenu romain d’adoption. (Rires.)

Tu es resté 10 ans et demi à la Lazio. Quand a-t-on vu le meilleur Mauri ?C’est difficile à dire. Probablement pendant la période Reja (2010-2012, N.D.L.R.) et la première année avec Pioli (2014-2015, N.D.L.R.). C’est là où j’ai joué avec la plus grande sérénité d’esprit, l’équipe tournait bien, on avait un groupe soudé. Paradoxalement, ce sont les deux seuls coachs avec lesquels nous n’avons pas gagné de trophée, puisque les trois trophées que j’ai gagnés à Rome l’ont été avec Delio Rossi (Coupe d’Italie 2009), Ballardini (Supercoupe d’Italie 2009) et Petković (Coupe d’Italie 2013).

D’ailleurs, lequel de ces trois trophées a la meilleure saveur ?

La finale du 26 mai contre la Roma… C’est la victoire la plus importante. La tension autour de ce match, dans une ville comme Rome, était énorme.

C’est la Coupe d’Italie contre la Roma, sans nul doute. Le premier, la Coupe d’Italie 2009, je l’ai vécu de manière partielle, car je n’ai pas joué la finale, j’étais blessé. C’est toujours bien de gagner un trophée, mais celui-ci, je ne l’ai pas gagné sur le terrain. La Supercoupe d’Italie contre l’Inter de Mourinho, je me souviens d’un match à sens unique, l’Inter a campé dans notre moitié de terrain pendant tout le match, mais nous avons résisté et avons réussi à marquer deux buts. C’est une fierté, car c’est le seul trophée que l’Inter n’a pas gagné cette année-là puisqu’ils ont remporté le Scudetto, la Coupe et la Ligue des champions. Mais la finale du 26 mai contre la Roma… C’est la victoire la plus importante. La tension autour de ce match, dans une ville comme Rome, était énorme.


Raconte-nous un peu ce match. Avant, pendant et après. L’attente a été très très longue. (Rires.) On voulait juste que le match commence. La demi-finale contre la Juve avait eu lieu fin janvier, et la finale était fin mai ! Quatre mois d’attente entre les deux… On jouait toute notre saison sur ce match. Le match en lui-même… Je me souviens que c’était très tendu, pas une très belle partie, mais Lulić a fini par marquer à la 71e minute le seul but du match, l’un des plus importants de l’histoire de la Lazio. Et après la rencontre, évidemment, place à la fête ! (Rires.) Aussi bien dans le vestiaire qu’en ville.


Ton retourné inscrit contre le Napoli a été élu il y a quelques semaines « plus beau but laziale de la décennie » . C’est le genre de but que tu marques presque sans t’en rendre compte. Il y a eu un corner, le ballon a été repoussé par la défense napolitaine, puis est revenu sur Álvaro Gonzalez, qui a décalé Radu. Radu a centré, le ballon était légèrement en retrait, moi mon corps était dans une position parfaite pour tenter un retourné. Je l’ai tenté, par pur instinct, et c’est rentré. Et quelques secondes après, je me suis dit : « J’ai vraiment fait ça ? » (Rires.)

Le derby de Rome a eu lieu il y a quelques jours… Toi, tu en as disputé un paquet et a marqué trois buts face aux cousins. C’est banal ce que je vais dire, mais marquer lors d’un derby, c’est vraiment quelque chose de particulier. Et quand c’est sous la Curva Nord, c’est encore plus difficile à décrire. Car tu vois la joie des tifosi, qui n’est clairement pas comparable à la joie d’un autre but.

La Lazio a toujours été une équipe qui a 12-13 titulaires très compétitifs, mais sur le long terme, le manque de profondeur de son banc a posé des problèmes.

Pendant cette période, disons entre 2011 et 2018, la Lazio a toujours été bien placée, mais n’est jamais parvenue à se qualifier pour la Ligue des champions, échouant parfois à la différence de buts. Comment expliques-tu ça ?Déjà, il y avait d’autres équipes fortes, donc il fallait batailler dur. Ensuite, la Lazio a toujours été une équipe qui a 12-13 titulaires très compétitifs, mais sur le long terme, le manque de profondeur de son banc a posé des problèmes. Et c’est encore d’actualité aujourd’hui. S’il manque un ou deux titulaires dans l’équipe actuelle, cela va tout de suite être plus compliqué.

C’est l’une des raisons pour lesquelles les supporters de la Lazio ont toujours critiqué le président Lotito. Le manque de recrutement, dépenser peu d’argent. Tu trouves que ces critiques sont légitimes ? Si l’on enlève l’intouchable Juventus, la Lazio est l’équipe qui a gagné le plus de trophées lors de la dernière décennie en Italie (quatre trophées, à égalité avec l’Inter, N.D.L.R.). Et pourtant, les investissements faits par Lotito sont bien moins importants que ceux faits par d’autres équipes comme l’Inter, le Milan, le Napoli ou la Roma. Donc sur ce point-là, il n’y a rien à dire, le bilan parle pour lui. Après, c’est légitime que les tifosiveuillent toujours un petit quelque chose en plus pour renforcer l’équipe…

Une autre date importante, que l’on ne peut pas occulter dans ta carrière, c’est mai 2012. Ce mois-là, tu es accusé par Carlo Gervasoni, un joueur de la Cremonese soi-disant « repenti » , d’avoir participé au trucage de certains matchs. Je n’ai pas compris ce qui était en train de se passer. Depuis plusieurs mois, j’avais comme tout le monde lu la presse, et les articles faisant référence au Calcioscommesse. Jamais je ne me serais imaginé une seule seconde que mon nom allait y être associé d’une manière ou d’une autre. Je tombais des nues, vraiment.

Au fond de moi, j’étais plutôt tranquille car je me savais innocent, en revanche je voulais absolument comprendre pour quelle raison je m’étais retrouvé plongé là-dedans.

Le 28 mai, tu as carrément été conduit en détention provisoire à la prison de Crémone. Tu y es resté pendant neuf jours. C’est un moment qui t’a particulièrement marqué ?Bien sûr. C’est quelque chose que je ne souhaite à personne. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je passais mes journées à lire toutes les informations, pour essayer de comprendre ce que l’on me reprochait. Je parlais à mes avocats pour voir ce que l’on pouvait faire… Au fond de moi, j’étais plutôt tranquille, car je me savais innocent, en revanche je voulais absolument comprendre pour quelle raison je m’étais retrouvé plongé là-dedans.

Malgré le manque de preuves contre toi, le 24 juillet 2013, le procureur fédéral Stefano Palazzi requiert pour toi une suspension de 4 ans et 6 mois. Elle ne sera finalement « que » de six mois. Là encore, comment as-tu vécu ce moment ? Cela a été un moment très dur. Pas seulement sur le plan sportif, mais aussi dans la sphère privée, car pendant ma suspension, mon père est décédé. C’est sans nul doute le moment le plus difficile de ma vie, car il était pour moi une figure de référence, un point d’ancrage. En plus de la tristesse, il m’était interdit de faire ce que j’aimais, à savoir jouer au foot. Donc c’était dur. Et pourtant, je ne pouvais pas fuir, je ne pouvais pas me cacher. Il fallait affronter, et tenter de surmonter ce moment de ma vie, avec ma force et l’affection de mes proches.

Quelque part, cela m’a permis de faire une sélection dans mon cercle d’amis. Quand des choses négatives t’arrivent, c’est là que tu vois tes vrais amis.

Tu t’es senti soutenu ? Notamment par tes coéquipiers, par le monde du football ? Quand la nouvelle est sortie, certains avaient des doutes… Mais très rapidement, au fur et à mesure que l’enquête avançait, les gens ont vu que je n’avais rien à voir avec tout ça et j’ai reçu beaucoup de soutien. Les tifoside la Lazio ont toujours été derrière moi, le club aussi. Quelque part, cela m’a permis de faire une sélection dans mon cercle d’amis. Quand des choses négatives t’arrivent, c’est là que tu vois tes vrais amis.

Est-il difficile d’affronter le regard de ceux qui te pensaient coupable ? Je pars du principe que chacun a le droit de penser ce qu’il veut. Si un mec veut croire que je suis coupable, qu’il le croie. L’important, c’est que moi, je puisse regarder ce mec dans les yeux, tête haute, droit dans mes bottes. Car je sais ce que j’ai fait, ou, en l’occurrence dans mon cas, ce que je n’ai pas fait.

En juillet 2019, le tribunal de Bologne a déclaré éteinte l’accusation de participation à une association de malfaiteurs pour toi.Oui. Enfin la fin d’une histoire qui n’aurait jamais dû commencer. Et les faits parlent d’eux-mêmes. J’ai été totalement blanchi aussi bien au niveau sportif que pénal. Dis-toi qu’ils n’avaient même pas d’éléments pour ouvrir un procès… Ce qui signifie que ce qui s’est réellement passé n’avait rien à voir avec ce qui a été dit à l’époque dans les journaux et à la télévision.

Tu as arrêté ta carrière en 2017, après une dernière pige de six mois à Brescia. Le moment était venu ?Oui, je l’ai senti. J’aurais certainement pu jouer encore un ou deux ans, mais lors de ma dernière expérience à Brescia, en Serie B, j’avais du mal à prendre autant de plaisir que j’en prenais auparavant. Donc j’ai préféré arrêter plutôt que de forcer.

Depuis la fin de sa carrière, Francesco Totti est très actif sur les réseaux. Toi, en revanche, tu en es complètement absent. Pourquoi ?Ça ne m’intéresse pas, je n’ai jamais aimé ça. C’est un « monde » dont je n’ai jamais vraiment compris l’intérêt. J’ai toujours préféré parler à quelqu’un de vive voix, plutôt que de lui parler sur les réseaux sociaux. Évidemment, le monde d’aujourd’hui va dans cette direction, donc peut-être que demain, j’ouvrirai un compte Instagram pour rester dans le coup. (Rires.)

Le Scudetto pour la Lazio ? Si à un moment donné, la qualification en C1 est assurée mathématiquement, et que la première place est toujours à portée de tir… Alors on en reparlera. Mais seulement à ce moment-là.

Un dernier mot sur la Lazio actuelle. Elle est troisième du classement, à cinq points de la Juventus et avec un match en retard à disputer. Elle peut vraiment croire au Scudetto ?Elle a gagné la Coupe d’Italie l’an dernier, la Supercoupe cette année. Elle a battu le record du nombre de victoires consécutives d’Eriksson… Les voyants sont au vert. L’objectif, c’est la qualification en Ligue des champions, cela fait 13 ans que la Lazio n’y est pas allée, cette année, elle doit se qualifier. Mais si à un moment donné, la qualification en C1 est assurée mathématiquement, et que la première place est toujours à portée de tir… Alors on en reparlera. Mais seulement à ce moment-là.

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Propos recueillis par Éric Maggiori

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