- Angleterre
- Tennis
- Wimbledon
- Story
Stanley Matthews, version tennisman
Il y avait un Stanley Matthews footballeur, premier Ballon d'or de l'histoire et réputé pour son exceptionnelle longévité de vie de joueur. Et puis il y avait un Stanley Matthews tennisman : le rejeton du premier, qui a eu du mal à supporter l'aura paternelle, mais qui a tout de même connu quelques jolis moments de gloire sur le circuit pro. À l'occasion de la quinzaine de Wimbledon, retour sur la carrière de ce « fils de ».
Le Stanley Matthews le plus connu est bien sûr le joueur de football, l’un des meilleurs, si ce n’est LE meilleur de l’après-Seconde Guerre mondiale. Un ailier surnommé « Le Magicien du dribble » , qui n’a connu que deux clubs en plus de 30 ans de carrière : Stoke City d’abord, puis Blackpool, puis de nouveau Stoke City pour passer ses dernières saisons ballon au pied, étirant une exceptionnelle longévité de joueur pro jusqu’à ses 50 ans. Premier Ballon d’or de l’histoire en 1956, il jouissait à l’époque des Trente Glorieuses en Angleterre d’une aura exceptionnelle : un gentleman des terrains, issu d’une famille modeste, né d’un père boxeur. Le goût du sport s’est transmis jusque la génération suivante et le fils de Stanley, dénommé lui aussi Stanley, auquel on ajoute un « Junior » pour distinguer les deux.
Né au lendemain de la guerre, le rejeton a bien eu aussi dans l’idée de se défouler balle au pied, mais a vite laissé tomber l’idée d’y faire carrière. « Je n’étais pas mauvais, mais tous les adversaires venaient m’emmerder, témoignait-il lors d’une rare interview donnée en 2007. J’arrivais sur le terrain avec mon nom, et tout le monde se disait : « On va se faire le fils de Stanley Matthews. » » Le daron l’a d’ailleurs lui aussi reconnu bien des années après : ça n’a pas été facile pour sa progéniture de se faire sa place avec le même nom et le même prénom que la star de l’époque. « C’est évident que ma réputation lui a mis la pression, disait-il. Je sais que ça l’a embêté de grandir dans mon ombre. »
Une victoire à Paris face à Nastase
Pour se faire sa place, Junior change de sport et se met au tennis. Son père lui en donne les moyens en lui offrant à ses 13 ans, en 1958, l’accès à la prestigieuse Lawn Tennis Association, où il a droit à un entraîneur personnel. Des conditions qui lui permettent de vite progresser et de devenir un an plus tard champion de Grande-Bretagne de sa catégorie. L’année de ses 17 ans, en 1962, c’est la consécration : Stan Jr remporte Wimbledon chez les juniors, ce qui fera de lui le seul Britannique détenteur d’un titre sur le gazon londonien jusqu’au sacre de Murray dans le tournoi masculin en 2013 ! Il domine en finale le Soviétique Alexander Metreveli, futur finaliste à Wimbledon chez les seniors en 1973, ce qui situe tout de même son bon niveau à l’époque.
Cette même année 1962, il débute précocement sur le circuit pro en obtenant une invitation à Roland-Garros, convertie en une élimination au premier tour. Pendant plus d’une décennie, le « fils de » va essayer de percer en confirmant les promesses des débuts, mais sans jamais y parvenir. Ses meilleurs résultats ? Jamais plus que le deuxième tour d’un tournoi du Grand Chelem, mais néanmoins quelques performances remarquables, comme ce match du premier tour à Roland-Garros remporté lors de l’édition 1969 face à un petit jeune nommé Ilie Nastase, futur vainqueur du tournoi quatre ans plus tard.
Entraîneur de John McEnroe
« Même si ce n’était pas du football, c’était difficile d’être un Matthews, témoignait encore l’ex-tennisman en 2007. On me voyait avec mon père en photo, et la presse me voyait déjà en futur Fred Perry. Être le fils de mon père m’a certainement ouvert des portes à mes débuts, mais ça a aussi certainement rendu ma carrière plus difficile à mener. Même quand je faisais une belle performance, on la rabaissait tout le temps en disant : « Il n’est pas aussi bon que son père. » Et malheureusement c’était le cas… » Son service, notamment, était, paraît-il, trop médiocre pour le haut niveau. Sélectionné une fois avec l’équipe britannique de Coupe Davis en 1971, pour une défaite, il finit par choisir l’exil pour cesser d’être un « fils de » .
Aux États-Unis, où il déménage au début des seventies, on n’en a pas grand-chose à faire du soccer et des anciens exploits de Stanley senior… Une fois sa carrière sportive achevée, Junior devient formateur à la Port Washington Tennis Academy, où il donne des cours à un jeune prometteur nommé John McEnroe. Il vit encore aujourd’hui outre-Atlantique, mais a été invité en Angleterre par le club de Stoke City l’hiver dernier, pour des célébrations commémorant le centenaire de la naissance de la légende du club. Au Britannia Stadium de Stoke, le public a offert une ovation à Stanley Matthews l’original. En tribune, peut-être Stanley Matthews Jr a-t-il aussi goûté un peu pour lui ces applaudissements.
Par Régis Delanoë