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Spalletti-Di Francesco : la route de Rome
À peine plus de deux mois après avoir quitté la Roma, Luciano Spalletti retrouve la capitale pour ce qui devrait être le sommet de cette seconde journée de Serie A. Une rencontre où il croisera le fer avec le nouveau Mister giallorosso, Eusebio Di Francesco, qui partage avec lui un parcours et des idées de jeu semblables.
« Si ça ne tenait qu’à moi, oui, j’espère que Di Francesco sera le prochain entraîneur de la Roma. Parce qu’il a tout pour lui: il connaît l’environnement et il a les qualités humaines comme le savoir-faire tactique nécessaire pour le poste. » À la fin du mois de mai dernier, Luciano Spalletti, en instance de départ à la Roma, n’hésitait plus à évoquer sa succession. Quelques semaines plus tard, c’est bien son protégé, Eusebio Di Francesco, qui a pris sa suite. Une passation de pouvoir aux allures d’évidence, pour les tifosi comme pour les dirigeants de la Louve.
Vis ma vie de Mister
D’abord, parce que les deux hommes ont un passif d’entraîneur étrangement semblable, l’un comme l’autre ayant fait leurs armes dans les divisions inférieures du football transalpin. Spalletti a notamment participé à faire remonter Empoli de la Serie C1 à la Serie B, avant de se révéler aux yeux du grand public à la tête de l’Udinese, de 2002 à 2005, puis de s’engager avec la Roma. Là, son destin croise pour la première fois la route de celui de Di Francesco. Ce dernier, qui a évolué à la Roma de 1997 à 2001, vient de mettre un terme à sa carrière de joueur et s’est recyclé en team manager du club romain. Un premier contact aussi productif pour Spalletti que pour l’ancien Romanista. Di Francesco observe alors avec intérêt les méthodes de management de Spalletti : « Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’est sa personnalité, qui lui permettait d’échanger facilement avec les joueurs. Il a une faculté impressionnante pour transmettre ses idées et être facilement compris des autres. »
Spalletti, lui, échange régulièrement avec l’ancien milieu de terrain, avec qui il évoque les deux années que le joueur a passées sous l’autorité de Zdeněk Zeman, de 1997 à 1999 : « Spalletti me demandait souvent des choses pour savoir ce qu’on faisait avec Zeman, quels mouvements il essayait de nous inculquer. » Dans un curieux effet de mimétisme, la carrière de coach de Di Francesco empruntera une trajectoire pas si éloignée de celle de Spalletti. Une expérience concluante en Serie C avec Pescara, avec lequel il remonte en deuxième division, un passage raté à Lecce, puis l’ascension progressive avec Sassuolo, qu’il fait monter en Serie A en 2013. Avant de stabiliser le club dans l’élite et d’aller jusqu’à le qualifier pour la C3 en 2016. Et donc de revenir à Rome, pour enfin jouer dans la cour des grands.
Disciples de Zeman
Le parallélisme entre les deux hommes ne se limite cependant pas à leurs CV respectifs. L’un comme l’autre se distinguent de par leur volonté de proposer un football flamboyant, mais aussi organisé, offensif sans être kamikaze. Quand on lui demande les deux entraîneurs qui l’ont le plus influencé tactiquement, Spalletti nomme ainsi deux hommes à la philosophie de jeu pour le moins éloignée, le calculateur Giovanni Trapattoni et le gourou de l’attaque à tout-va, Zdeněk Zeman : « Je me sens à moitié Trap, à moitié Zeman. » En conséquence, les équipes du nouveau Mister de l’Inter sont régulièrement louées pour la qualité de leur football, comme pour leur rigueur sur le plan tactique, souvent dans une formation en 4-2-3-1 devenue la marque de fabrique de Spalletti. Di Francesco, lui, se réclame directement de Zeman, faisant quasi invariablement jouer ses équipes dans un 4-3-3 offensif, le mode de jeu préféré du technicien tchèque. « Zeman avait dix ans d’avance, c’est le coach qui m’a le plus influencé. En conséquence, mon football est vertical et tourné vers l’avant. Je dis toujours aux garçons : il y a trop de passes horizontales. Et pour verticaliser le jeu, le 4-3-3 est ma façon de faire. » Mais l’ancien de Sassuolo, qui a aussi évolué sous les ordres de Fabio Capello, n’oublie pas pour autant de travailler l’aspect défensif du jeu : « Zeman voulait attaquer sur chaque action, mais je suis plus mesuré. C’est bien d’agresser l’adversaire, mais pas toujours. »
Dernier point commun entre les deux Mister, leur capacité à réinventer et faire progresser certains de leurs joueurs clés. Spalletti avait ainsi recyclé avec succès Francesco Totti au poste d’avant-centre au milieu des années 2000, permettant au Capitano de la Roma d’élargir sa palette de joueur. Di Francesco, lui, a largement participé à faire éclore Marco Verratti au plus haut niveau en l’alignant au poste de regista, lorsqu’il était à la tête de Pescara, de 2010 à 2011 : « Lorsque je suis arrivé, Marco était blessé et quand il est revenu, je l’ai déplacé devant la défense, car il en avait les caractéristiques techniques et psychologiques. Ce n’est pas un numéro 10, il n’a pas le rythme pour, et surtout, il ne tire jamais. » Depuis, le technicien de 47 ans a fait un sacré bout de chemin pour retrouver la route de Rome. Une route que Luciano Spalletti recroisera avec l’Inter ce samedi, non sans une dose de nostalgie. Mais avec la satisfaction de laisser la Louve entre les mains d’un successeur qui lui ressemble.
Par Adrien Candau