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Ciel, Omari !

Par Clément Gavard, à Rennes
6 minutes
Ciel, Omari !

Le nouveau phénomène du Stade rennais n'est ni un attaquant ni un milieu de terrain : Warmed Omari, 21 ans, est défenseur central. À l'inverse des récentes pépites Ousmane Dembélé ou Eduardo Camavinga, le joueur né à Mayotte a pris son temps avant de s'imposer sur les terrains de Ligue 1. Si la confiance de Bruno Genesio et de Florian Maurice a été capitale dans son ascension récente, Omari a dû digérer un bac+2 en parallèle de sa formation et surtout apprendre à se canaliser.

À le voir quitter le Roazhon Park dans son survêtement et avec un léger sourire dévoilant son appareil dentaire, Warmed Omari passerait presque pour un pensionnaire du centre de formation venu rêver devant le match des grands. Mais c’est bien lui que les éducateurs peuvent désormais ériger en modèle de réussite entre les murs de l’ETP Odorico, où les potentielles pépites de demain façonnées par le Stade rennais prennent leurs quartiers durant leurs années au lycée. Dimanche dernier, à quelques mètres à peine de ces locaux vieillots collés à l’enceinte bretonne, Omari s’est faufilé à travers la grille à pied, checkant au passage deux ou trois supporters pendant que ses coéquipiers rennais défilaient à bord de leurs bolides après le succès rennais contre Angers. Le défenseur de 21 ans n’est pourtant plus sur les bancs de l’école ni au stade des fantasmes. Inconnu du grand public l’été dernier et titulaire pour la première fois en Ligue 1 le 12 septembre (une défaite contre Reims), Omari s’est rapidement imposé comme une évidence, au point de passer devant Loïc Badé, défenseur le plus cher de l’histoire du club breton (17 millions d’euros), dans les plans de Bruno Genesio. « Warmed n’a pas besoin de moi pour progresser, souriait son compère de charnière Nayef Aguerd le week-end dernier en zone mixte. Il grandit match après match, et je suis très content pour lui. J’essaye juste de l’aider, et lui aussi m’aide parfois. » Une ascension aussi remarquable que sa patience, rare et exemplaire à une époque marquée par une jeunesse pressée et les records de précocité.

Il voit des choses que d’autres défenseurs ne voient pas.

Omari et fame, un mariage tardif

Le parcours de Warmed Omari ressemble à celui d’une ribambelle de footballeurs en herbe : des premiers contacts avec le ballon dans la région de Dijon, où il débarque enfant, puis à la TA Rennes, avant de passer aux choses sérieuses en rejoignant le pôle espoirs de Ploufragan et le Stade rennais en parallèle. Chez les jeunes, le défenseur répète ses gammes au SRFC au sein d’une génération 2000 prometteuse, dont fait partie Sofiane Diop, sans que personne ne fasse de lui un futur crack en puissance. Le gamin a pourtant des qualités techniques « au-dessus de la moyenne » et « une très bonne lecture du jeu », mais n’est pas non plus de la trempe d’Ousmane Dembélé ou Eduardo Camavinga. « Je pense que ça l’a protégé de ne pas être exposé trop rapidement, ça peut brûler des ailes. Il a besoin de temps, de comprendre. Attention, le potentiel était là, mais de là à dire qu’il allait atteindre ce niveau… expose Romain Ferrier, qui l’a connu pendant sa formation à Rennes. Il prouve aux jeunes joueurs que ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas en Ligue 1 très tôt qu’on n’est pas au niveau. »

La preuve par 28, comme le nombre de matchs disputés par Omari avec les pros cette saison. Derrière une certaine nonchalance sur le terrain, le joueur né à Mayotte crève l’écran depuis quelques mois. Dur sur l’homme, élégant et capable de trouver des passes bluffantes pour faire avancer le jeu, Omari a une palette élargie et les qualités d’un défenseur central des années 2020. Sa prestation le mois dernier au Parc des Princes, où il a contenu Kylian Mbappé de manière remarquable, est un modèle du genre. « Il aime le duel, il n’a pas peur et malgré sa morphologie, il est quand même bien dessiné si vous le voyez torse nu », juge Ferrier. Le coach aujourd’hui à Bordeaux était encore en Bretagne la saison dernière, quand Omari regardait son pote Camavinga des tribunes du Roazhon Park et poursuivait sa progression en National 3 avec la réserve. « On l’a installé au milieu de terrain pour sa dernière année de formation, en 6 ou en 8, pour le développer athlétiquement et améliorer sa réflexion sur le jeu. Il était question de le sortir de sa zone de confort, explique Ferrier. Il voit des choses que d’autres défenseurs ne voient pas. Il y a l’idée que les défenseurs centraux sont les premiers meneurs de jeu et quand on voit comment il fait avancer l’équipe aujourd’hui… »

Warmed a encore des choses à faire à Rennes, l’idée n’est pas de partir dans un an.

Omari les a tuer

Sa carrière aurait pu cependant ne pas décoller, ou tout du moins prendre un tournant moins glorieux. Au-delà des aspects technique et tactique, Omari a dû se battre avec ses démons, ou plutôt son mental. Dans ses jeunes années, le défenseur était du genre très nerveux sur le rectangle vert, à l’entraînement comme en match, ce qui lui a valu une convocation à la commission de discipline lors de ses années passées à l’US Saint-Méen en U11 et U13 (Stade rennais online) et quelques tours dans le bureau de Landry Chauvin, directeur de l’Académie des Rouge et Noir de 2015 à 2019. « Il ne supporte pas l’injustice, et pour lui, c’était une zone de doute. Il pouvait sortir d’un match ou avoir une réaction virulente, agressive, avec des mots ou des gestes, image Ferrier. Même lors des séances, ça lui est arrivé d’en venir aux mains avec des coéquipiers. Là-dessus, il a vraiment avancé et il a eu l’avantage d’être bien entouré. » Ses agents, tombés sous le charme du joueur lors d’un match de Youth League en octobre 2019, ont ainsi mis en place un programme pour l’aider à se canaliser sur les terrains. Résultat : Omari n’a pas fait énormément de vagues depuis son arrivée chez les grands (5 cartons jaunes), même si le naturel peut parfois revenir au galop, comme à Montpellier le mois dernier quand il s’est frotté à Elye Wahi.

Rien n’a jamais été gagné d’avance pour celui qui vit toujours avec sa famille dans la région rennaise et qui avait eu la surprise de se voir proposer un premier contrat professionnel d’un an plus deux en option à l’été 2020 après l’obtention d’un BTS gestion et unités commerciales. Une question de mauvais comportements ? Une histoire de quelques retards à l’entraînement ? Rien de tout ça, selon Romain Ferrier : « À 20 ans, il avait toujours un double parcours ! Il y avait encore quelques fragilités, il fallait lui donner du temps, le club voulait aussi lui mettre une carotte au bout pour qu’il comprenne certaines choses. Pendant un an, il allait pouvoir ne penser qu’au foot, et on voulait voir ce que ça allait donner. » Ils ont vu, l’option a été levée, et le 30 décembre dernier, Omari a déjà prolongé son bail à Rennes jusqu’en 2026. Le défenseur qui s’est fait draguer par les Comores pour disputer la dernière CAN n’est plus un inconnu, c’est une promesse sur laquelle plusieurs clubs européens gardent désormais un œil. « Warmed a encore des choses à faire ici, balaye-t-on dans son entourage. L’idée n’est pas de partir dans un an, mais de jouer beaucoup avec matchs avec Rennes. » Le prochain au calendrier : Lyon, ce dimanche, dans l’ancien jardin de son coach, où une belle prestation devrait lui permettre encore un peu plus de ne plus être confondu avec un petit gars du centre de formation.

Par Clément Gavard, à Rennes

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