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Socios Étoile Club Bastiais : « On veut un pouvoir décisionnaire »

Propos recueillis par Thomas Andrei
9 minutes
Socios Étoile Club Bastiais : « On veut un pouvoir décisionnaire »

Après une saison cauchemardesque, ponctuée par une relégation en Ligue 2, l’annus horribilis du SC Bastia continue. La semaine dernière, la DNCG confirmait sa décision de rétrograder le club en National 1. Une idée insupportable, ouvrant sur un avenir sombre que le peuple turchinu ne pouvait accepter. À l’initiative des présentateurs de l’émission en ligne Minenfootu, un crowdfunding sera bientôt lancé pour établir un projet de socios, visant à ce que les supporters se réapproprient au moins une partie du Sporting. Gérant d’une boutique d’articles sport vintage et courtier en assurances dans le civil, deux d’entre eux, Gilles Secchi et Loïc Capretti, définissent les contours du plan.

Quand le crowdfunding sera-t-il prêt ? Gilles Secchi : Ce qui nous bloque, c’est la sortie au journal officiel des statuts de l’association, qui a été créée il y a cinq jours. Comme c’était le 14 juillet, qu’on est en été, je pense qu’on pourra lancer ça dans une semaine. Mais ce n’est pas le plus important. On affiche partout dans la ville. La machine est en route. Nous avons reçu des messages de partout : de Guadeloupe, de Suisse, des groupes ultras de Metz, de Montpellier. Loïc Capretti : J’ai aussi eu des groupes ultras de Rennes, Saint-Étienne, Bordeaux. Des supporters d’équipes françaises ont dit qu’ils veulent nous aider, par solidarité. Puis tous les diasporeux du continent, même d’Amérique du Sud. Vendredi, on recevait des messages toutes les deux minutes… Je n’avais plus de batterie à cause des notifications. Je connais beaucoup de gens qui s’en foutent du foot et vont quand même participer. GS : Je me suis fait allumer. Je reçois des messages à 3h du matin. Comme c’est un mouvement populaire, tu es obligé de répondre à chaque personne. C’est un travail de fou. J’ai cru que j’allais craquer. Je suis allé à la plage ce matin, pour me détendre. Une petite brasse. Et on repart !

Étiez-vous surpris de la décision de la DNCG d’envoyer le Sporting en National 1 ?(En chœur) : Non, pas du tout. LC : Un jour ou l’autre, il fallait bien que ça tombe. On savait qu’il y avait des dettes depuis des années. En tombant en Ligue 2, on savait qu’il y aurait moins de revenus, donc c’est logique.GS : On tenait sur les droits télé qui tombaient à la bonne période. Ça comblait les trous, ça payait les salaires des joueurs. Sans cette entrée, tout tombe.

Ça a toujours été un rêve pour vous de lancer ce projet de socios ? GS : J’avais travaillé le sujet il y a déjà plus de six mois avec un collègue à moi. Il a fait une thèse sur ça. C’était fiable, travaillé. J’ai lancé ça mardi dernier sur les réseaux sociaux, mais vraiment comme ça ! J’avais presque envie de pleurer, j’exprimais un ras-le-bol. Ça a pris d’un coup. On a vite été dépassés. LC : L’événement déclencheur a été la décision de la DNCG, puis la réaction des gens.

Vous avez étudié d’autres clubs repris par des socios dans le monde ? Vous avez un modèle ? GS : Non, pas vraiment. Tous les modèles sont différents. L’Espagne n’a pas le même modèle que le Portugal. C’est pour ça qu’on a préparé notre propre modèle. Qui correspondrait à notre ville, au tempérament des supporters bastiais. L’idée, c’est déjà de faire partir les dirigeants actuels. On ne veut pas travailler avec eux. Ensuite, on voudrait rentrer dans le capital du club, avec d’éventuels nouveaux repreneurs. On ne veut pas prendre le club, nous. Ce serait impossible…LC : (Il coupe) À part si tu es en CFA2… GS : Mais même. Le but n’est pas d’accaparer le club. On ne va pas être dirigeants. On veut juste un pouvoir décisionnaire dans le club, une fois qu’une équipe dirigeante sera constituée. Les gens qui auront cotisé pourront élire trois membres, qui siégeront au CA. On aura un droit de regard, un droit de conseil. Une prise de décision, à main levée. On ne pourra rentrer au CA que s’il y a liquidation judiciaire, je pense. Ou s’il y a des gros repreneurs.LC : À ce moment-là, on serait un apport financier supplémentaire pour eux. Vu que tu as des dettes qui dépassent tes revenus annuels, la valeur du club est estimée à 0 euro…GS : On va aussi créer des cellules un peu partout en Corse et sur le continent. Ils feront le relais de ce qu’on fait. À Corte, Calvi, Ajaccio, l’extrême sud…

Comment entendez-vous organiser la participation aux prises de décision ?LC : On fera sûrement des réunions pour que tout le monde ait son mot à dire. Les trois élus nous représenteront. Nous n’avons pas encore de candidats en tête, on doit encore rencontrer du monde.GS : On a prévu de faire une élection sur trois spécialités : pénal, sportif et comptable. Les trois représentants seront calés sur tous les domaines. On fera un vote sur Internet. De toute façon, on ne va pas prendre de liquide, tout est sur le net. C’est suivi par move.corsica, une plateforme de crowdfunding locale. Les gens pourront voir qui a mis de l’argent ou non, combien a été injecté. Si on n’aboutit pas à notre objectif, l’argent sera directement redistribué sur les comptes. Sinon les gens recevront une carte de socios, avec leur nom, leur numéro.

Quelle est la somme visée ? GS : On table sur 10 000 cotisations à 50 euros. On part sur ça pour que tout le monde soit égal, qu’un type ne mette pas 5 000 et ait plus de pouvoir qu’un qui a mis 50. On ne veut pas entendre dire : « Tais-toi, toi tu n’as mis que 50 ! » 500 000, ce serait déjà pas mal. Ça ferait un petit pécule pour rentrer au club. LC : En fixant à 50 euros, ça permet au supporter lambda, qui a un salaire moyen, d’être à hauteur d’un chef d’entreprise. GS : Tu ne peux pas mettre plus, mais rien ne t’empêche de faire mettre des sous à ton père, ta sœur et ton frère !

Vous avez contacté plusieurs joueurs. Ils ont émis l’hypothèse de participer financièrement ? LC : On en a eu au moins 40. Beaucoup m’ont dit qu’ils allaient nous aider financièrement. GS : Déjà, on a Ismaël Triki, un ancien joueur qui a connu les déboires de 1992. De suite, il s’est investi. Il est président d’honneur de l’association. Les autres sont Jean-Mi Canazzi, ancien président de Testa Mora 92, dont faisait partie Anthony Luciani, qui est président de l’association.LC : Ce sont les trois membres du bureau.GS : On ne s’attendait pas à ce que certains nous contactent ! Comme Ermin Siljak (ancien attaquant slovène, passé par Bastia de 1996 à 1998, ndlr) ! Ou Ben Zekri ! (défenseur international tunisien, à Bastia durant la saison 2008-2009, ndlr) C’est quand même beau. On a même eu des personnalités politiques qui sont venues nous encourager. Mais on n’est pas là pour demander des sous aux anciens joueurs. Ensuite, Maoulida a par exemple proposé de mettre un maillot du Sporting aux enchères. Piocelle a partagé nos publications. Chacun aide à sa manière. LC : Quoi qu’il en soit, tous les joueurs ont eu une réaction positive. Ça ne laisse pas indifférent. GS : Puis ces gens-là ont aussi le ras-le-bol des dirigeants. Julien Sablé, qui est quand même au club à Sainté, aurait pu dire non. Mais il soutient aussi.

Certains joueurs, comme Jérémy Choplin qui est à Niort, ne roulent peut-être pas sur l’or. Mais les joueurs financièrement à l’aise, qui crient leur amour du club, ce serait normal qu’ils participent un peu, non ? LC : S’ils mettent, tant mieux. Mais on ne demande pas. Beaucoup m’ont dit qu’on pourrait compter sur eux, qu’ils mettraient quelques billes. Certains joueurs m’ont tenu 50 minutes au téléphone pour exprimer leur rancœur vis-à-vis des dirigeants actuels. Des gens qui ne sont restés qu’un an ou six mois ! Mais ils sont quand même amoureux du club.

Le projet parfait, ce serait une union socios – anciens joueurs – investisseurs. Vous aimeriez avoir qui comme ancien joueur dans l’organigramme ? LC : Il y a des anciens joueurs dans tous les clubs, sauf chez nous ! GS : Peut-être que les dirigeants ont été jaloux de la place prise par d’autres. Ils étaient jaloux de l’ampleur de Hantz. Tous ceux qui gênent, ils les foutent dehors. Pourquoi pas avoir Maoulida ? Rothen ? Ou même Landreau aurait pu, avant d’être entraîneur à Lorient. On aurait pu le faire rentrer facilement. Je pense que ça lui aurait faire plaisir.LC : C’était à nous de prendre Landreau. Le club a un potentiel fou, mais il faut voir qui a envie de travailler avec les dirigeants actuels… Pour bosser avec eux, il faut s’accrocher…

Depuis la décision de la DNCG, avez-vous eu un quelconque contact avec les dirigeants ? Vous les croisez dans la rue ?GS : Non, aucun contact. On en croise quelques-uns, ils sont tranquilles. Ils ont leur commerce, ils ne sont pas inquiétés. LC : Ils vont au bar, tranquilles. D’autres sont un peu plus inquiets, mais en général ça va. GS : On ne veut pas en arriver aux mains. Ils sont assez grands, ils assumeront après. On n’a pas à aller les voir. On fera un bilan à la fin. Tous ensemble. LC : Il n’y a pas eu d’accrochages. Mais on les voit quand même moins souvent…GS : On respecte quand même l’homme. Il y a une famille, des amis autour. Le dirigeant, c’est lui qu’on attaque. On ne veut pas attiser de haine. On n’a pas envie d’un drame, qu’un aille mettre un cazzottu (un coup de poing, en corse, ndlr). LC : S’il arrive du mal, on ne va pas s’en réjouir. On n’a rien contre Pierre-Marie (Geronimi, ndlr) personnellement. Ce n’est juste plus possible de travailler avec eux.

Si le Sporting est finalement maintenu en Ligue 2, que ferez-vous ?GS : On continuerait le projet, mais ça dépendrait de la direction. On ne va surtout pas balancer les sous aux dirigeants actuels. On n’est pas fous. S’ils sauvent le club, on mettra quand même la pression pour qu’ils s’en aillent. « Vous avez fait votre boulot, maintenant partez. » LC : Si on est 10 000, donc 10 000 potentiels abonnés, on aura des arguments à faire valoir. On pourra dire : « Regardez, maintenant vous arrêtez ou vous aurez zéro abonné. Personne au stade. »

Quand Bastia jouera la Ligue Europa dans six ans, les socios pourront-ils revendre les parts 3000 euros ? GS : (Il rit) Non ! Le truc, c’est que tous les ans, on demandera aux gens de remettre 50 euros. Si, sur l’année +1, on fait 300 000 euros, on pourra participer aux investissements du club. LC : Et ce seront des décisions collectives. Mais d’abord, le projet, c’est de sauver le club. GS : On fait une réunion ce jeudi sur la grande place Saint-Nicolas, où était le stade où le club a tapé ses premiers ballons. On est plein de symboles. Je vais faire pleurer les gens, puis les exciter un peu. LC : On s’appelle Socios Étoile Club Bastiais. L’étoile, le E qui revient comme dans le nom du club à la grande époque, ça touche les gens. Le club s’est sauvé en enlevant le E, peut-être qu’il se sauvera encore en le faisant revenir. C’est l’histoire du Sporting, un éternel recommencement.

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Coupe de France : Pas de mauvaise surprise pour la Ligue 2
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