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Steaua Bucarest, une sombre histoire de fesses
Les Football Leaks, ce sont donc des fichages ethniques révélés, des projets présumés de ligue fermée et de potentielles fraudes sur les transferts de mineurs. Mais aussi cette affaire d'injection rectale à l'ozone révélée par la presse roumaine, une pratique à laquelle aurait eu ponctuellement recours le Steaua Bucarest en 2016. Un obscur problème de gaz, qu'il convient évidemment d'éclaircir.
« Nous baissions notre pantalon et ils procédaient à l’injection. Cela ne m’a pas fait mal, mais vous vous sentiez comme gonflé après. » Ce témoignage anonyme aurait été recueilli auprès d’un joueur évoluant au Steaua Bucarest en 2016. Qui décrirait dans le détail les injections rectales à l’ozone dont il aurait bénéficié. Une merveille déterrée par ces petits coquins de journalistes membres de l’European Investigative Collaborations (EIC). Le consortium de presse à l’origine des très sérieux Football Leaks. Oui, la vie est un éternel émerveillement.
La peau des fesses
À l’origine de cette fabuleuse découverte, une facture qui, avérée ou non, fait ricaner pas mal de monde en Roumanie. Ce document révèle, à en croire l’EIC, que le Steaua aurait veillé à ce que ses joueurs puissent bénéficier d’une thérapie à l’ozone en 2016. Un traitement qui aurait donc été en partie délivré via de truculentes injections rectales. Une méthode improbable, qui aurait été notamment pratiquée sous le mandat de l’entraîneur Laurențiu Reghecampf, qui avait déjà eu le Steaua sous ses ordres de 2012 à 2014, avant de reprendre les rênes du club de 2015 à 2017. Le 7 mars 2016, le FCSB aurait ainsi enregistré une facture retrouvée par l’EIC de 404 euros, pour une « thérapie à l’ozone » , signée par Flavius Arămitu, un des médecins du club depuis 2014. Un mois plus tôt, en février 2016, le club aurait également fait l’acquisition pour 6650 euros d’un appareil d’ozonothérapie. Une machine allemande qui ressemble au premier coup d’œil à un banal attaché-case, mais dont le contenu dissimule autre chose que des stylos et des feuilles A4.
Selon la facture que se serait procurée l’EIC, la machine aurait été livrée avec tous ces sémillants accessoires, et notamment un kit d’insufflation rectal. Des informations démenties par le Steaua, qui a répondu à l’EIC que l’appareil avait été livré sans « aucun accessoire spécifique, que le club n’a jamais eu en sa possession » . Coïncidence ou pas, quelques jours après le traitement à l’ozone dont auraient bénéficié certains joueurs du club comme le prétend l’EIC, le Steaua disputait un match crucial pour le titre face à l’Astra Giurgiu. Une rencontre que les Bucarestois remportaient deux à zéro (buts de Marko Momčilović et Nicolae Stanciu).
Viens voir le docteur, non n’aie pas peur !
Reste encore à déterminer en quoi consisterait précisément ce mystérieux traitement à l’ozone. Créée par un médecin allemand dans les années 1950, la thérapie à l’ozone peut être administrée au moyen de plusieurs méthodes, parmi lesquelles l’insufflation rectale ou encore les injections dans les articulations avec du sang enrichi en ozone. L’effet provoqué permettrait d’injecter une dose additionnelle d’oxygène dans le sang, ce qui conduirait à une meilleure performance corporelle. En tant que tel, l’ozone ne figure pas dans la liste des produits prohibés de l’agence mondiale antidopage. L’ozonothérapie, elle, « n’est pas interdite en toutes lettres, mais c’est la technique pour la faire – la transfusion – qui est prohibée » , expliquait en 2013 à la presse belge le docteur Daloze, alors responsable de la cellule antidopage de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Au Steaua, les injections d’ozone auraient été effectuées par un certain Ştefan Tiron, qui a confirmé auprès de l’EIC qu’il procédait alors effectivement à des « injections rectales » .
Et les joueurs ? Aucun n’a accepté de témoigner officiellement. Mais certains d’entre eux ont tout de même choisi de parler sous le couvert de l’anonymat, à l’image du premier témoignage mentionné plus haut. Selon un autre joueur interrogé par l’EIC, il se serait rendu « dans un cabinet près de Cismigiu (un jardin public de Bucarest, N.D.L.R.) où on procédait à des injections rectales. Ils nous injectaient de l’ozone dans le derrière, mais, après deux consultations, je n’y suis plus allé » . Le Steaua, lui, aurait selon simplement joué la carte de la sérénité, en admettant qu’un appareil d’ozonothérapie avait bien été acquis par le club, mais « qu’il n’en avait été fait aucun usage illégal » , à en croire le site de la Gazeta Sporturilor, un quotidien sportif roumain. Aucun des éléments avancés par l’EIC ne semble en effet encore suffisant pour permettre de démontrer que le club aurait eu concrètement recours à d’éventuelles pratiques illicites. Peut-être le point final d’une sombre histoire de fesses, qui, quoi qu’il arrive, aura au moins permis à la Roumanie du football de se marrer tranquillement sous sa cape.
Par Adrien Candau
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