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Stade arc-en-ciel : à quoi joue l’UEFA ?
En refusant à la ville de Munich d’illuminer l’Allianz Arena aux couleurs de l’arc-en-ciel à l’occasion de la rencontre Allemagne-Hongrie programmée ce mercredi, l’UEFA a envoyé un message confus aux partisans de l’inclusion des personnes LGBT au sein du football. Problème, l’instance européenne militait jusqu’il y a encore peu dans ce sens. De quoi se demander où se situe la logique dans tout ce marasme.
Quand la pluie et le soleil se mettent à danser ensemble, cela donne un phénomène météorologique simple : l’arc-en-ciel. Traditionnellement, il provoque, au mieux, des « Oooh, que c’est beau ! » et, au pire, d’innombrables stories Instagram. Mais depuis quelque temps, l’arc-en-ciel provoque surtout des débats enflammés pour savoir si, oui ou non, il s’agit là d’un simple symbole en faveur des personnes LGBT ou, au contraire, d’un monstrueux instrument de propagande idéologique. Dimanche dernier, au lendemain de la victoire éclatante de l’Allemagne face au Portugal (2-4) et alors qu’outre-Rhin, on disséquait sous tous les angles la masterclass de Robin Gosens, la chaîne ntv révélait que l’UEFA ouvrait une enquête à l’encontre de la fédération allemande de football (DFB) à la suite du port d’un brassard arc-en-ciel par le capitaine de la Nationalmannschaft Manuel Neuer.
La raison ? L’objet du délit pouvait être vu comme un symbole politique et contrevenait à ce titre au règlement de l’instance européenne. Mais quelques heures plus tard (et devant le tollé que cette décision a provoqué ?), l’UEFA rendait son verdict pour finalement considérer que le brassard de Neuer (déjà arboré en amical face à la Lettonie avant le début de l’Euro) représentait « un symbole collectif en faveur de la diversité et donc, d’une bonne cause » . Case closed, comme on dit dans les séries américaines. Enfin, pas tout à fait. En parallèle, la ville de Munich demandait à l’organisateur du tournoi l’autorisation d’illuminer l’Allianz Arena aux couleurs de l’arc-en-ciel à l’occasion de la rencontre entre l’Allemagne et la Hongrie, prévue le mercredi 23 juin. Très attendu, le verdict rendu ce mardi n’a pas forcément été celui escompté.
Botter en touche
Et pour cause : dans son communiqué, l’UEFA a tout simplement refusé la demande du conseil municipal, pourtant votée au préalable en interne. La raison ? Elle est froidement administrative : « L’UEFA est une organisation politiquement et religieusement neutre. Compte tenu du contexte politique de cette demande particulière – un message visant une décision du Parlement hongrois -, l’UEFA doit rejeter cette demande. » C’est vrai, la ville de Munich voulait en effet envoyer un message en faveur de la diversité et de la tolérance à destination de tout un chacun, peu importe son orientation sexuelle, quelques jours seulement après que la Hongrie a voté une loi qui dispose que « la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans ». Rien d’étonnant au vu de la ligne politique affichée par le président hongrois Viktor Orbán, mais un signal inquiétant envoyé à toutes celles et ceux qui ne rentreraient pas dans les clous.
Dès lors, le conseil municipal de Munich aurait-il dû taire le fond de sa pensée et se contenter de simplement vouloir promouvoir la tolérance envers les minorités sexuelles ? C’est en tout cas ce que laisse entendre le verdict de l’UEFA, qui propose en lieu et place d’illuminer l’Allianz Arena aux couleurs de l’arc-en-ciel le 28 juin à l’occasion du Christopher Street Day (l’équivalent allemand de la Pride) ou bien pendant la Pride Week de Munich, qui se tiendra du 3 au 9 juillet. Problème : aucun match n’aura lieu sur place à cette période. Et hormis le fait d’apercevoir un canot pneumatique multicolore en roulant sur la rocade munichoise, il y a peu de chance que le message ait une portée aussi importante.
La veste, comme ça, on tourne et retourne
En attendant, l’Eintracht Francfort et le FC Cologne ont d’ores et déjà promis que leurs stades respectifs porteraient les couleurs de l’arc-en-ciel au moment où la Nationalmannschaft ferraillerait avec la Hongrie. Là encore, pour coller avec leur engagement « en faveur de la diversité et de la tolérance ». Ce que la DFB avait d’ailleurs souligné pour défendre le port du brassard polémique de Manuel Neuer. En attendant, l’UEFA, elle, se tire une balle dans le pied, car sa décision va à l’encontre de son slogan « We sign for an equal game ! » et du discours qu’elle tenait voici encore deux ans, en promettant que l’Euro 2020 inclurait chacune et chacun et allait même encore plus loin en répondant à un supporter circonspect que « de nombreuses personnes, et parmi elles, beaucoup faisant partie de la communauté LGBTQ, ne se sentent pas incluses ou bienvenues au sein du football. Nous pensons qu’il est important de leur rappeler qu’elles le sont tout à fait. Ce sport est celui de tous. »
Par ce verdict, l’organisateur du tournoi donne du grain à moudre aux détracteurs des liens entre football et politique, mais il ne manquera pas non plus de s’attirer les foudres de ceux qui estiment qu’on ne peut pas mettre sur un pied d’égalité des chants racistes, des huées face à un genou à terre et la volonté de dire aux personnes LGBT qu’elles ont le droit de jouer au football et de se sentir en sécurité en allant au stade. Bref, hormis ce que l’UEFA décide, il n’est pas permis de prendre une quelconque initiative. C’est à prendre ou à laisser. Cependant, celle-ci est capable de rétropédaler, on l’a vu avec l’affaire du brassard de Neuer. Pourra-t-elle le faire de nouveau ou se contentera-t-elle d’une lecture froide de ses statuts ? Choisir c’est renoncer et, que ce soit en Allemagne ou en Hongrie, on l’a déjà bien compris.
Par Julien Duez