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Stade de France : la menace FIFA
La FIFA souhaiterait racheter le Stade de France. Si la multinationale du ballon rond a depuis timidement démenti, les indices sont troublants et l’inquiétude palpable. Notamment parce que l'avenir de cette infrastructure qui a coûté si cher aux finances publiques reste incertain.
Emmanuel Macron et Gianni Infantino n’auraient discuté que du cas Noël Le Graët lorsqu’ils se sont rencontrés à Paris, le mois dernier. L’avenir du Stade de France aurait également été au menu des discussions. C’est du moins ce que croit savoir L’Équipe. Jupiter se sent donc toujours un peu l’âme d’un ministre de l’Économie, puisqu’il s’activerait afin de dégoter un repreneur pour l’enceinte, dont la concession accordée à Bouygues et Vinci se termine le 30 juin 2025, après les Jeux olympiques et paralympiques. Depuis, contactée par Le Monde, la FIFA « dément fermement cette information ». Le côté lapidaire de la réaction ne suffit toutefois pas à dissiper le faisceau de rumeurs autour de ces négociations.
Un stade encombrant, disproportionné et très onéreux
Après la passe d’armes entre le PSG et le Parc des Princes, dont la ville de Paris ne désire pas se délester, l’État serait au contraire plutôt tenté de se débarrasser de cet encombrant, disproportionné (80 000 places, une contenance que la FFF et la FFR peinent à rentabiliser à chaque match) et très onéreux bijou de la République, hérité de la Coupe du monde 1998. Ainsi, selon un rapport d’information de la commission des finances du Sénat de 2019, cité dans Le Monde, « le coût du stade pour les comptes publics depuis 1995 excédera un milliard d’euros après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ». L’histoire, un quart de siècle, du SDF reste en effet celle d’une enceinte surdimensionnée, guère appréciée en matière d’ambiance par les joueurs, incapable de trouver un club résidant (ce qui a longtemps valu aux deux concessionnaires des indemnités publiques conséquentes), et dont la FFF et la FFR sont finalement les principaux usagers. Il n’a jamais rempli son rôle au niveau local, son exploitation reste compliquée (desserte, etc.), ce qu’a encore illustré la finale de la Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid (ce dont ceux qui s’y rendent aussi bien pour un match de l’EDF ou un concert font régulièrement l’expérience). Apparemment, la FIFA, et surtout Gianni Infantino, caresserait malgré tout des rêves de grandeur, et de profits, autour de son utilisation pour des matchs de gala et de Coupe du monde des clubs.
Car il faut vite trouver un repreneur pour une infrastructure dont le prix, selon L’Équipe, serait « de l’ordre de 600 millions d’euros (et entre 300 et 400 millions d’euros nécessaires pour des travaux de rénovation) ». Ni le PSG (qui sait pertinemment qu’aussi bien le lieu et la taille constituent un piège économique), ni la FFF (qui verse déjà un loyer de 7,5 millions d’euros) ne semblent prêts à tenter l’aventure. L’appel d’offres promet d’être de la sorte fort compliqué. Les candidats crédibles sont rares, et si le nom de la FIFA est sorti du chapeau, il faut surtout y voir un révélateur de sa puissance financière. Cependant, pareille option pose malgré tout de graves problèmes en matière de souveraineté sportive. Les Bleus, sans parler du XV de France en rugby, seraient donc appelés à évoluer quelque part « hors sol » national, sur une pelouse qui appartiendrait à une multinationale. Un peu comme si Google rachetait le Louvre. Enfin, dernier point qui ne manque pas de sel, ce serait Noël Le Graët qui mènerait sûrement les négociations au nom de son employeur, la FIFA. On imagine son sourire en coin dans ce cas face aux représentants de l’État pendant qu’il poursuit la ministre des Sports en justice. Une bonne occasion, cela dit, de mesurer l’ampleur de son patriotisme. Il est plus facile de demander aux joueurs de chanter La Marseillaise que de choisir entre son pays et son – riche – patron.
Par Nicolas Kssis-Martov