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Sous la Fonte
Inconnu il y a quelques mois dans son pays, José Fonte a progressivement retourné son destin pour gratter une place de finaliste de championnat d’Europe potentiel aux côtés de Pepe. Au bout de la sueur.
Hier encore, ce n’était qu’un inconnu. Un simple murmure, un nom que l’on connaît de loin et un visage qu’on n’arrive pas à remettre. Puis, il y a eu ce banquet étoilé, un soir, à Old Trafford. C’était une nuit de novembre, en 2014, où le Portugal et l’Argentine avait décidé de s’exhiber sur terrain neutre. Arrivé deux mois plus tôt, Fernando Santos, le néo-sélectionneur portugais, est encore en chantier. Son objectif est simple : peu importe comment, il lui faut relever une sélection sortie quelques semaines auparavant de la Coupe du monde brésilienne dès la phase de poules, avec une branlée en ouverture contre l’Allemagne (0-4), et en proie à un choc des générations. Dès sa première prise de parole, Santos, sélectionneur de la Grèce au Brésil, a évoqué un « renouvellement générationnel » nécessaire pour aller conquérir le premier titre international de l’histoire du Portugal. Problème, le soixantenaire a ses principes : il ne jure que par l’expérience. Alors, il fait revenir Ricardo Carvalho, Tiago, Quaresma ou encore Danny sous le maillot de la Selecção. Sur son canapé, comme en 2012, comme en 2014, José Fonte voit encore l’histoire s’écrire sans lui. Comme quelques années plus tôt chez lui, au Portugal. Comme si, définitivement, la lumière lui était interdite. Jusqu’à cette soirée de Manchester.
Les « années de souffrance »
Un soir où le défenseur de Southampton va enfin retourner l’histoire. En Angleterre, un pays qui l’a accueilli sept ans plus tôt. Cette fois, il n’est plus personne, mais est devenu quelqu’un. Comment ? Pourquoi ? Pourquoi si tard ? Lui parle « d’années de souffrance » . Un chemin de croix débuté à Penafiel, où il est né et où il a tapé dans ses premiers ballons avant de rejoindre le centre de formation du Sporting où un gamin à mèches blondes enchaîne déjà les sourires et les exploits. José Fonte, lui, ne verra jamais le maillot de l’équipe première. Loin des larmes de Lisbonne où le Portugal chute à domicile face à la Grèce en finale de l’Euro 2004, il galère alors entre salaires impayés et emploi instable dans les valises de Norton de Matos, entre Salgueiros et Setúbal. Assez pour que Benfica le repère et le laisse s’amuser sur le banc. C’est un choix de Ronald Koeman, un homme qui fera quelques années plus tard de Fonte son patron à Southampton. Suivront ensuite les prêts, jusqu’à Palace, alors en Championship. Là où Southampton, en League One, vient le chercher en 2010. Au fond du trou.
Morgan de toi
La suite est connue : les succès, la Premier League, Pochettino et le développement jusqu’à devenir aujourd’hui l’un des défenseurs les plus réputés du championnat d’Angleterre. Au point de voir Koeman bouffer son képi et lui caler le brassard de capitaine sur le biceps chez les Saints. Voilà où en est maintenant José Fonte, entre la lumière de l’Angleterre et le silence d’un pays natal qui ne le connaît finalement que très peu, trop pressé de s’amouracher des paris sud-américains du championnat portugais. Sauf que Fernando Santos est un homme de conviction, qui ne jure que par le travail et la solidité. Il regarde le tableau, voit Carvalho tirer la patte, Bruno Alves se perdre dans sa concentration alternative et l’heure de Fonte arriver. C’est pour ça que le sélectionneur portugais a emmené en France l’un des défenseurs qui remportent le plus de duels en Premier League (68% de moyenne cette saison). Et pour ça aussi qu’il a décidé de le lancer dans le grand bain une fois le premier tour passé.
« Un rêve devenu réalité » , selon Fonte qui devrait s’aligner aux côtés de Pepe en finale d’un championnat d’Europe où personne n’avait prédit la performance portugaise. Il s’expliquait cette semaine en conférence de presse : « J’ai dû travailler dur pour progresser, j’ai joué dans différents clubs, souvent sous forme de prêt, et dans différents championnats. Arriver en Premier League était la meilleure chose qui pouvait m’arriver. J’y ai progressé en tant que joueur, mais aussi en tant qu’homme. J’ai eu la chance de réaliser mon plus grand rêve : revêtir le maillot du Portugal. » On se croirait dans la vie de Morgan Schneiderlin, son ancien coéquipier à Southampton et devenu lui aussi international sur le tard. Comme si certaines personnes étaient destinées à ne vivre leurs rêves qu’une fois passée la trentaine. Comme si Fonte se devait une ultime revanche. Saint-Denis est un bel endroit pour retourner définitivement le cours de sa vie.
Par Maxime Brigand