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  • Bulgarie – 24e journée – Levski Sofia/CSKA Sofia

Sofia anti-police

Par Régis Delanoë
Sofia anti-police

Cet après-midi se dispute le 176e match de l'histoire entre le Levski et le CSKA Sofia. Un « derby éternel » comme on l'appelle en Bulgarie, qui peut s'avérer décisif pour la course au titre. Mais l'une des plus fameuses rivalités de l'histoire du football, autrefois belle et passionnelle, a viré à l'aigre ces dernières années. La faute à des hooligans tristement réputés pour leur violence d'un autre âge et qui ont fait parler d'eux le week-end dernier en souhaitant en plein match un bon anniversaire à… Adolf Hitler. Ambiance.

Pour être honnête, on avait coché la date du 27 avril depuis longtemps déjà, avec l’alléchante perspective de vous raconter l’histoire d’un des plus fameux derbys du football. Le Derby éternel de Sofia, comme il se fait un peu pompeusement appeler, est à classer au rang de monument du ballon rond, avec cette rivalité historique et passionnelle qui divise une ville, dans le même esprit que le Old Firm à Glasgow, le derby du Capitole à Rome, le derby du Caire entre Al-Ahly et Zamalek ou le Superclásico de Buenos Aires entre Boca Junior et River Plate. Une folle confrontation débutée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dès la création du CSKA Sofia. Un club affilié à l’armée, et donc fatalement soutenu par les élites du Parti communiste bulgare. Un club qui bénéficie de toute la latitude pour recruter les meilleurs joueurs du pays, rafler quantité de titres et mater l’historique Levski Sofia. Le Levski, de son côté, fondé en 1914, c’est la formation du petit peuple, des ouvriers crève-la-dalle, des insurgés. Son nom vient d’ailleurs d’un certain Vasil Levski, idéologue de la Révolution bulgare au XIXe siècle, un révolutionnaire qui est mort pour sa patrie en voulant combattre l’occupant ottoman de l’époque. Un authentique héros national.

Stoichkov, banni à vie en 1985

Caricaturalement, le Derby éternel s’est donc longtemps résumé ainsi : une guerre passionnelle entre les Rouges du CSKA, proches du pouvoir, et les Bleus du Levski, proches du peuple. Rouges contre Bleus, élite contre prolos. Dans un pays asphyxié par un régime autoritaire, ce match est une distraction qui a lieu au minimum deux fois par an. Bien plus qu’une simple distraction en fait, l’occasion pour chaque camp d’impressionner l’autre, sur le terrain comme dans les gradins. Et si le puissant CSKA remporte plus de titres nationaux que son ennemi, ce dernier se venge souvent en l’emportant lors des derbys. Aux Rouges le plus gros palmarès (31 contre 26), aux Bleus le plus grand nombre de victoires lors des confrontations entre les deux équipes (79 contre 55, ainsi que 41 nuls). Au total, il y a eu 175 derbys de Sofia. Autant de démonstrations de force, de joutes acharnées et de raclées parfois, voire d’humiliations comme ce 7-1 infligé par le Levski au CSKA un soir de septembre 1994.

Ces 175 derbys ont aussi eu leur lot de héros, comme le légendaire Manol Manolov, capitaine du CSKA des années 50, un recordman aux 35 matchs face au Levski. Les années 50, puis 60, c’était l’époque de ces matchs tarés disputés parfois devant 70 000 personnes, dont toutes les huiles du Parti. Un âge d’or stoppé brutalement en 1985, quand une finale de la Coupe de Bulgarie dégénère en violente bagarre sur la pelouse entre joueurs des deux équipes et le corps arbitral, coupable de plusieurs décisions litigieuses. La baston contamine les tribunes et l’État décide de sanctionner lourdement les deux clubs. Le Levski, qui s’était déjà vu apposer le terme « Spartak » à son nom, est renommé Vitosha Sofia, tandis que le CSKA hérite de l’appellation Sredets Sofia. Certains joueurs et membres du staff sont suspendus, dont la star montante du CSKA Hristo Stoikhov, qui est dans un premier temps carrément interdit à vie de rejouer au foot ! Une suspension annulée seulement quelques semaines plus tard, finalement…

Secteur G contre Secteur B

Mais ces incidents de 1985 vont laisser des traces. De passionnelle et relativement festive, la rivalité prend une tournure de plus en plus aigre. Les supporters des deux clans, qui se chicanaient jusqu’alors sous le regard bienveillant du pouvoir, finissent par se haïr. Depuis 1989 et la fin de la Guerre froide, les deux ennemis ont repris leurs noms originels et le Derby éternel a perdu de sa superbe et gagné en violence malsaine. Les affluences n’ont cessé de baisser pour n’atteindre rarement guère plus de 15 000 spectateurs ces derniers temps. Car, effrayés par des débordements de plus en plus bourrins qui ont fait un mort en 2000 et plusieurs blessés quasi chaque année, les pacifistes ont déserté les rangs. Ne restent que les membres de groupes ultras défavorablement connus, qui se livrent une guerre d’un autre âge. Lors de chaque derby, il ne faut pas moins de 1500 forces de l’ordre pour tenter de limiter les affrontements, et c’est bien souvent peine perdue. Entre les hools du secteur G, côté CSKA, et ceux du secteur B, ceux du Levski, c’est la baston quasi systématique. Ce n’est plus du folklore, ça n’a rien de bien fun, ça devient franchement pathétique.

Si sociologiquement, il n’y a plus de différences entre les supporters des Rouges et ceux des Bleus, on continue pourtant de se foutre sur la gueule pour les valeurs historiques de chaque camp. Quitte à pousser ces valeurs jusqu’à la caricature. Les acharnés du Levski se revendiquent donc gardiens de la patrie bulgare, anti-communistes à l’extrême, en mémoire de l’époque où le CSKA était le protégé du Parti. Leur haine du « rouge » va très loin. Beaucoup trop loin. Certains d’entre eux ont profité d’un déplacement à Lovech samedi dernier 20 avril pour souhaiter un bon anniversaire à Hitler, avec des messages dégoulinants de haine accompagnant la sortie de drapeaux et d’insignes qu’on aimerait définitivement oublier. Effroi. Et réaction ridicule des autorités du foot bulgare, qui ont sanctionné le club de seulement 22 000 euros d’amende. Ce n’est pourtant pas la première fois que ces grands malades font parler d’eux cette saison. L’été dernier, l’UEFA s’était déjà plainte des injures racistes qui avaient servi de fond sonore au match de C3 face à Sarajevo. Et il y a quelques semaines, ces mêmes fans avaient poussé le président à virer l’entraîneur, exigeant ensuite de mettre au placard tous les joueurs de l’équipe première et de les remplacer par les juniors ! Du délire complet. C’est donc dans ce climat franchement crade que va se tenir le 176e derby éternel de l’histoire. L’enjeu est grand : le Levski et le CSKA sont respectivement 2e et 3e du classement provisoire, à 2 et 6 points de l’actuel leader Ludogorets, alors qu’il reste 7 journées à disputer. Il y aura donc encore forcément beaucoup de tension, en espérant quand même que ça ne finisse pas par dégénérer complètement. Ce serait dommage pour ce monument du football, plus que jamais proche de tomber à la renverse.

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Par Régis Delanoë

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