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Southampton ne sait plus à quel Saint se vouer
Huitième de Premier League la saison dernière, Southampton suscitait la curiosité grâce à un jeu séduisant et un projet ambitieux. Mais les départs successifs ces derniers mois du président, de l'entraîneur et de plusieurs joueurs cadres ont sonné le glas de la hype. Radioscopie d'un club dont l'avenir s'inscrit désormais en pointillés.
Il faut peut-être voir là une simple déveine soumise aux circonstances. Ou, alors, une logique implacable et prévisible. Reste que l’histoire de Southampton est ce qu’elle est. Et que les fans les plus inconditionnels du club du Sud de l’Angleterre ont appris à cohabiter avec. Au terme d’une saison dernière éclatante, où les Saints ont fini à la 8ème place, à quelques longueurs de Manchester United et séduit toute la perfide Albion, on leur prédisait des lendemains fastueux. Aujourd’hui, c’est un horizon aux contours brumeux qui se dessine. Une situation qui émane des départs en rafale de plusieurs joueurs. Mais pas n’importe lesquels, puisque ce sont des piliers qui ont plié bagage. Rickie Lambert (Liverpool), top-scorer patenté de l’équipe avec 144 pions inscrits depuis 2009, a été le premier à quitter le navire. Puis Luke Shaw (Manchester United), relève d’Ashley Cole en sélection, Adam Lallana (Liverpool), capitaine des Saints, et Dejan Lovren (Liverpool), l’un des meilleurs défenseurs de Premier League lors de l’exercice précédent, ont suivi la marche. Une procession à laquelle il faut ajouter Calum Chambers, capitaine des U19 des Three Lions qui a rallié Arsenal avant, peut-être et malgré le démenti du club, les départs de Morgan Schneiderlin et Jay Rodríguez vers Tottenham. Une hémorragie sans fin. Des pertes considérables et qualitatives. Mais ce qui s’apparente désormais à un champ de ruines n’est pourtant, à la lumière des événements survenus ces derniers mois, pas totalement une surprise.
Cortese, l’élément déclencheur
La genèse de ce pillage successif trouve assurément sa source au départ de Nicola Cortese. Ancien président de S’ton et homme de confiance de Markus Liebherr – défunt propriétaire qui évita au club le redressement judiciaire en 2009 -, ce businessman italien à l’origine du renouveau des Saints avait démissionné en janvier. En cause, un énième différend avec l’actuelle propriétaire Katharina Liebherr, fille de, laquelle se fout du ballon rond et commençait à trouver l’affaire pas assez lucrative. À la place de Cortese, celle-ci a nommé Ralph Krueger… un ancien joueur et coach de hockey ! Un choix qui n’est, toutefois, pas anodin. Comme le révèle hat-trick.fr, le bonhomme, réputé pour sa poigne dans le monde des affaires, a été mis au parfum rapidement quant à la volonté de sa boss de vendre le club. Dès lors, la stratégie se veut limpide : assainir les finances (Southampton traînait notamment 34 millions d’euros de frais de transfert impayés avant l’ouverture du mercato estival et affiche une masse salariale en très nette augmentation depuis 2012) afin d’attirer les investisseurs. Nicola Cortese, peu après son départ, a bien tenté de racheter « son bébé » . En vain. Dommageable car la nouvelle direction n’a pas fait l’unanimité. À commencer auprès de Mauricio Pochettino, manager des Saints depuis janvier 2013, qui avait un jour confié que « rester à ce poste si Nicola n’était plus là n’aurait aucun sens » . Des paroles qu’il a jointes aux actes en répondant à l’appel du pied de Tottenham en mai dernier. Une démission qui a forcément fait basculer l’avenir des joueurs cadres, eux qui louaient sans cesse le travail de l’Argentin et ont tous progressé sous son magistère. Et cela, même si le directeur exécutif, Les Reed, avait certifié qu’ « aucun joueur-clé ne serait vendu » et que S’ton n’était pas un « club vendeur » . Autre réalité indissociable et patente que les pensionnaires du St Mary’s Stadium ne peuvent occulter : Lallana, Lovren et consorts, à l’instar de leur ex-coach, ont facilement succombé aux sirènes de clubs aux aspirations plus élevées. Un drame auquel sont confrontées plusieurs escouades modestes de Premier League, comme l’analysait récemment Alan Pardew, actuel manager de Newcastle et ancien de S’ton (2009-2010) : « Si vous ne participez pas à la Ligue des champions, les grandes équipes viennent chercher vos joueurs. Regardez ce qu’il se passe à Southampton. Nous faisons tout pour essayer de construire chaque année et nous espérons arriver à un stade où nous ne perdrons plus nos joueurs. » Hélas, les grands desseins pèsent peu quand Chelsea ou Liverpool viennent toquer à votre porte.
Start again from the bottom
Orphelin de son chef de file et amputé de cinq de ses ouailles (peut-être bientôt sept), comment Southampton, que l’on juge exsangue, peut-il s’en remettre ? Au regard de son histoire, les Saints peuvent s’appuyer sur leur centre de formation. Sans aucun doute le plus performant d’Angleterre. C’est grâce, notamment, à celui-ci qu’ils se sont extirpés des méandres de la League One (D3 anglaise) avant d’atteindre l’élite en 2012. Lallana, Shaw, ainsi que Chambers vont laisser place à une jeune garde (Ward-Prowse, Gallagher, Reed, Targett, McQueen, Rowe) qui a fait ses gammes au sein de la Premier League U21 et laisse entrevoir de belles promesses au cours de cette pré-saison. Mais l’Academy ne constitue pas le seul argument notable. Grâce au rayonnement international du championnat anglais, S’ton profite de la juste répartition des droits TV avec un peu plus de 97 millions d’euros perçus au terme de la saison 2013/2014. Une manne financière à laquelle s’ajoutent les recettes des transferts effectués (120 millions), des revenus (issus de la billetterie et commerciaux) en forte hausse. De quoi remodeler et dessiner les contours du futur effectif avant la date butoir du mercato estival.
Une tâche qui incombe à Ronald Koeman, nommé successeur de Pochettino. Même si le technicien néerlandais a dernièrement pris avec ironie la gestion du club par ses dirigeants, il a été conquis par le défi proposé. À Southampton, l’ancien joueur du Barça aura l’occasion de transposer ce qu’il a réalisé à Feyenoord. En trois saisons, derrière l’intouchable Ajax, il a qualifié à deux reprises le club pour la phase préliminaire de C1. Le tout, en révélant des jeunes (De Vrij, Martins, Boëtius) et en s’appuyant sur un socle presque purement oranje avec dix titulaires sur onze. Démarche grandement appréciée par les Saints, le club de haut de tableau à avoir aligné le plus d’Anglais la saison dernière avec Liverpool. « Southampton a une équipe talentueuse, une académie de classe mondiale et de bonnes infrastructures pour permettre de réussir en championnat, a-t-il clamé lors de sa nomination. La possibilité de poursuivre le développement du club était tout simplement impossible à refuser. » Reste qu’une interrogation subsiste à son sujet. Hors de ses frontières, la réussite n’a pas escorté Koeman (55,10 % de victoires à Benfica, 32,35 % à Valence). Et rien ne dit, donc, qu’il siéra à l’imposant chantier auquel il va faire face. À son arrivée en Premier League, Nicola Cortese prévoyait un plan de cinq ans pour se rapprocher durablement des formations les plus huppées. Aujourd’hui, tout est à refaire. Et en attendant des jours meilleurs, les supporters de Southampton, eux, placardent un slogan qui ne souffre aucune ambiguïté : « Progress is pointless » .
Par Romain Duchâteau