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Sonile Moriot : coach amateur, jardinier du Paris FC et espion
Le jardinier du Paris FC profite de cette activité pour s'inspirer des séances de Fabien Mercadal. Et cet homme-là, coach de Fontenay-sous-Bois (D9), n'est pas n'importe qui. Il est le demi-frère du grand Noé Pamarot.
Chaque dimanche, Sonile Moriot dirige d’une main de fer les joueurs de l’US Fontenay-sous-Bois, club pensionnaire de Régional 4, l’équivalent du neuvième échelon national. C’est en revanche d’une main verte que cet agent de maîtrise, responsable des terrains d’entraînement du Paris FC, coordonne la semaine son équipe de cinq hommes. À 46 ans, celui qui est aussi le demi-frère de Noé Pamarot nous dépeint son quotidien peu commun, une dimension parallèle entre monde pro et amateur.
Être le jardinier d’une équipe pro, c’est le meilleur des centres de formation pour un coach amateur ?C’est vrai qu’indépendamment de mon petit passé de joueur de DH, je n’ai pas de diplôme d’entraîneur. Depuis bientôt quatre ans que le Paris FC s’entraîne au Parc des sports de Choisy, j’ai eu la chance de voir défiler cinq entraîneurs, soit cinq manières de travailler totalement différentes (Christophe Taine, Denis Renaud, Jean-Luc Vasseur, Réginald Ray et Fabien Mercadal, ndlr). Mis à part un qui était assez introverti, j’ai pu discuter avec tous les coachs sur leur façon de travailler et leur approche du métier. Lorsque je rencontre des difficultés avec mon équipe, ils sont les premiers à me souffler des solutions.
Pour assister aux séances, tu te la joues petite souris au bord du terrain ?C’est un peu ça… Le matin, je fais mon travail, puis quand j’ai un peu le temps, je m’arrête. J’essaie de ne pas les déranger. Je prends des notes, je regarde et je retiens ce qui m’intéresse. Quand ils ont fini, je leur demande sur quoi ils ont travaillé et dans quel but.
Et le soir venu, tu copies-colles la séance des pros sur celle de tes joueurs ?Je m’inspire des séances que j’aime bien, mais je ne prends pas tout. Je suis aussi obligé d’adapter les entraînements chez moi, car il y a des exercices que mes joueurs ne pourront jamais reproduire.
Quelles différences y a-t-il entre l’entraînement d’une équipe pro et amateur ?Déjà, il y a le travail : les joueurs sont tous présents et à l’heure. Quand ils préparent une séance pour 20 personnes, il y a 20 personnes. Nous en amateur, tu fais une séance pour 20, tu te retrouves avec 17 joueurs. Il faut toujours composer. Après, techniquement, c’est vraiment au-dessus. Chez nous, il y a énormément de déchet sur les exercices et les situations. Enfin, au niveau de l’intensité dans le jeu, c’est maximum trois touches de balle chez les pros. On sent bien que c’est leur travail, tout simplement.
Quel type de coach est Fabien Mercadal ? C’est un entraîneur atypique dans le sens où c’est un bosseur. Il arrive le matin à 7 heures et s’en va le soir vers 17h-18h, parfois même après moi. Il travaille beaucoup sur la vidéo et l’analyse de l’équipe adverse. Il a aussi une énorme relation avec ses joueurs.
Quels rapports entretiens-tu avec lui ?On parle tous les matins. On communique énormément étant donné que je suis en charge des deux terrains en herbe et du synthétique. On a à la fois une relation de travail et une plus amicale. J’apprécie car il dissocie bien les deux. Il y a des moments où il n’est pas satisfait et il me le fait savoir.
Et comment expliques-tu ce qu’il est en train de réaliser avec son équipe, actuellement 4e de Ligue 2 ? Il n’y a pas de logique dans le football : avec une équipe qui était censée faire sa saison en National 1, il fait des merveilles en Ligue 2. Le tout avec beaucoup de joueurs franciliens provenant des niveaux inférieurs. Une grande partie de cette réussite provient du fait que ses joueurs s’identifient à sa façon de travailler. C’est toujours difficile de dire si un coach est bon ou mauvais, c’est surtout par rapport au groupe, mais lui on peut dire qu’il est bon.
Son approche est-elle si différente de celles de ses prédécesseurs ? C’est sûr que ce n’est pas un Réginald Ray, qui lui en imposait par sa présence au bord du terrain. Fabien est beaucoup plus proche de ses joueurs. Son groupe le suit et ira partout avec lui. Il est très humain. C’est quelque chose qu’on retrouve aussi dans sa relation avec le public. Fabien Mercadal est un coach professionnel très proche de l’esprit du football amateur.
As-tu déjà soufflé le nom de l’un de tes joueurs à un coach du PFC ?C’est plutôt l’inverse ! Cette saison, lors d’un amical entre Fontenay et la réserve du PFC, mon attaquant Mamadou Soukouna a énormément plu à Fabien Mercadal. C’est vrai qu’il est très largement au-dessus du niveau auquel on joue actuellement (il est le meilleur buteur de son championnat, ndlr). Le lendemain matin qui a suivi le match, Fabien m’a lâché : « Je pense qu’il peut s’imposer dans mon groupe. »
Et comment as-tu réussi à garder ta pépite ? J’ai expliqué à Fabien que j’avais un championnat à jouer avec un objectif de montée,
mais surtout que le monde pro lui demanderait trop d’exigences. Mon joueur a 31 ans, il a des obligations : un travail, une famille… À son âge, c’est un peu compliqué de se lancer comme ça. Mais souvent, il prend de ses nouvelles pour savoir s’il plante et comment il va.
Les connexions entre le monde pro et amateur sont plus nombreuses qu’on ne le pense ? C’est ce que je dis constamment à mes joueurs. Oui on est amateurs, mais si on veut progresser, on est obligé de copier ce qu’il se fait au-dessus. À Fontenay, on n’a pas d’argent pour intéresser des joueurs, alors on est obligé de mettre en place certaines choses. Que ce soit des entraînements diversifiés, des matchs amicaux contre la réserve du PFC, ou bien des vestiaires permanents que j’ai fait installer pour qu’il n’y ait plus de retards. On doit apporter ces petits plus pour concerner les joueurs.
Au fait, tu as des nouvelles de Noé Pamarot (38 ans), ton demi-frère ? Noé ne joue plus, mais il gère
sa propre clinique de réhabilitation pour sportifs « Hekka Fisioterapia » , à Alicante. Il est aussi à l’origine de la création du club InPro Sports CF, dont il est l’entraîneur de l’équipe féminine, et passe en parallèle ses diplômes d’entraîneur et de management. Il a été approché par deux clubs pour revenir au niveau pro, mais pour l’instant, il n’a pas donné suite…
Propos recueillis par Julien Guibet