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Soldado veut voir la vie en jaune
Rien ne vaut un bon retour à la maison. Après un passage de deux saisons en Premier League où il aura davantage souffert que marqué des pions, Roberto Soldado renaît de ses cendres depuis son arrivée à Villarreal. Focus sur un homme à la joie retrouvée.
31 minutes. C’est le temps qu’il aura fallu à Roberto Soldado pour planter un pion avec ses nouvelles couleurs jaunes de Villarreal. Un pion inscrit sur la pelouse du Betis Séville, pour un nul 1-1. Cinq jours plus tard, rebelote. Soldado marque à nouveau, ce coup-ci contre l’Espanyol, et offre deux passes décisives, avec un succès 3-1 à la clef. Un retour de rêve en Liga pour celui qui avait quitté l’Espagne il y a deux ans, à l’été 2013. Deux années de galère en Angleterre, à Tottenham, où il ne s’est jamais imposé, et le voilà de retour (pour 15 millions d’euros) dans le pays qui l’a vu éclore, et où il s’était rapidement imposé comme l’une des valeurs sûres du championnat et du football espagnol.
Un tour en banlieue
Formé à la Fabrica du Real Madrid, Soldado est très vite considéré comme un futur grand espoir. C’est son père, Toni, qui le pousse à être attaquant. Pourquoi ? Parce que « c’est à cet endroit que se trouve l’argent » . On ne peut plus clair. À 17 ans, après avoir fait ses gammes avec la Castilla du Real, Roberto est intégré au groupe pro du Real et les dirigeants placent de grands espoirs en lui. Mais le joueur va quelque peu dévier de sa trajectoire à cause… d’une colocation qui tourne mal. « Je voulais vivre seul, mais je n’étais pas prêt à l’indépendance, confesse-t-il dans une interview au Pais en 2012. J’ai emménagé dans un appartement avec mon coéquipier Diego León, mais j’avais la tête à tout sauf au football. J’étais jeune, avec du fric, et tous les deux jours, je sortais faire la fête. » Du coup, à l’été 2006, il est envoyé en prêt à Osasuna, où il plante ses premiers pions. 11 buts en 30 matchs, suffisant pour convaincre le Real Madrid de le reprendre.
Nous sommes alors en juillet 2007. Ronaldo, dont Soldado est un véritable fan ( « C’était mon idole depuis son époque du Barça, personne ne pouvait l’égaler » , disait-il à propos du Brésilien) quitte le Real après cinq années pour le Milan AC, et les Madrilènes ont besoin de forces fraîches en attaque. Mais l’illusion Soldado va vite s’estomper. Il ne dispute que cinq matchs en une saison. Clairement, il n’est pas prêt pour une institution comme le Real. Pour continuer d’apprendre, il va devoir trouver le chemin des filets à Getafe, dans la banlieue madrilène.
Le goût des belles choses
Voilà donc Soldado sur le front de l’attaque de Getafe pour la saison 2008/09. La saison où le joueur va véritablement commencer à exploser. « Offensivement, c’est un joueur qui jouait la carotte avec le défenseur pour se faire oublier, se souvient Franck Signorino, joueur de Getafe de 2007 à 2010. Avec ses appels à la limite du hors-jeu et sa vitesse d’exécution devant le but, c’était une vraie gâchette. Je le sentais toujours dans le bon tempo, très tonique sur 3 ou 4 mètres. Il sélectionnait bien ses efforts, il savait quand tout donner. » D’un point de vue statistiques, son année à Getafe est excellente. 34 matchs, 13 buts, honorable pour un joueur de 23 ans. La deuxième est encore meilleure : 16 caramels en 26 apparitions. Seul problème, Soldado continue d’avoir une vie nocturne plutôt agitée.
« Il avait fait sa formation à Madrid, donc il connaissait forcément beaucoup de monde dans la capitale, notamment la jet-set madrilène. Il aimait la fête, c’est vrai, il aimait aussi les fringues de luxe type Dolce & Gabbana… » raconte Signorino. Et quand il n’est ni sur un terrain de foot, ni en boîte de nuit, le joueur s’adonne à son autre passion : collectionner les bolides. Signorino, encore : « Il avait un garage pour mettre toutes ses voitures ensemble. Tous les jours, il venait avec une différente : Lamborghini jaune, Audi Q7 militaire, Aston Martin, tout était flambant neuf… Il devait avoir sa conciergerie personnelle. »
« Quand on croit en vous, la confiance revient »
L’histoire d’amour avec le Real n’est pas possible. Le train est passé. Soldado doit changer d’environnement pour franchir un cap. Il choisit donc le FC Valence, orphelin de David Villa. Un succès : il plantera 82 pions en trois saisons là-bas et devient une idole. Mais Vicente del Bosque l’ignore pour l’Euro 2012, alors que le joueur sort d’une saison à 27 buts toutes compétitions confondues. À un an du Mondial, il décide de quitter l’Espagne et de rejoindre Tottenham. Un flop total. « En Angleterre, le jeu est très direct, tu as de l’intensité dans les contacts et dans la vitesse, analyse Signorino. En Espagne, on privilégie la technique, le toucher de balle et on utilise très peu la profondeur. Les attaquants vont faire des appels courts, pour décrocher et l’avoir rapidement dans les pieds… Et à la différence de Manchester City ou Arsenal, Tottenham est une équipe souvent en déficit de possession de balle. Pour un buteur comme Soldado, tu te sens vite esseulé dans ces cas-là. Du coup, tu dois multiplier les efforts et allonger tes appels, là où Soldado n’est pas très à l’aise. L’impact physique et la répétition des efforts, ça ne lui correspondait pas. »
Pas de Mondial 2014 (tant mieux ?), pas de nouvelle dimension prise en Premier League. Après deux années moisies outre-Manche, Soldado regarde dans le rétro et se dit qu’à 30 ans, il n’a plus de temps à perdre. Il s’engage donc avec Villarreal. Un vrai bon choix, selon Signorino. « Il est en train de montrer qu’il n’a rien perdu de ses qualités. Il est de nouveau adulé par tout le public, ça change beaucoup de choses. Quand on croit en vous, la confiance revient. Et puis il retrouve aussi le soleil et les bonnes habitudes espagnoles. Parce que quand vous mangez à 18 heures d’un côté et que vous commencez l’apéro à 22 heures de l’autre, votre vie change totalement ! » Et a priori, Soldado est bel et bien un couche-tard.
Par Antoine Donnarieix