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Stambouli, lendemain qui chante

Par Mathieu Faure
7 minutes
Stambouli, lendemain qui chante

C'est l'histoire d'un garçon qui n'aurait jamais dû être là. Celle de Benjamin Stambouli, 25 ans, remplaçant à Tottenham et recruté par le PSG l'été dernier. Avant même son premier match, l'ancien Montpelliérain a servi de paillasson à la plèbe 2.0. Son défaut ? Être né à Marseille et avoir été recruté à une période où le PSG ne s'était pas encore lancé dans le projet Di María et où Thiago Motta clamait son envie d’ailleurs. Le joueur a encaissé, connu des débuts difficiles avant de sortir la tête de l'eau pour enchaîner les bonnes sorties. Derrière le numéro 4 du PSG, une famille a fait le dos rond et regardé le petit dernier faire ses classes dans une équipe de millionnaires tout en s'éloignant le plus possible de la toile. Aujourd'hui, les sifflets se sont tus. Une première victoire.

Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui crachent leur haine sur Internet. Et ceux qui la reçoivent. Au cœur de l’été, Romain était dans la deuxième catégorie. Il regardait les commentaires sur les articles annonçant l’arrivée de Benjamin Stambouli au PSG. Un commentaire haineux. Puis un autre. Et encore un autre. Une dizaine. Puis une centaine. Il a fini par arrêter de compter jusqu’à un photomontage de Stambouli torse nu avec un faux tatouage de l’OM sur le torse. Ça a duré plusieurs jours. Des semaines. Il fallait encaisser. Romain l’a fait. Pour sa famille et surtout pour son petit frère Benjamin. Benjamin Stambouli.

L’histoire de la photo retouchée avec le faux tatouage de l’OM, c’était très dur à gérer, surtout pour notre mère

« Quand il a signé, ça a été très compliqué pour nous, alors que c’est un moment important dans une carrière, rembobine Romain. On a senti un sentiment d’injustice, car Benji est de Montpellier, il a ça dans le sang, la Paillade c’est son club formateur. Comme moi, il est né à Marseille, car mon père y jouait à ce moment-là, c’est tout. On ne choisit pas où l’on naît. Alors quand il est arrivé au PSG et que l’on a vu la folie que cela pouvait prendre sur Internet, on a été touchés. L’histoire de la photo retouchée avec le faux tatouage de l’OM, c’était très dur à gérer, surtout pour notre mère. Mon père, qui est dans le milieu du football, a plus de recul. Honnêtement, on ne s’attendait pas à une telle ampleur. On appuie là où ça fait mal et il faut faire face. » Dans cette folie, la famille Stambouli a un avantage : elle connaît le monde du football.

Pas touche à mon fils

Papa, Henri, a été gardien à Monaco avant de gérer le centre de formation de l’OM et de Montpellier. Laurent Banide, l’oncle, a été une figure en Principauté, de l’encadrement des jeunes à l’équipe première. Le grand-père, Gérard Banide, a été l’adjoint de Henri Michel sur le banc du PSG en 1990 après avoir officié au même poste en équipe de France. Et dans les années 80, papy avait même été sacré champion de France 1982 sur le banc de l’AS Monaco. Mais pour la mère, c’est autre chose. On touche à son bébé. « Notre mère est solide, se souvient Romain. Son père était dans le football, son frère aussi, son mari aussi et son fils est joueur. Mais quand ça touche ton enfant, c’est différent. »

Mais comme souvent dans la vie, le temps fait le reste. Stambouli est au PSG et il est là pour faire son métier : jouer au football. Alors, même quand Internet crache son venin, l’ancien Montpelliérain garde le cap. « Psychologiquement, c’est quelqu’un de très fort. Il n’a jamais rien lâché ni douté. Il savait que ça allait être compliqué dès le départ, mais il voulait être utile. Et puis surtout, en signant au PSG il savait où il mettait les pieds » , argue son frangin. Sur place, le garçon oublie tout et découvre un club à part.

David Luiz, premier chaperon

Des stars distantes de ce petit mec inconnu ? Pas du tout.

À son arrivée à Paris, il a eu des petites vannes sur le titre de champion de France de Montpellier en 2012, savoir comment ils avaient réussi à faire ça.

David Luiz vient très vite aux nouvelles. Stambouli est passé à la questionnette sur son parcours, ses goûts musicaux, sa vie. Le Brésilien est le premier chaperon. Puis le groupe lui ouvre les bras. Son frère : « Comme il avait joué chez lesSpursavec Erik Lamela, Lavezzi et Pastore sont aussi venus le voir, les passerelles se sont faites très vite. Au début, il s’est rapproché de Kevin Trapp, car ils sont arrivés en même temps. Il n’a jamais été à l’écart. Il a aussi eu des petites vannes sur le titre de champion de France de Montpellier en 2012, savoir comment ils avaient réussi à le faire devant le PSG. »

Et puis il y a Jean-Louis Gasset, l’adjoint de Blanc si précieux dans la vie de tous les jours. Ancien héraultais comme Stambouli, le contact se fait rapidement. Gasset parle, écoute, conseille, guide. Durant l’été, c’est d’ailleurs Laurent Blanc qui appelle le milieu pour lui faire part de l’intérêt du club. Le joueur est agréablement surpris. Naturellement, il n’hésite pas une seconde sur la réponse à donner. C’est une évidence. Le plus dur commence pourtant.

Le déclic ? L’absence de sifflets


Son frère, toujours : « Avant de penser à jouer des matchs, il devait passer par la phase entraînement. Montrer ce qu’il savait faire. Ses premiers pas en match officiel ont été compliqués, il y avait une remise en question à faire, ne pas penser aux sifflets. Au début, Laurent Blanc le faisait jouer surtout à l’extérieur, qu’il prenne ses marques, qu’il apprenne à jouer avec ses coéquipiers. Petit à petit, il s’est amélioré. » Alors qu’il a été recruté pour soulager Thiago Motta, Stambouli a du mal quand il joue en sentinelle. Les premières sorties sont brouillonnes. Ça va trop vite pour lui. L’écart entre l’ancien Spur et le reste de l’équipe est immense. Et puis il débarque dans un collectif rodé, huilé, qui se trouve les yeux fermés. Lui part de très loin. Il a besoin de temps. Mais le garçon est intelligent et commence à sortir la tête de l’eau. « Quand tu t’entraînes toute la semaine avec des mecs comme ça, tu apprends, tu franchis des paliers, analyse Romain. Et plus tu joues avec eux, plus tu comprends le collectif de l’équipe. Ça demande du temps, de la patience et du travail. » Et pour se sentir vraiment bien, il faut un déclic. Pour Benjamin Stambouli, il va prendre la forme du silence.

On est début novembre et le numéro 4 remplace Thiago Motta à la 78e minute contre Toulouse. À l’annonce de son nom, le Parc des Princes ne siffle pas. Pas cette fois. « Il entre en jeu, et il n’est pas sifflé. C’est un détail, mais il n’a plus cette pression, et c’est le début de quelque chose » , analyse le grand frère. Et les titularisations se font plus régulières.

Il a du caractère, ce n’est pas un béni oui-oui, mais un garçon d’équipe, avec un état d’esprit collectif.

Et au Parc des Princes alors que ses premières sorties se faisaient plutôt loin de la capitale. Six mois après son arrivée, Stambouli fait même des matchs intéressants. Il a changé de braquet, et Blanc le voit : « C’est quelqu’un qui est arrivé dans des conditions particulières, difficiles. Il offre beaucoup de garanties, aussi sur le poste, car il peut jouer au milieu ou derrière. C’est un garçon que je connais un peu, qui a une mentalité exceptionnelle. Il a du caractère, ce n’est pas un béni oui-oui, mais un garçon d’équipe, avec un état d’esprit collectif. L’entraîneur et les joueurs commencent à le comprendre et c’est pour ça qu’il est apprécié par le groupe, détaille Blanc fin janvier. Et ses prestations sont vraiment très bonnes. L’avoir dans son effectif, c’est vraiment appréciable. Ça fait du bien à l’équipe de pouvoir compter sur des éléments collectifs. Il vous garantit un esprit collectif quand il est présent. » C’est le deuxième déclic. Celui-ci est public. Et sans doute mérité.

« Il est tiré vers le haut »

« Il sait qu’il est dans le bon sens et qu’il a un entraîneur qui le fait jouer, poursuit Romain. Quand je le vois en confiance, tenter des choses, casser des lignes, jouer avec Di María, je suis aux anges. Il a conscience de faire partie de quelque chose de grand. Actuellement, je sens qu’il est tiré vers le haut, qu’il a pris confiance.

Mon père débriefe les matchs avec lui. On s’imaginait que son arrivée serait délicate, mais pas à ce point.

L’été dernier, il n’a jamais fait attention au déferlement de haine qui s’est abattu sur lui. Il a un détachement naturel, mais la famille, c’est autre chose, on fait office de soupape. On encaisse à sa place. On l’a souvent au téléphone, mon père débriefe les matchs avec lui. On s’imaginait que son arrivée serait délicate, mais pas à ce point » , conclut le frangin.

Oui, Benjamin Stambouli ne remplacera jamais Motta, il n’en a jamais été question. Actuellement, il arrive à enquiller les titularisations et se montrer à son avantage. Et le vent tourne. Il cristallise moins. Mieux, depuis un moment, le téléphone de Benjamin sonne régulièrement. Les potes du Sud de la France demandent des nouvelles… mais aussi des maillots du PSG. Alors pendant ce temps, la maman peut retourner surfer sur Internet plus sereinement. Un détail ? Bien au contraire.

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Par Mathieu Faure

Tous propos recueillis par MF

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