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La planète Terrier

Par Clément Gavard, à Rennes
La planète Terrier

En Bretagne, Martin Terrier a déchiré son étiquette de joueur prometteur trop souvent décevant pour devenir un attaquant de classe. À 25 ans, il réalise la meilleure saison de sa carrière, fruit d'une prise de conscience et d'un travail intense, et s'est permis de se faire une place dans les livres d'histoire du Stade rennais en faisant mieux que l'idole Alexander Frei au XXIe siècle avec 21 réalisations. Mais le buteur n'est pas seulement une machine à statistiques.

Il avait quitté l’OL à l’été 2020 avec le statut de joueur prometteur en échec, il a aujourd’hui pris une autre dimension sous le maillot du Stade rennais. À 25 ans, Martin Terrier réalise une saison bluffante, sa meilleure depuis le début de sa carrière. Il semble même marcher sur l’eau en 2022, au point que son triplé à Saint-Étienne en décembre dernier n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Ce dimanche, l’ailier a profité de la faiblesse de Lorient pour livrer une nouvelle prestation majuscule et améliorer ses lignes de statistiques.

En deux minutes à peine, il a mis le bazar sur le côté droit pour amener l’ouverture du score de son copain Benjamin Bourigeaud, l’autre homme fort du club breton ces derniers mois, avant d’enfiler son désormais habituel costume de buteur pour faire le break d’un plat du pied droit plein de sang-froid. « Je suis plutôt adroit, ça fait partie de mes qualités, donc quand les occasions s’enchaînent, c’est plus facile de faire parler mon adresse », souriait-il en zone mixte après la rencontre. Bruno Genesio, son coach qui l’avait dirigé à l’OL, est de son côté comblé : « En plus, il marque des buts importants. Ils le sont tous, mais le premier ou le deuxième sont souvent très importants dans un match. Je suis très content pour lui parce qu’il a eu des moments plus durs ici ou à Lyon quand on l’a connu avec Flo(Maurice). Il montre qu’il a progressé mentalement. » Un premier plafond de verre brisé, sans trop que l’on sache où Terrier compte s’arrêter. Je pense qu’il a pris conscience de son énorme potentiel.

Mieux qu’Alexander Frei

L’attaquant n’a en tout cas pas de limites au niveau des chiffres et des records. Il n’a même pas attendu le printemps pour signer sa meilleure saison statistique sur le plan personnel, faisant mieux que ses onze buts toutes compétitions confondues avec l’OL en 2018-2019 dès le mois de février. Sa 21e réalisation en championnat ce week-end face à Lorient ne lui a pas seulement permis de conserver son rang de deuxième meilleur artilleur de l’Hexagone devant Wissam Ben Yedder (20 buts) et derrière Kylian Mbappé (22 buts), elle lui a également offert une place de choix dans les livres d’histoire du Stade rennais. En faisant trembler les filets 21 fois, Terrier a dépassé l’idole Alexander Frei, seul joueur à avoir inscrit 20 pions au cours d’une même saison au XXIe siècle, et s’est rapproché des 22 buts de Stéphane Guivarc’h en 1996-1997 (le record absolu de 25 caramels étant détenu par Walter Vollweiler depuis 1934, comme l’indique le site spécialisé Rouge Mémoire). « Ce sont des noms qui parlent à l’échelle du club et de la première division, admettait Genesio en conférence de presse. Cela montre une certaine régularité dans ses performances. » Une régularité symbolisée par sa série en cours de sept matchs de championnat d’affilée en marquant au moins un but, ce qu’aucun joueur n’avait réalisé lors d’un même exercice avec le SRFC (Hervé Guermeur avait enchaîné huit rencontres en plantant à cheval sur deux saisons en 1972, précise Opta). « Je ne pense pas à tout ça franchement, a calmé Terrier. Je suis surtout content parce qu’au-delà des stats, je pense que mon apport dans le jeu est mieux qu’en début de saison. J’ai passé un cap dans ce domaine. » Dans les matchs, j’avais tendance à m’effacer un peu. J’ai beaucoup travaillé avec le préparateur physique pour effacer des petites choses qui étaient mes faiblesses.

Un joueur total

Martin Terrier ne se trompe pas dans son analyse, il faut voir le bonhomme voler sur le pré pour comprendre qu’il n’est plus le même joueur qu’à son arrivée en Bretagne, à une époque où il lui était encore reproché de disparaître et de ne pas se faire suffisamment violence. Ces dernières semaines, l’ancien Lyonnais a semblé dégager une certaine assurance sur le rectangle vert. Très au-dessus du lot techniquement, le Nordiste impressionne également par sa redoutable intelligence de jeu et sa capacité à répéter les efforts, comme en témoignent des retours défensifs gagnants très bas sur le terrain. « Je pense qu’il a pris conscience de son énorme potentiel et qu’il a pris de la maturité, analysait Genesio, qui l’avait récemment comparé à Franck Gava au niveau du style. Comme les autres joueurs en phase offensive, il a beaucoup de liberté. Il part d’une position à gauche, il peut dézoner, venir plus bas… C’est un jeu de position, de passes, de mouvements, et il excelle dans ce domaine. » Terrier a digéré son passage décevant dans le Rhône et s’est donné les moyens de donner un nouvel élan à sa carrière. Sa décision de diminuer son temps passé sur les jeux vidéo, notamment les veilles de match, illustre bien cette envie de devenir le joueur qu’il doit être.

« Dans les matchs, j’avais tendance à m’effacer un peu. J’ai beaucoup travaillé avec le préparateur physique pour effacer des petites choses qui étaient mes faiblesses, explique Terrier. Je pense aussi que j’arrive à un âge où on arrive à maturité. (…) Le coach nous donne beaucoup de liberté, et ça me pousse à me lâcher. Mon rôle peut évoluer en fonction du jeu dans le 4-3-3, ça m’arrive souvent de permuter, je me sens libre. » Tout va bien pour Martin Terrier, dont la nouvelle aisance face à la presse et la faculté à endosser le rôle de leader sur la pelouse traduisent une plénitude personnelle. « On l’a un peu obligé à s’ouvrir, se marrait Baptiste Santamaria ce dimanche. Je suis content parce qu’il est épanoui et ça se ressent sur le terrain. C’est un super mec. J’espère qu’il va accrocher Mbappé et Ben Yedder au classement des buteurs, ce serait mérité. » Martin Terrier, lui, ne veut pas que ça s’arrête « parce que ça aide l’équipe » et souhaite continuer à « procurer » et « prendre » du plaisir. Celui qui compte une dizaine de sélections avec les Espoirs n’a encore jamais reçu de préconvocation de la part de Didier Deschamps. « C’est sûr que j’y pense un petit peu, confie-t-il. Il y a beaucoup de joueurs de qualité à mon poste et c’est à moi de continuer de travailler pour pouvoir y prétendre. » L’attaquant rennais présente en tout cas de beaux arguments pour se mêler au débat.

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Par Clément Gavard, à Rennes

Tous propos recueillis par CG.

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