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Soldado, soldat de plomb
De retour au premier plan avec Villarreal, Soldado s’apprête à retrouver Valence, un club où il s’est éclaté grâce à sa grinta et son sens du but, lui l’ancien canterano du Real Madrid trop limité pour s’y imposer.
« J’ai eu la chance de venir à Villarreal et de tout reprendre de zéro. C’était ça dont j’avais besoin : jouer là où il n’y a pas autant de pression, où je pouvais travailler en paix, où les gens dans le vestiaire avaient les pieds sur terre avec l’envie de grandir ensemble. » Bien qu’entamée il n’y a que quelques mois, l’idylle entre Roberto Soldado et le Yellow Submarine concentre une dose d’amour fantasmagorique. Un constat qui prend d’autant plus d’épaisseur à la suite de ses deux années londoniennes, passées sous la guérite de White Hart Lane. Ce retour au premier plan s’explique autant par sa jovialité retrouvée que par un retour dans un club qui sied à son pied. C’est d’ailleurs une redite dans la carrière du natif de Valence : flamboyant lors de ses passages à Osasuna, Getafe, Valence ou Villarreal, il ne s’impose jamais dans un Real Madrid dont il est canterano, ni dans un Tottenham qui débourse pas moins de 30 millions d’euros sur sa carcasse. Car, aussi généreux que combatif, il n’en reste pas moins trop limité pour s’installer dans une grosse écurie. Comme il l’assume dans les colonnes du Guardian, « j’avais besoin de retrouver un cocon » .
Jeunesse dorée, argent facile et fiesta madrilène
L’émancipation parentale intervient au quinzième printemps de Roberto Soldado. Son paternel, Toni, ancien footballeur amateur au plus haut niveau régional, pousse son rejeton à voler de ses propres ailes. Une motivation qui s’explique par l’expérience personnelle de Soldado senior, comme il l’expose dans une conversation père-fils organisée par El Pais : « J’ai eu l’opportunité de partir à l’Alcoyano à mes 19 ans. Mon père m’a dit non, et c’était impossible de le faire changer d’avis. Quand l’opportunité s’est offerte à toi, ta mère ne voulait pas que tu partes à Madrid. Mais je l’ai convaincue, je ne voulais pas qu’un jour tu me le reproches. » De fait, repéré par Vicente del Bosque himself, il part pour la capitale et son club royal à l’aube du nouveau millénaire. Au Real Madrid, il découvre le haut niveau, mais aussi la solitude : « J’étais super content, mais quand je me retrouvais seul dans ma chambre, que je ne connaissais personne, c’était très dur. » Bien qu’au niveau sur les prés, et conservé dans toutes les catégories d’âge, Roberto Soldado ne se fait pas à la vie madrilène. Ou plutôt, un peu trop, c’est selon.
Une fois membre du Real Madrid Castilla, âgé de seulement 17 ans, il décide de quitter la résidence du centre de formation. « J’ai partagé un appartement avec Diego Leon, rembobine-t-il. Je me dédiais à tout, sauf au football. J’étais jeune, j’avais de l’argent, et tous les deux jours, je sortais faire la fête. Grâce à mes parents, j’ai pu me remettre dans le droit chemin. » Au fait de la situation bancale de son fiston, Toni Soldado se met au chômage technique et grimpe à la capitale pour habiter avec son fils. Les repères, ou le manque de repères, joueront des tours à Roberto tout au long de sa carrière. Car malgré des débuts avec l’équipe-fanion merengue en 2004, il ne compte que 27 apparitions lors de ses trois exercices en blanc – entrecoupés, lors de l’exercice 2006-07, par un prêt à Osasuna et une première cape avec la Roja. Si bien qu’à l’été 2008, la direction de la Casa Blanca le refourgue chez le voisin affilié de Getafe. Sans pression, car sans passion autour du Geta, il prend enfin son envol. Une éclosion chiffrée à 33 buts en deux saisons pour une moyenne d’un pion tous les deux matchs qui le place parmi les meilleures pointes d’Espagne.
« Une petite ville où les supporters sont discrets »
Les performances d’El Guerrillero – surnom à mi-chemin entre son patronyme et ses qualités de joueur – tape dans l’œil de Valence qui en fait le remplaçant de David Villa, parti en ce même été 2010 pour Barcelone. L’aventure ché est une réussite : second capitaine de l’effectif, il en forme également le meilleur buteur. Fidèle à sa réputation d’une banderille toutes les 180 minutes, il franchit la Manche trois ans plus tard. Direction Tottenham et une galère longue de deux ans : « Je pense que je n’ai pas réussi à cause de ma tête. Je ne sais pas pour quelle raison, mais je n’étais pas dedans. C’était peut-être à cause du prix de mon transfert (30 millions, ndlr), peut-être car je m’étais mis trop de pression. Je ratais tout, même les actions les plus faciles. » Trop haute, la marche de Real et Tottenham, clubs à pression, se révèle infranchissable pour Soldado, qui décide de retrouver la terre de ses ancêtres. Non loin de Valence, à Villarreal, il goûte de nouveau aux joies de la simplicité. « Sans doute car c’est une petite ville où les supporters sont discrets » , avance-t-il en guise d’explication. Pour sûr, dans l’ombre – de Bakambu -, Soldado se retrouve.
Par Robin Delorme