- France
- RC Lens
Sotoca : « Je fais mon fractionné dans le jardin »
Meilleur buteur du RC Lens depuis le début de la saison 2019-2020, Florian Sotoca souhaite offrir aux Sang et Or une montée en Ligue 1 attendue depuis cinq ans. Malgré un confinement venu perturber la fin du championnat, le numéro 7 prend son mal en patience et ne fait pas le fanfaron : « Il ne faut prendre aucun risque avec la santé. »
Salut Florian ! Comment est-ce que tu passes ce confinement ? Je suis dans un village près de Lens, où j’ai emménagé depuis le début de saison. Après un mois, ça se passe bien. Au départ, il y avait une petite appréhension, c’est bizarre de se dire qu’on va rester tout le temps dans la maison.
Avec moi, j’ai ma femme et deux enfants. L’un a trois ans, l’autre un an et demi… On se demandait comment ils allaient se comporter, et ils sont adorables. Le temps passe plus vite avec eux ! Cette situation va encore continuer pendant un bon moment. À mon échelle, je participe à la vie du club : cette semaine, j’ai offert un maillot pour une vente aux enchères solidaire organisée par Lens United afin d’aider l’hôpital de Lens-Béthune et l’institut Pasteur. J’ai aussi participé à un live Instagram avec Cyril Jamet, notre speaker officiel. C’était une initiative très sympa pour permettre à nos supporters de me connaître plus profondément. Pour un gars originaire de Narbonne, tu as l’air bien acclimaté au nord… Comment tu expliques ce choix d’être resté sur place ?C’est vrai que j’aurais pu descendre pour passer cette période compliquée en famille, j’y ai pensé. Mais après réflexion, nous avons pris la décision de garder notre vie ici parce qu’on s’y sent bien. Nous avons une maison avec un jardin, c’est agréable en ce moment avec le beau temps, on peut se faire quelques barbecues… C’est la campagne, il y a du calme. Et puis plus globalement, mon intégration s’est vraiment bien passée. Il y a un côté chaleureux dans cette région. Et même à titre professionnel, je préfère rester proche de Lens pour reprendre l’entraînement quand ce sera possible.
On se doute que pour l’attaquant d’un club comme le RC Lens, ça doit faire un sacré changement de ne plus être en lien permanent avec le public… Qu’est-ce que tu trouves le plus difficile dans ce confinement ?Si tu aimes le football et que tu signes à Lens, tu viens pour vibrer. Lors de notre dernier match (victoire 1-0 contre Orléans, premier huis clos de l’histoire du club, N.D.L.R.), le contexte était très compliqué, mais nous nous sommes concentrés sur l’essentiel et nous avons réussi à nous adapter. Au-delà du public de Bollaert, je reconnais que le terrain, le ballon et le vestiaire me manquent. Du jour au lendemain, tu passes d’une vie de footballeur à rester chez toi, où l’activité est limitée. Maintenant, j’arrive à garder la forme grâce au programme hebdomadaire individualisé des préparateurs physiques à base de course et de musculation. Pour la course, je peux faire mon fractionné dans le jardin et si je veux courir sur une longue distance, je reste dans mon périmètre d’un kilomètre autour de chez moi. Cela se passait bien sur les deux ou trois premières semaines, mais c’est vrai que plus le temps passe, plus le corps perd l’habitude de l’effort avec ballon. C’est délicat à gérer, car nous devons nous préparer à une situation encore inconnue. Garder la tête au football n’est pas une chose facile, ton coéquipier Yannick Cahuzac a récemment déclaré que cette période était délicate à vivre sur le plan familial… Comment est-ce que tu réagis à ces déclarations en tant que partenaire ? Nous avons un contact très régulier entre coéquipiers, que ce soit sur WhatsApp ou ailleurs. Avec Yannick, j’ai pris le temps d’en parler par téléphone pour rester solidaire. La vérité, c’est que nous sommes tous dans le même bateau, que ce soit les riches, les pauvres, les croyants, les athées… Avant tout, nous sommes des hommes. Avant de devenir footballeur professionnel, j’étais embauché dans l’entreprise de mon oncle qui revendait des chaussures en tant que grossiste. Aujourd’hui, je sais que des gens sont bien plus peinés que nous dans la vie active. Ces moments-là ne sont pas faciles, mais il faut vivre avec et s’adapter. Si nous faisons attention tous ensemble, les jours meilleurs arriveront vite. Tant que nous gardons la santé, cela permet de positiver.
Aux dernières nouvelles, le ministère des Sports tablait sur une reprise du championnat à partir de la mi-juin au mieux avec des rencontres tous les trois jours… Qu’est-ce que cela t’inspire ?Déjà, et je pense qu’une bonne partie de mes coéquipiers sera d’accord là-dessus, une reprise aussi rapide du football me paraît très compliqué dans la pratique avec tout ce qu’il peut se passer dans le pays actuellement.
Parler de reprendre le championnat à court terme, c’est manquer de respect à tous ceux qui travaillent contre la propagation de ce virus. Les restaurants, les hôtels sont encore fermés. Même en juillet, je ne vois pas bien comment cela pourrait reprendre. Après, ce seront les instances supérieures qui décideront de cela et selon leur choix, nous nous adapterons. Cependant, il ne faut pas oublier que nous avons également nos familles à protéger et qu’il faut nous prendre en considération.
Un joueur de Ligue 2 qui reprend l’entraînement collectif depuis deux semaines est-il capable d’assumer un rythme de footballeur de très haut niveau avec des rencontres aussi rapprochées ?C’est clair qu’avec trois mois sans match entre mars et juin, le risque de blessure sera plus élevé. Une préparation physique normale doit durer entre trois et quatre semaines… Et avoir la condition physique d’un Cristiano Ronaldo, c’est un autre monde ! Au cas où il est décidé de jouer les matchs manquants, je ne suis pas sûr que l’on puisse se permettre de préparation adéquate. Pour le football amateur, j’ai vu que la saison était terminée avec un mécanisme de montées et descentes. C’est sans doute la moins pire des solutions. Le monde professionnel prend en compte d’autres facteurs… Mais là-dessus, nous sommes acteurs et nous avons aussi notre mot à dire.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix