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Stay Strong, Appie
Il y a près de dix jours, le jeune joueur de l'Ajax Amsterdam Abdelhak Nouri a fait un malaise cardiaque avant d'être diagnostiqué comme perdu pour le football puis handicapé à vie. Un malheur qui a évidemment suscité beaucoup de réactions de soutien en même temps qu'il soudait encore plus l'Ajax à sa ville.
Le 8 juillet dernier, lors d’un match amical en Autriche face au Werder de Brême, le milieu relayeur de l’Ajax Abdelhak Nouri est tombé. Il ne s’est pas relevé. Une fois le joueur embarqué par hélicoptère, le match a prématurément pris fin. Si les fantômes de Marc-Vivien Foé, Miklós Féher ou Antonio Puerta reviennent à chaque évènement similaire, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’Appie, lui, s’en tirera. Parce que derrière lui se trouve une finale de Ligue Europa disputée il y a même pas deux mois, et devant, toute une vie qui l’attend. Et puis, à 20 ans, on est invincible. Quelques heures après son malaise, l’Ajax rassure concernant l’état de santé de Nouri en deux tweets : d’abord, « Des troubles d’arythmie cardiaque ont été évoqués. Son état et ses battements cardiaques sont stables, il est maintenu en sommeil » , puis « Il est en soins intensifs et maintenu en sommeil, mais il est hors de danger. »
Mais tandis que les pensées des joueurs professionnels et des fans de football du monde entier prennent une incommensurable forme via le hashtag #StayStrongAppie sur les réseaux sociaux, l’état de santé du jeune joueur se met à décroître. Jusqu’à l’effroyable verdict : le jeudi suivant son malaise, l’Ajax annonce qu’Appie a subi de graves lésions cérébrales dues au manque d’oxygène et que ses chances de recouvrer ses capacités sont quasi nulles. Comprendre : Abdelhak Nouri est foutu pour le football, probablement pour la vie. À seulement 20 ans. Le lendemain, pendant que Nouri est transporté de l’hôpital d’Innsbruck à l’AMC d’Amsterdam, son frère Abderrahim assure que la situation est bien plus grave : « Les médecins disent que s’il venait à se réveiller, il ne pourrait pas penser, manger, parler, marcher ou reconnaître quelqu’un. »
Les hommages du Feyenoord et une fresque sur les murs d’Amsterdam
Difficile de faire pire, désormais. Bien évidemment, les hommages ont repris de plus belle, et très vite, les messages de soutien se sont transformés en manifestations. Ce week-end, le maire d’Amsterdam, Eberhard van der Laan, a offert ses condoléances à la famille Nouri, rappelant qu’il est et restera un echt Amsterdammer. Pour son match de préparation face aux amateurs du SDC Putten, l’équipe du Feyenoord est entrée sur le terrain avec un T-shirt sur lequel était imprimée une photo d’Abdelhak Nouri réalisant son geste favori – un cœur avec les doigts – et, encore et toujours, le hashtag #StayStrongAppie.
Le SC Heerenveen et le NEC Nijmegen, eux, sont entrés sur le terrain avec des maillots floqués « Appie » et 34, le numéro du joueur au sein de l’effectif ajacide. 34 toujours, le public du Galgenwaard Stadion d’Utrecht (dont le roi Willem-Alexander) s’est levé pour applaudir le jeune milieu à la 34e minute du match d’ouverture de l’Euro féminin entre les Pays-Bas et la Norvège. Hors des terrains, le street artist Ives One a réalisé une fresque immense en l’honneur du joueur sur les murs des anciens hangars à bateau du NDSM pendant que des fans du groupe ajacide Amsterdam Noord-Gestoord plantaient une bâche dans le jardin de la famille Nouri : « Ici bat un cœur ajacide. Appie Stay Strong. 1 club, 1 ville. Ajax Amsterdam. »
Plus de mille supporters sous les fenêtres de la famille Nouri
Mais le geste le plus émouvant s’est produit vendredi dernier à 19h lorsque plus de mille supporters se sont rendus devant la maison de la famille Nouri pour chanter « Appie ! Appie ! » tandis que l’entièreté du groupe professionnel ajacide venait présenter ses condoléances – Amin Younes avait d’ailleurs écourté ses vacances pour revenir à temps à Amsterdam. Il se dit même qu’un fan de Feyenoord, maillot sur le dos, aurait été accueilli d’un : « C’est bien que tu sois venu, on est tous humain. » Pendant que le frère d’Appie ne pouvait contenir ses larmes au balcon, le groupe bloquait toute la circulation de la rue, laissant seulement passer la voiture des parents d’Abdelhak Nouri, créant ainsi l’une des images de foot les plus fortes de 2017.
Bien entendu, on peut s’imaginer qu’une telle profusion d’émotions aurait résulté de la souffrance de n’importe quel joueur ajacide. Mais Appie, c’était… Appie. Natif d’Amsterdam, d’origine marocaine, élevé dans le quartier populaire de Geuzenveld, entré à l’Ajax Amsterdam en 2004 à l’âge de 7 ans et considéré comme le fer de lance de la future garde avec Mathijs de Ligt, Donny van de Beek et Justin Kluivert, Abdelhak Nouri représentait la quintessence du football ajacide et probablement l’avenir des Oranje. En 2010, le célèbre journaliste Henk Spaan faisait du jeune Nouri, 13 ans, un futur grand dans les colonnes du Het Parool. Sept ans plus tard, Theodore Holman, autre éditorialiste du quotidien néerlandais, titrait vendredi dernier : « De l’œil d’Amsterdam coule une larme. » Sous les fenêtres de la famille Nouri, beaucoup de larmes ont coulé, c’est vrai. Beaucoup ont été essuyées par des bras qui arboraient les trois croix, armoiries de la ville d’Amsterdam et symbole souvent tatoué par les fans de l’Ajax. La rumeur historique veut que ces trois croix représentent les trois cataclysmes auxquels a survécu la ville : l’incendie, l’inondation, la peste. Peut-être certains supporters ajouteront-ils une quatrième étoile en hommage à Nouri. À moins qu’ils n’optent pour un tatouage plus simple : Stay Strong Appie.
#StayStrongAppie ❤️ pic.twitter.com/L5odWbmKCh
— AFC Ajax (@AFCAjax) 14 juillet 2017
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam