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Sous la jupe d’Alain
Il est de notoriété publique qu'Alain Juppé est un homme qui préfère le rugby au football. Et le peu d'intérêt que le candidat à la primaire de la droite et du centre porte au ballon rond, le football le lui rend bien. La preuve avec les soucis que la construction du nouveau stade de Bordeaux lui a causés.
Ce 24 octobre 2011, le visage tout en longueur d’Alain Juppé est orné d’un large sourire. Après délibération, le conseil municipal de Bordeaux vient de l’autoriser à signer un partenariat public-privé (PPP) avec Vinci et Fayat, pour la construction de ce qui deviendra le stade Matmut-Atlantique. Mais depuis, les commissures des lèvres du maire bordelais ont tendance à ne pas repiquer vers le haut, lorsque l’édifice est évoqué. Et pas seulement à cause du spectacle proposé par les Girondins.
Paie, paie, paie
Depuis ce fameux jour d’octobre 2011, les élus de l’opposition, le socialiste Matthieu Rouveyre en tête, farouchement opposés à la construction d’un grand stade à Bordeaux, ne comptent pas s’avouer vaincus. Les recours se multiplient, même après l’inauguration de l’enceinte en mai 2015. En cause, son coût jugé exorbitant, avec une facture dépassant de très loin les chiffres initialement annoncés. Le combat de Rouveyre, également membre de la commission finances et affaires juridiques du conseil municipal, finit par porter ses fruits un mois avant le début de l’Euro 2016. Et alors qu’Alain Juppé lance sa campagne pour les présidentielles. Le 11 mai dernier, le Conseil d’État annule le PPP, au motif que les conseillers municipaux ne disposaient pas d’informations suffisantes pour statuer. Sur son blog, Rouveyre oscille entre jubilation et colère : « En 2011, Alain Juppé expliquait que cet investissement allait coûter 3,6 millions d’euros par an à la ville. Après avoir examiné l’ensemble des annexes, le montant s’avère deux fois supérieur, à 6,7 millions d’euros ! » Car l’élu le sait bien : après de nouvelles délibérations, sur la base d’informations exhaustives, le PPP sera à nouveau validé. Car en cas d’annulation, les partenaires privés que sont Fayat et Vinci seraient en droit de réclamer 150 millions d’indemnités de rupture à la ville de Bordeaux, soit le montant du manque à gagner sur les trente ans d’exploitation du stade négociés cinq ans plus tôt entre tous les partis. Une facture impossible à régler pour un stade dont la construction a déjà coûté 183 millions d’euros à la ville de Bordeaux. Quelques semaines plus tard, au sortir d’un Euro dont Alain Juppé se félicite de la bonne tenue dans sa ville, le conseil municipal autorise de nouveau la validation du PPP.
Une erreur de calcul à 176 millions
Mais entre-temps, Le Canard Enchaîné lâche une bombe. Dans son édition du 25 mai, l’hebdo révèle que ce ne sont pas 183 millions d’euros, que le stade coûtera à la ville, mais plutôt 359. Le double ! La raison ? Alain Juppé et son équipe avaient omis que dans le contrat signé avec le consortium privé (Vinci et Fayat), il est stipulé que ce dernier facturera à la municipalité un loyer annuel, l’entretien et la gestion du bâtiment. Pendant trente ans. Et en plus de cela, le consortium se fera rembourser ses impôts locaux. Toujours pendant trente ans. Un coût total qui s’élève donc à 176 millions d’euros. Ce qui fait cher l’oubli. Malgré cela, Nicolas Florian, l’adjoint aux finances de Juppé assure au Canard qu’à l’issue de ces trente ans, la ville de Bordeaux compte bien engranger 94 millions et que l’accord de PPP « reste une bonne affaire » . Dans ce cas-là, tout va bien. Sauf que depuis son inauguration, le stade sonne souvent creux les soirs de match. Si bien qu’en décembre 2015, en répondant à une question de Sud-Ouest sur les problèmes de circulation autour de la bâtisse, Alain Juppé lâchait un laconique : « Il faudrait peut-être commencer par le remplir, ce stade. » C’est sûr qu’au prix qu’il a coûté…
Par Mathias Edwards