- CAN 2019
- Gr. E
- Mauritanie-Angola
Souleymane Anne : « En gros, il y avait Zidane, Platini et Martins »
Amateur du côté d'Aurillac et international avec la Mauritanie, Souleymane Anne est aussi un buteur jeune et prolifique qui compte bien se faire une place au soleil. Surtout lors de cette Coupe d'Afrique des nations, qui commence ce lundi contre le Mali pour son pays. Rencontre avec un homme qui n'a pas le temps, du Cantal à la CAN.
Pour ta première saison à Aurillac-Arpajon, tu bats le record du club avec 24 buts en 26 matchs toutes compétitions confondues, dont 19 en championnat. Ce qui fait de toi le meilleur buteur de la poule Auvergne-Rhône-Alpes en National 3, le tout à 21 ans. Quel parcours pour en arriver là ?J’ai commencé en U19 à la SMOC, à Saint-Jean-de-Bray, avant d’être surclassé en Seniors DH pour la deuxième partie de saison et de terminer à 37 buts. De là, je suis parti à Saran, toujours en DH. Le coach était Yann Lachuer, j’ai fait une grosse saison avec lui : 28 buts.
C’est régulier, hein ! Ensuite, je suis parti à Fréjus en CFA pour un petit passage qui n’a pas trop marché. Alors, je suis allé à Angoulême en National 3. Là, j’ai mis dix buts en 18 matchs. Et je me suis retrouvé à Aurillac.
Ce qui fait cinq clubs en quatre saisons, donc. Pourquoi bouger aussi régulièrement ?La SMOC et Saran, c’est dans la région d’Orléans. J’étais encore chez mes parents. Quand je suis parti à Fréjus, j’ai arrêté les études pour me consacrer au foot. J’avais besoin de confirmer que je pouvais me faire tout seul, en sortant du cocon familial. Mais le coach qui m’avait appelé a démissionné, son adjoint a repris et ne m’a pas laissé ma chance. J’avais besoin de me montrer, de jouer, donc je suis vite parti à Angoulême. Au bout d’une saison, le coach me dit que le club veut plus d’expérience pour monter plus vite en CFA, qu’ils ne vont pas me garder. Là, le coach d’Aurillac a appelé mon agent. J’y suis allé.
Et tu n’es jamais passé par un centre de formation ?Non, parce qu’aucun club n’est venu me demander en jeunes. Je n’ai juste jamais fait de test. Peut-être que si j’avais fait un centre de formation, j’aurais eu encore plus de qualités. Je n’en sais rien. Après, quand des clubs me sollicitent, ils disent : « Oui, mais il n’a pas fait de centre. » Et ça freine un peu.
C’est un critère recherché par la plupart des clubs parce que sinon, tu es un produit brut, tu n’as pas été formé comme les autres. Mais franchement, il y a des joueurs avec moi à Aurillac qui sont passés en centre de formation, je n’ai pas trouvé qu’ils avaient quelque chose en plus. En tout cas, personnellement, je ne le ressens pas.
Depuis mars, tu as une nouvelle ligne sur ton CV avec ta première sélection en Mauritanie. Nouakchott, ça doit changer du Loiret, de la Charente ou du Cantal…Ouais. Surtout le Cantal, c’est la campagne là-bas ! Orléans est une grosse ville, Angoulême n’est pas loin de Bordeaux, ça bouge. Mais le Cantal ! Quand je suis arrivé, j’ai vu des montagnes, des troupeaux de vaches de partout, des moutons… Je me suis dit : « Mais où je vais ? » Après, j’ai vu qu’Aurillac n’est pas vraiment un village. Ça ressemble plutôt à Clermont-Ferrand, en plus petit. Et puis tu t’habitues, tu n’es plus surpris de voir des vaches. Au début, j’entendais un mouton crier à l’entraînement, je me demandais ce que c’était ! (Rires.)
Tu es né à Orléans, tu joues à Aurillac… Comment en es-tu arrivé à jouer pour la Mauritanie ?En fait, mon agent a parlé de moi au sélectionneur Corentin Martins. Il lui a répondu que des joueurs étaient prioritaires. Logique : ils ont participé à la première qualification pour la CAN. Mais à partir de janvier, quelqu’un de la Fédération est venu me superviser à chaque match sans que je le sache. Et puis, lors d’un match contre Moulins, le sélectionneur s’est déplacé lui-même. Je ne savais toujours pas ! Malheureusement, je me blesse à la soixantième.
Mais j’avais fait un gros début de match : but, passe dé’… Bon match. Et quand je suis monté en haut pour manger la collation, tout le monde en parlait. Ils étaient impressionnés d’avoir vu Corentin Martins. Deux semaines après, il m’appelle, me dit qu’il va m’inviter pour la prochaine sélection. Et voilà, j’y suis allé.
Quel est ton lien avec le pays ?Mes deux parents sont nés en Mauritanie, et je suis allé dans leur village d’enfance en 2010. En fait, je suis mauritanien-sénégalais, je suis allé au Sénégal aussi. J’aurais pu choisir la France, le Sénégal ou la Mauritanie. Mais le Sénégal, il faut avoir un autre niveau et jouer à Liverpool pour y aller. Mon concurrent direct, c’est Sadio Mané ! Il n’y a que la Mauritanie qui s’est intéressée à moi. Et quand un de tes pays t’appelle, tu ne réfléchis pas, tu y vas directement. Et ça rapproche, parce que tu joues pour représenter tout un peuple. Donc ça te tient à cœur, tu t’intéresses encore plus au pays.
Comment s’est passée la première convocation ?Ça va, bien. Les deux premiers jours, je suis resté avec un joueur d’Orléans, Abdoulkader Thiam. On jouait ensemble quand on était jeunes. Après, j’ai commencé à parler avec plus de monde, à me sentir mieux et je démarre titulaire contre le Ghana. Là, c’est un sentiment bizarre, entre la peur et la joie. L’équipe nationale, c’est quelque chose. Mais on joue contre le Ghana, contre des mecs de l’Atlético qui jouent la Ligue des champions…
J’ai ressenti direct la différence de niveau ! Déjà, il faisait chaud, et puis ça allait super vite. J’ai rapidement compris que j’allais devoir élever mon niveau de jeu. Franchement, les quinze premières minutes, c’était chaud. Finalement, je n’ai fait qu’une mi-temps. Mais ça va, j’étais satisfait. Je n’ai pas perdu de ballon, j’ai défendu, j’ai fait mon boulot. Il manquait juste le but.
Tu connaissais Corentin Martins ? Quel jeu demande-t-il ?Franchement, avant la sélection, je ne savais pas qui c’était. Je me suis renseigné, on m’a dit qu’en gros, il y avait Zidane, Platini et lui. Moi, je n’arrivais pas à tilter. Vraiment, à ce point-là ? Après, j’ai regardé. Il a fait ci, il a fait ça… Ah ouais ok, c’est quelqu’un. Et il a de beaux restes ! S’il veut mettre une lucarne, il la met ! (Rires.) Son ancien poste se ressent dans sa tactique, c’est vraiment tout pour l’attaque. Normalement, on se fait plaisir à regarder jouer la Mauritanie.
Quel objectif pour les Mourabitounes, à la CAN ?Passer le premier tour, c’est le gros objectif. C’est la première fois de l’histoire que la Mauritanie joue la CAN, c’est une surprise, donc on va essayer de jouer sur ça. Les autres équipes pensent que la Mauritanie, c’est bon, c’est facile ? Non, non, ça ne va pas être comme ça, on va tout faire pour gagner les matchs !
De qui t’inspires-tu ?Ronaldo. C’était vraiment le mec que je surkiffais. Je regarde toujours des vidéos de lui, des fois j’essaie de refaire ses gestes, mais c’est chaud ! (Rires.) Et aujourd’hui, Kanté. Parce que j’aime vraiment comment il a évolué dans sa carrière. Avec la patience et un peu de chance, tout est accessible.
Ça me parle en matière de parcours, de modestie. Le mec ne rechigne jamais, toujours souriant. Il joue toujours, tout le monde l’aime, c’est qu’il y a une raison !
Et le club de tes rêves ?Je ne vais pas te dire le PSG, parce que c’était n’importe quoi cette saison. Non, mon club de cœur, c’est vraiment le Real.
Il ne va pas falloir tarder, parce que si Mbappé finit par y aller, il risque d’être compliqué à déloger…
Ah oui, il faut cravacher, mais on y croit toujours. Il faut viser haut !
C’est important d’avoir un gros caractère, pour jouer à ton poste ?Ah oui, si tu es numéro 9 et que tu n’as pas le mental, ça ne sert à rien. Je n’ai jamais vu un numéro 9 sans ça, ça n’existe pas. Sinon, tu changes de poste ou tu arrêtes le foot.
Propos recueillis par Eric Carpentier