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Belocian, l'espoir derrière les larmes
En larmes après son erreur contre le Shakhtar Donetsk et l'élimination de Rennes, Jeanuël Belocian a connu la première grande douleur de sa carrière à tout juste 18 ans. Un apprentissage à grande vitesse pour le jeune défenseur, qui a encore le temps de grandir.
L’image a sans doute tourné en boucle dans la tête de Jeanuël Belocian depuis jeudi soir, et ce moment, aussi douloureux soit-il, restera peut-être comme le véritable point de départ de sa carrière. La 119e minute de jeu était passée quand le jeune défenseur a manqué son dégagement du pied droit à la suite d’un centre de Neven Djurasek, et vu le ballon passer au-dessus de Steve Mandanda pour finir dans son propre but. À ce moment-là, le Stade rennais n’était pas encore éliminé de la Ligue Europa, mais il n’était plus qualifié non plus. Belocian, lui, est apparu sonné pendant de longues secondes, réconforté par ses coéquipiers, avant de fondre en larmes après la séance de tirs au but remportée par le Shakhtar Donetsk. Les supporters rennais auraient préféré retenir de cette soirée les scènes de joie après le but libérateur d’Ibrahim Salah en prolongation, mais elles ont été effacées par le scénario cruel et la détresse d’un gamin tout juste majeur. Il ne restait alors que la tristesse, et les mots justes prononcés par Bruno Genesio quelques minutes plus tard : « Il vient d’avoir 18 ans, il n’avait même pas le permis il y a encore une semaine. Ce sont aussi des matchs comme ça qui vont le faire grandir, et avec son potentiel, il a une belle carrière devant lui. Dans quelque temps, ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir, mais un mauvais souvenir qui lui servira. »
Les larmes de Belocian…#SRFCSHA pic.twitter.com/QEynoSg6yq
— CANAL+ Foot (@CanalplusFoot) February 23, 2023
La semaine où tout a basculé
Le joueur arrivé en 2020 de Guadeloupe, premier fruit du partenariat entre le SRFC et le Stade lamentinois, n’a pas grillé les étapes. En plus d’avoir signé un contrat professionnel en novembre 2021, il vit avec les grands depuis de longs mois. Il était par exemple dans le groupe pour la double confrontation contre Leicester la saison dernière, faisant aussi plusieurs apparitions sur des feuilles de match en Ligue 1, où il avait gratté quelques minutes contre Metz et Strasbourg. Mais tout s’est accéléré dans la vie de Belocian ces derniers jours. Ce n’est pas rien de fêter ses 18 ans, ce n’est pas rien non plus de vivre ce passage à la majorité en gagnant une place de titulaire inattendue au sein d’une équipe décidée à jouer les premiers rôles en championnat et à exister en Coupe d’Europe. S’il avait connu sa première titularisation en novembre lors de la réception de Larnaca en C3, il en a enchaîné trois en sept jours aux côtés de Warmed Omari (les deux matchs contre le Shakhtar et Clermont en championnat). Tout n’a pas été parfait, notamment à Varsovie où il avait été défendu par son coach jugeant son match comme « très bon », mais le novice a affiché une belle complémentarité avec son compère de charnière, poussant Genesio à laisser Joe Rodon, Arthur Theate ou Christopher Wooh sur le banc lors des dernières sorties bretonnes.
Il est trop tôt pour assurer qu‘il ne quittera plus le onze de départ jusqu’à la fin de saison, comme il est trop tôt pour s’enflammer ou pour l’enterrer après son erreur. Belocian n‘a peut-être pas beaucoup dormi dans la nuit de jeudi à vendredi, mais Genesio assurait ce samedi que son protégé avait « récupéré physiquement et moralement parce qu’il a une attitude de champion ». Le coach rennais s‘était déjà entretenu à chaud avec son défenseur après la rencontre, ce qui lui arrive rarement. « Je l’ai vu pour lui dire que j’étais fier de ce qu’il avait fait et qu’il devait lever la tête, racontait le technicien. Ce qui m’a aussi frappé au-delà de la qualité de son match, c’est que ce soit lui qui aille chercher le ballon au fond des filets pour aller engager sur le but annulé en première période. Ça montre qu’à 18 ans, il a cette culture de la gagne, cette mentalité de compétiteur. C’est un garçon qui ne se laisse pas abattre au moindre évènement contraire, collectif ou individuel. C’est très révélateur de son état d’esprit. Je ne vais pas tout gommer ce qu’il a fait sur les trois matchs parce qu’il a fait cette erreur. » C’est une déclaration de confiance.
« On sait tous que ça lui a fait mal »
La pièce n‘est pas tombée du bon côté ce jeudi soir, mais le public du Roazhon Park, forcément abattu sur le moment, ne peut pas en vouloir à Belocian, l’un des joueurs les plus prometteurs de la génération 2005, à laquelle appartient aussi Désiré Doué. Les deux ont l’âge pour disputer la coupe Gambardella, ils étaient pourtant sur le terrain pour un match européen cette semaine. « C‘est l’apprentissage, comme on dit. C’est la première saison où il commence à jouer, c’est normal qu’il fasse de petites erreurs, et encore, personne ne lui en veut, témoignait Omari, 22 ans, en zone mixte. Il a fait un très bon match, il faut le rappeler. Il a une longue carrière devant lui. Je suis le premier à avoir fait des erreurs l’année dernière, quoi qu’il arrive il faut toujours relever la tête. » Ils sont tous allés le consoler sur la pelouse ce jeudi soir, d‘Hamari Traoré, le capitaine rennais blessé, à Theate, son concurrent au poste de défenseur central axe gauche. « On sait tous que ça lui a fait mal. Pendant tout le match, il a été top, je ne lui en veux pas du tout, expliquait aussi Jérémy Doku. Je lui ai dit : “On va jouer contre Nantes, il faut vite basculer. Même moi, j’ai raté mon tir au but, ce n’est pas à cause de toi. Regarde le match que tu as fait, ce n’est pas cette action qui va tout changer.” » Belocian apprend et il apprendra encore, dans la défaite comme dans la victoire, dans le malheur comme dans le bonheur, et ça n‘a rien d’infamant quand on a 18 ans. Avec un peu de chance, cette fois, les prochaines larmes seront peut-être de joie.
Par Clément Gavard, à Rennes
Tous propos recueillis par CG, sauf ceux de Warmed Omari par Ouest-France en zone mixte