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Solskjær, une autre brique dans le mur
Vainqueur de son troisième derby de la saison dimanche, Ole Gunnar Solskjær traverse également la deuxième meilleure série de son mandat sur le banc de Manchester United et probablement la plus importante. Grâce à l'arrivée de Bruno Fernandes, le Norvégien a enfin réussi à retaper l'entrejeu des Red Devils. Et tient un esprit, enfin.
La rumeur courait depuis quelques semaines. « Il est de retour » , murmuraient-ils, tout en gardant les précautions d’usage : celles des gens habitués à retomber aussi vite qu’ils grimpent. Le grand test se profilait – un derby de Manchester, le 182e de l’histoire, le troisième de la saison en cours – et c’est à lui qu’il fallait se fier, et à personne d’autre, pour juger de la réelle évolution d’un collectif qui restait sur neuf matchs sans défaite toutes compétitions confondues (six victoires, trois nuls). Puis, on a vu. On a vu Old Trafford s’allumer comme rarement ces dernières années, un scénario électrique se mettre en branle et la petite troupe s’unir pour faire naître un indispensable de la performance au haut niveau : la force collective.
« Je pense que c’est pour ça que les supporters aiment ce groupe, a soufflé après coup Ole Gunnar Solskjær. Leur engagement, leur envie… Les gars travaillent, sont humbles, ils ont de l’humilité et savent qu’il faut donner énormément. La connexion est là, elle est visible. » Et mathématiquement palpable : Manchester United n’a plus perdu depuis le 22 janvier dernier, date d’une défaite face à Burnley (0-2), terrible à double titre. Ce soir-là, à Old Trafford, les fidèles de la Sir Matt Busby Way s’étaient tirés de l’enceinte à un quart d’heure de la fin – une rareté -, et une partie d’entre eux avaient même allumé le vice-président du club, Ed Woodward. Les Red Devils venaient alors de gober leur huitième défaite de la saison en Premier League et, sept jours plus tard, une poignée de fans s’en allaient mettre le feu à la terrasse de Woodward. Un peu plus d’un mois plus tard, il n’y a plus d’insultes, moins de haine, et Solskjær tient surtout une confirmation entre les doigts : quelque chose se passe.
United spirit
Ce matin, évidemment, ce quelque chose a d’abord un nom et un secteur de jeu : avec Bruno Fernandes, Manchester United, débarqué dimanche en 3-4-1-2, a retapé son milieu de terrain et ne perd plus. Mieux, le Portugais semble avoir permis la résurgence d’un esprit – le fameux United spirit – au milieu d’un effectif qui en manquait cruellement depuis un paquet d’années. Dimanche, face à City, c’est encore lui qui a tout déclenché : les circuits de passe, l’ouverture du score d’Anthony Martial, la bascule du rapport de force alors que les hommes de Pep Guardiola avaient parfaitement attaqué la rencontre, avalant notamment United grâce à un contre-pressing énorme et à un Gündoğan qu’on pensait en fusion. Puis, peu avant la demi-heure de jeu, Harry Maguire a demandé à ses potes de se calmer, de moins se précipiter afin d’enfin conserver le ballon plus de sept secondes (MU affichait alors à cet instant 28,2% de possession de balle).
Il fallait pour ça réussir à installer une liaison vue au quart d’heure de jeu, lorsque Fred a réussi à trouver Bruno Fernandes, ce qui a débouché sur une belle opportunité pour Daniel James. Une fois que le milieu de City serait ouvert, Manchester United aurait des opportunités et c’est ce qu’il s’est passé : après l’intervention de Maguire, les Red Devils ont soudainement mieux quadrillé le rectangle, davantage trouvé le jeune Brandon Williams et ont fait grimper d’un cran leur ligne de pressing grâce notamment à un Luke Shaw enfin entré dans son match après une perte de balle dangereuse devant Agüero. Là, Bruno Fernandes a obtenu un coup franc dans les pieds de Gündoğan et l’a ensuite transformé en merveille pour l’ouverture du score d’Anthony Martial (sur qui défendait Sergio Agüero, étrange). Brillant.
Le reboot avance
C’est ce qu’est clairement Fernandes : un joueur brillant, cher (60 millions d’euros) et talentueux, qui semble être, cette fois, le pion exact qui manquait au Manchester United de Solskjær pour franchir un cap dans son évolution. Ce derby était pour lui une mise à nu, et le Portugais n’a pas eu peur, au contraire. Plus encore, Bruno Fernandes, un type capable d’exécuter n’importe qui, quel que soit le bordel autour de lui, semble avoir libéré certains joueurs grâce notamment à son investissement maximal au pressing : Fred n’a jamais été aussi heureux sur un terrain de foot anglais, Matić retrouve des cannes, Shaw a probablement sorti son meilleur match depuis très longtemps avec Manchester United, Wan-Bissaka a excellé face à Raheem Sterling… Alors oui, en seconde période, les Red Devils ont davantage souffert et cela s’explique notamment par le fait que Guardiola a réussi à interrompre de nouveau la connexion Fred-Fernandes. City a de nouveau pris le contrôle des affaires, réussi à fermer les transitions de son rival (64% de passes réussies au cours du second acte), mais ne s’est que trop rarement montré dangereux pour inquiéter David de Gea. Et, dans les dernières foulées de la rencontre, sur une énième erreur d’Ederson, fautif sur le premier but, auteur de plusieurs relances foireuses et d’un contrôle savon devant Anthony Martial en début de seconde période, Scott McTominay est venu boucler froidement ce derby et étirer la série de Manchester United à dix matchs consécutifs sans défaite : la deuxième meilleure série de l’ère Solskjær.
Il y a quelques semaines, le Norvégien était à la barre d’une équipe cinquième de Premier League, errant dans le vide et embourbée dans les querelles entre les supporters et la direction (cf. SO FOOT #174). Aujourd’hui, grâce à l’arrivée de Fernandes et à un projet de jeu défini où MU semble enfin danser sans complexe, la bande du Scandinave n’a pas bougé au classement, mais n’est plus qu’à trois points de Chelsea, quatrième. Bien sûr, il faudra plus d’une recrue pour que cette équipe se mêle de nouveau à la course au titre – un défenseur central et un ailier droit sont notamment attendus -, mais le reboot entamé par Solskjær en décembre 2018 avance. Et il avance bien. Ce n’est plus une rumeur.
Par Maxime Brigand