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Sofiane Boufal Out Boy

Par Théo Denmat
7 minutes
Sofiane Boufal Out Boy

Débarqué d'Angers en janvier 2015, Sofiane Boufal est peut-être la plus belle promesse technique du LOSC depuis le départ d'Eden Hazard. Un futur grand qui faisait pourtant 1m45 il y a quatre ans, passé à rien de la porte de sortie au SCO et pour qui le dribble est une religion.

Pour poser un crampon sur la pelouse du stade de Salpinte à Angers, il n’y a qu’un seul chemin. Une ligne droite. Si le sol est encore bétonné sur cet unique axe coiffé d’arbres municipaux et zébré de lignes blanches, c’est parce que le parking placé à sa surface concentre un trafic quotidien et éclectique. Usé par les allées et venues des arbitres et parents de joueurs, il trouve surtout son utilité dans la présence de ces deux immenses rectangles bétonnés qui encerclent la zone, pieds-à-terre d’une bonne partie des habitants du fameux quartier de la Roseraie. Les bâtiments sont bien plus larges que hauts et les façades orange pastel, les balcons en éventail superposés là comme pour offrir autant de spectateurs naturels aux matchs du samedi matin.

C’est d’ailleurs entre les barreaux de l’un d’eux que Sofiane Boufal, un jour, voit un match de football pour la première fois de sa vie. Le gamin n’a pas encore six ans mais est tout de suite fasciné, revenant observer avec attention puis tentant de s’approcher du pré sacré, chaque fois un peu plus. Gilles Latté, ancien entraîneur de l’Intrépide d’Angers Football – les principaux propriétaires de l’enceinte – et aujourd’hui adjoint au maire de la ville, se souvient des premiers balbutiements du môme de l’époque : « Il habitait la cage d’escalier la plus proche du terrain avec sa mère. Le stade, ça fait 50 ans qu’il est là, il est assez vétuste. Il y avait une main-courante avec des grillages comme ça se faisait dans le temps, et lui, tous les mercredis matins, il passait au-dessus ! Il essayait de venir taper le ballon pendant les entraînements. C’est un trait de caractère qui le définit bien : il a toujours voulu se mesurer aux plus grands que lui. »

Une maman derrière, un oncle devant

Lorsqu’il s’inscrit au club à l’âge de six ans, Sofiane est déjà une figure connue du quartier : « Il avait tout le temps un ballon dans les jambes, se rappelle Gilles Latté, mais physiquement c’était un moineau. C’était assez impressionnant d’ailleurs parce qu’il courait partout. J’ai toujours dit qu’il avait trois poumons ce gamin. » Sprints après saisons et saisons après sprints, le bambin prend du grade dans son club de quartier tout en cultivant un amour du jeu et une jovialité qui le démarquent de ses coéquipiers. Parce que oui, évoquer le souvenir de Sofiane Boufal auprès de ceux qui l’ont côtoyé, c’est surtout récolter une moisson heureuse d’anecdotes et de quoi étoffer son champ lexical du positivisme. Youssef Faraji, proche du joueur et entraîneur du Angers Futsal Club par lequel est passé ce dernier, confirme la soif de jeu que possédait l’enfant : « ll venait aux entraînements réservés aux seniors le lundi et vendredi soir. Lui avait 12-13 ans mais était le seul à évoluer avec les grands. Il était tout petit, hein, pas plus d’1m50, mais il avait une technique remarquable. Son péché mignon c’était l’enchaînement roulette / coup de rein. Il faisait des passements de jambe… impressionnant. Déjà à son âge, il maîtrisait parfaitement sa semelle. »

Des gamins de cités surdoués à leur âge, l’histoire en compte des dizaines. Pour le meilleur et parfois pour le pire. Anelka, Ribéry, dites-vous ? Il y a de ça. Sauf qu’en privé, le gosse est cadré et choyé par sa mère, omniprésente. Stéphane Moulin, coach du SCO d’Angers depuis 2011 mais présent depuis 2006 comme entraîneur de la CFA2, a lancé Sofiane chez les pros en 2013. Pour lui, rien ne remplace la « Mama » chez les Boufal : « Il fait très attention, il a réussi à la rendre fière et ça compte énormément pour lui. C’est quelqu’un de très très respectueux envers sa maman, et c’est important qu’un jeune pense comme ça ! C’est tout à son honneur » . Même son de cloche du côté de côté Gilles Latté, son mentor de toujours : « Je ne connais pas trop l’histoire des relations avec son père, mais sa mère s’en est très bien occupée. Sur le plan affectif il n’a manqué de rien. » Même lorsqu’il sort s’entraîner, il est accompagné par son oncle, Hakim Belmoulat. Une filiation d’abord personnelle, puis professionnelle à 11 ans, qui pourrait rappeler les heures troubles des jurisprudences Rabiot ou Thauvin… Mais pourtant, là encore, non : « Je ne sais pas si lui savait qu’il deviendrait footballeur, mais son oncle croyait beaucoup en lui et l’a beaucoup aidé dans son ascension, confirme Youssef Faraji. Il est aussi passionné que Sofiane, il a d’ailleurs joué en CFA avec le SCO. À chaque fois qu’il allait jouer au foot, il prenait Sofiane avec lui. À n’importe quel niveau. Là justement il s’est inscrit au futsal l’année dernière, et il y avait toujours son fils avec lui à chaque entraînement. »

« Sofiane c’est la technique pure, le cassement de reins… »

Et dans le quartier, alors ? Quelle réputation traîne l’enfant de la balle, celui que « tout le monde connaît, ou presque » dans les rues ? Celle d’un bon gamin, équilibré, « penaud » quand il fait une connerie, divinement protégé par une bulle foot que la criminalité ne parvient pas à percer, et logiquement « pas dans les embrouilles, au contraire de certains de ses copains » . Un écueil, toutefois : sa taille. Sofiane Boufal a 17 ans, et fait 1m45. Difficile en ces termes de rivaliser avec des gamins de son âge, ce que comprend vite le board U17 d’Angers, qui joue la montre. Le bonhomme fait les entraînements, mais ne participe pas aux matchs, un handicap physique qui lui vaudra un boycott de toutes les sélections de jeunes : « Ah c’était un truc de fou, se marre Stéphane Moulin. Il était frêle. On s’est montré patients, mais c’est pour ça qu’il faut toujours être très méfiant avec les jugements portés à un certain âge. » Après 14 ans passés dans les ruelles d’Angers et une première partie de saison impressionnante, Boufal, 21 berges, s’envole en janvier 2015 pour Lille. En 16 matchs, le Franco-Marocain score cinq fois pour trois assists, un bilan de bizut qui fait baver. Il faut dire que si le jeune homme semble vivre d’amour et d’eau fraiche, son style sur le terrain, lui, est plutôt sponsorisé par Red Bull. Son rapport au foot à la brésilienne lui confère sans hasard une admiration sans limite pour « le meilleur joueur de tous les temps » , Ronaldinho.

Charles Diers est un ancien coéquipier du garçon à Angers (entre 2013 et 2015), et problématise toute l’équation : à l’entraînement « dans les petits jeux, il a pu s’amuser à dribbler et redribbler les mêmes personnes, ça peut agacer parfois. C’était à nous, les anciens, de le calmer un peu… » Et en match : « Quand on lui mettait un ballon sur le côté on allait tout de suite se placer devant le but parce qu’on savait qu’il allait tenter l’élimination en un contre un(Diers, est milieu offensif, ndlr). J’ai joué contre Franck Ribéry en National et en Ligue 2… c’est un style plus en puissance. Sofiane est vraiment dans la technique pure, la feinte, le contre-pied, les déhanchés, le cassement de reins… » Au jeu des comparaisons, Youssef Faraji surenchérit : « Je le compare un peu à Messi sur un point : il s’éclate aujourd’hui de la même manière que quand il avait 12 ans. » Au point d’en faire un peu trop ? Parfois, répond Stéphane Moulin : « Il n’aimait pas trop les remarques. Des fois il ne comprenait pas que l’on puisse le réprimander. Pour lui, il n’y avait jamais rien de grave. Son talon d’Achille à l’époque c’est ce qui fait sa force aujourd’hui. Il usait, abusait de sa facilité technique, jusqu’à parfois agacer ses éducateurs et coéquipiers. » Une caractéristique que l’on retrouve d’ailleurs dans son parcours scolaire – « il n’était pas brillant mais il a eu une scolarité normale, même s’il a arrêté un peu tôt, à 16 ans. Je lui ai dit d’ailleurs » , précise Latté -, lorsque le gredin s’amusait avec un tic verbal qui ne faisait pas vraiment rire ses professeurs. Il les appelait tous… « coach » . Décidément.

Dans cet article :
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Par Théo Denmat

Tous propos recueillis par TD

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