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Stefano Cusin : « Le Soudan du Sud est en pleine évolution »

Propos recueillis par Alexis Billebault
6 minutes
Stefano Cusin : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le Soudan du Sud est en pleine évolution »

Stefano Cusin est un Italien de 54 ans, né à Montréal et qui a grandi puis joué en France, notamment à Toulon. Depuis septembre dernier, il est sélectionneur du Soudan du Sud, lequel s’apprête à affronter Djibouti (23 et 27 mars) en tour préliminaire des qualifications pour la CAN 2023. Après avoir travaillé un peu partout dans le monde (Congo, Chypre, Libye, Bulgarie, Palestine, Angleterre, Émirats arabes unis, Iran...), notamment en tant qu’adjoint de Walter Zenga, il nous explique le choix de s’installer à Juba, la capitale d’un pays indépendant depuis juillet 2011.

Les Bright Stars vont affronter Djibouti à l’occasion du tour préliminaire des qualifications pour la CAN 2023, mais les deux matchs auront lieu sur terrain neutre, à Alexandrie (Égypte) et Kampala (Ouganda). Quelles sont les chances de votre équipe ?Ce sera très serré. C’est dommage de ne pas pouvoir jouer à domicile, car en Afrique, c’est souvent un gros avantage, mais le nouveau stade de Juba est en construction, et nous n’avons pas d’autre enceinte homologuée par la CAF. Bon, à Kampala, nous serons un peu chez nous. Il y a pas mal de Soudanais du Sud qui vivent en Ouganda, et je crois savoir qu’il y a quelques bus qui vont faire le voyage entre les deux capitales.

N’avez-vous pas peur de vous faire virer en cas d’élimination ? Avec quatorze coachs successifs depuis 2011, le Soudan du Sud est un grand consommateur de sélectionneurs…Sincèrement, non. Quand j’ai signé mon contrat de deux ans, le nouveau président de la Fédération (Agostino Maduot Parek, NDLR) m’a dit qu’il fallait d’abord construire, puis avoir des résultats à partir de l’année prochaine. Lui-même s’étonnait d’ailleurs qu’il y ait eu autant de sélectionneurs en si peu de temps. Il a la volonté de construire quelque chose, de prendre le temps en me laissant travailler, en nous permettant de faire des stages, comme au Maroc en octobre ou à Dubaï en janvier dernier, et de faire des matchs amicaux lors des dates FIFA.

Ce n’est pas une destination classique. Et si je m’étais seulement attardé sur la situation politique de ce pays, je n’y serais sans doute pas en ce moment.

Vous avez signé en septembre dernier. On peut imaginer que dans votre entourage, au moins une personne vous a demandé : « Mais qu’est-ce que tu vas foutre au Soudan du Sud ?! »
(Rires.) Oui, bien sûr. Ce n’est pas une destination classique. Et si je m’étais seulement attardé sur la situation politique de ce pays, je n’y serais sans soute pas en ce moment. De la même manière que je n’aurais jamais entraîné au Congo, en Palestine, en Libye ou en Iran. J’avais quitté ce pays et le club de Shahr Khodro non pas parce que je n’y étais pas bien, mais parce que je n’étais plus payé. Puis mon agent m’a mis en relation avec le président de la Fédération. On a fait une visioconférence, puis je suis allé à Juba. On a discuté, et j’ai signé. Ce qui m’a décidé, c’est le projet sportif dans un pays tout neuf, qui est en pleine évolution, même s’il reste pauvre et confronté à une situation politique difficile. On m’a proposé un contrat financièrement correct, mais c’était secondaire : j’ai très bien gagné ma vie en Angleterre et aux Émirats arabes unis. Ce qui m’intéressait, c’était de faire progresser une sélection nationale, puisque je voulais en priorité en diriger une pour la première fois de ma carrière.

Avez-vous tout de même évalué la situation sur place, la qualité de vie, pris des renseignements sur le championnat local ?Ma première décision a été de m’installer à Juba, seul, puisque ma femme et mes enfants vivent en Toscane. Pour moi, il était obligatoire d’être à Juba. Pour assister à des matchs, voir des joueurs, rencontrer les entraîneurs locaux et leur expliquer comment je compte travailler. Juba, ce n’est pas comparable aux capitales africaines que j’ai connues : c’est une ville qui se modernise petit à petit. Un nouveau stade de 35 000 places en cours de construction, par exemple. Il n’y a pas beaucoup de loisirs, c’est vrai. Parfois, je vais dans un restaurant de poissons au bord du Nil, mais je suis là pour travailler. Je vis à l’hôtel, je vais à la Fédération, je vois des matchs, j’organise des stages, car je suis également en charge de la sélection locale (celle en lice pour le CHAN, NDLR). Il y a beaucoup à faire, c’est passionnant, mais très prenant.

Quel est le niveau du championnat local ?Ce n’est pas très relevé, bien sûr, les clubs manquent de structures et participent trop peu aux coupes d’Afrique. Il faut plus de contacts avec l’extérieur. C’est plutôt un championnat technique, avec des joueurs assez grands, fins, paradoxalement assez explosifs. Mais au niveau tactique, il y a beaucoup à faire.

L’école italienne est réputée pour être très en pointe sur le travail tactique, mais je ne me voyais pas débarquer au Soudan du Sud avec des idées toutes faites et faire travailler les joueurs locaux à l’italienne.

En tant qu’Italien, la tactique, c’est un de vos axes de travail…Oui, l’école italienne est réputée pour être très en pointe sur le travail tactique, mais je ne me voyais pas débarquer au Soudan du Sud avec des idées toutes faites et faire travailler les joueurs locaux à l’italienne. Ni même les joueurs qui évoluent à l’étranger. J’ai une diaspora répartie entre plusieurs payas (Soudan, Kenya, Ouganda, Canada, Iran, Australie, Lituanie). Si j’arrive avec une seule méthode de travail, alors que les joueurs évoluent dans des championnats de niveaux parfois très différents, et que les rassemblements de la sélection sont assez courts, ça ne marchera pas. Moi, ce que je demande à mes joueurs, c’est de ne pas passer leur temps à subir. D’essayer d’avoir le ballon le plus souvent possible, de développer notre jeu et de porter le danger dans le camp adverse. On l’a fait en janvier à Dubaï contre l’Ouzbékistan (0-3) et la Jordanie (1-2), qui sont des sélections beaucoup plus fortes que nous. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, surtout si on doit affronter le Sénégal ou l’Algérie.

Est-il facile de convaincre des Soudanais du Sud expatriés de rejoindre la sélection nationale ?J’ai demandé à des scouts italiens de chercher partout dans le monde ceux qui pourraient jouer pour leur pays d’origine. Certains n’y sont pas nés, n’y sont même jamais venus. Ce n’est pas forcément évident, car ils peuvent avoir des interrogations sur le niveau de l’équipe, l’organisation. Mais ceux qui ont accepté, comme William Akio (né dans un camp de réfugiés au Kenya et actuel attaquant de Valour FC au Canada, NDLR), ou Valentino Yuel, qui joue à Newcastle Jets, en Australie, sont très attachés au Soudan du Sud. Ils parlent un dialecte local (l’anglais est la langue officielle du pays, NDLR), car ils ont des origines dans différentes tribus. On sent qu’ils sont fiers de jouer pour les Bright Stars

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Propos recueillis par Alexis Billebault

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