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Sofiane Diop, fixation béton
Placé en réserve durant l'été après un prêt important à Sochaux, Sofiane Diop a su convaincre Niko Kovač de lui filer un tabouret et est devenu en quelques mois un boulon essentiel du système du technicien monégasque. Voilà comment.
Premier exploit : lâché au milieu de l’été au cœur d’un effectif rempli à ras bord et avec une étiquette « lofteur » accrochée sur les deux chevilles, un petit format de cent soixante-quinze centimètres a réussi à s’extirper de la mêlée pour trouver une chaise dans l’effectif pro de l’AS Monaco. L’affaire n’avait pourtant rien d’évident. En juillet, Sofiane Diop s’entraînait alors avec la réserve du club princier et revenait d’un prêt tout sauf lisse à Sochaux, en Ligue 2. Explications d’Omar Daf, son entraîneur dans le Doubs : « Avant qu’il arrive au club, je l’avais vu jouer quelques matchs avec Thierry Henry, et ce qui me plaisait, c’était sa capacité à percuter, à éliminer dans un mouchoir de poche, à donner des dernières passes, mais aussi sa polyvalence. Il était déjà capable de jouer dans un milieu à trois, en soutien d’un attaquant ou sur un côté. La Ligue 2 est un championnat complexe, mais j’avais la conviction qu’il en sortirait grandi. Il a commencé par sortir des bons matchs, mais quand l’automne est arrivé, avec les terrains difficiles, les duels âpres… Ça s’est compliqué. J’ai été dur avec lui. Je l’ai même envoyé un temps en réserve parce que je voulais qu’il comprenne, qu’il évolue. Quand je lui demandais où il voulait jouer, il me répondait : « Partout, coach. » Il fallait le canaliser. » Puisque passer d’une titularisation face à Dortmund en Ligue des champions à une autre un vendredi soir au stade Pierre-Brisson de Chambly n’a rien d’évident, surtout lorsqu’on est à peine majeur, Diop avance chez les Lionceaux avec un désir simple : être au départ et à la conclusion des mouvements. « Il aime tellement le jeu qu’il voulait toujours toucher le ballon, enchaîne Daf. Un jour, je l’ai donc reçu dans mon bureau et on a discuté pendant un long moment. Je lui ai dit : « Sofiane, à la fin du match, tu vas toucher cinquante ballons, mais pourquoi ? » Et je lui ai expliqué que je préférais qu’il favorise l’efficacité, qu’il n’en touche que dix, mais dix dans les zones optimales pour ses qualités. C’est ce qu’il a progressivement fait quand on l’a mis en soutien d’Abdoulaye Sané, en 10, avant que la Covid n’interrompe sa très bonne forme de février où il était sur une série de 2-3 matchs très aboutis. C’est là où tu peux voir sa maturité et son intelligence : il écoute, il veut apprendre, il questionne… » Et trouve toujours une porte de sortie : avec Sofiane Diop, cette histoire se répète depuis le premier jour.
Gratteur et danger permanent
Deuxième exploit : à chaque fois que le natif de Tours touche le ballon, il se passe quelque chose de différent. Avec Diop, tout va plus vite, que ce soit les gestes ou les idées, et c’est justement ce qui a rapidement tapé dans l’œil de Niko Kovač. « Après avoir assisté à deux entraînements, j’ai dit : « Ok, c’est sûr qu’il doit faire partie de l’équipe première. » Et il progresse bien », a récemment soufflé le technicien croate à propos d’un joueur qui a commencé dix-sept des vingt-deux rencontres de l’ASM cette saison. Mis de côté l’été dernier, Sofiane Diop est aujourd’hui une clé essentielle du système pensé par Kovač. Omar Daf abonde : « Le jeu de Kovač est très exigeant physiquement et Sofiane est très endurant. À Sochaux, il était toujours sur le podium des joueurs les plus performants sur les exercices physiques. Résultat, il peut répéter les efforts et être sans cesse en mouvement. Derrière, quand tu le touches dans les zones derrière le milieu adverse, il a un pouvoir énorme et devient automatiquement dangereux. » Preuve par les chiffres du danger permanent qu’il représente : cette saison, Diop a déjà planté cinq fois et est, dans le même temps, le troisième joueur qui a subi le plus de fautes en Ligue 1 derrière Angelo Fulgini et Neymar. Autre donnée intéressante pour valoriser son apport défensif, domaine où Kovač estime malgré tout que le joueur doit encore progresser : le jeune ailier est le joueur de l’effectif qui récupère le plus de ballons dans le camp adverse devant Tchouaméni et Fofana.
La voie créatrice
Troisième exploit : à 20 ans, Sofiane Diop, qui a déjà grimpé et dévalé les montagnes d’une carrière au haut niveau, est désormais un joueur indispensable aux yeux de son entraîneur. Sixième élément le plus utilisé de l’effectif de l’ASM cette saison, le Tourangeau, qui a su profiter de la place libérée par un Golovin touché à la cuisse fin août, est notamment une porte d’entrée centrale du système offensif monégasque, ce que l’on a de nouveau vu à Nantes, dimanche soir, où Diop avait fait ses débuts en Ligue 1 lors de l’été 2018 et où il a régalé en étant notamment décisif sur le deuxième but inscrit par Volland. Preuve en images.
À Nantes, on a retrouvé le plan monégasque en phase offensive : un 3-2-4-1 où Diop et Volland se sont glissés autour du milieu à trois nantais, favorisant ainsi la relation entre les centraux excentrés (Badiashile et Sidibé) et les éléments placés dans les demi-espaces. C’est la première solution pour toucher Diop.
Il en existe également d’autres : soit en utilisant un relais intérieur (Fofana)…
… soit via la qualité de relance de Djibril Sidibé.
L’idée centrale reste souvent la même : toucher Diop pour accélérer le jeu et, comme sur cette situation, faire sortir le latéral adverse et pouvoir décaler Caio Henrique…
Soit lui permettre de tourner le jeu côté opposé vers Diatta.
Diop a également été très actif dans les derniers gestes : ici, il a trouvé le poteau de Lafont…
Là, il a décalé intelligemment Sidibé qui a ensuite centré pour l’ouverture du score de Maripan.
Enfin, il a aussi été très actif à la récupération du ballon comme ici pour surgir devant Touré…
Là pour enfermer Corchia…
Ou là pour récupérer le ballon dans les pieds de Girotto et amener au but de Volland ensuite.
Quelques mois après avoir passé du temps à affiner son jeu offensif aux côtés de Stéphane Mangione, l’entraîneur adjoint de Daf en charge des attaquants à Sochaux, et alors qu’il travaille encore énormément à la vidéo, celui qui avait eu le caractère pour assumer son départ controversé de Rennes pour rejoindre Monaco lors de l’été 2018 est devenu un peu plus qu’une promesse : Diop est, malgré son âge, un joueur qui compte et qui sait convaincre ses coachs grâce à ses qualités rares. Aux élégants les mains pleines.
Par Maxime Brigand
Propos d'Omar Daf recueillis par MB.