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Slimani, Lion, Fennec et… presque Canari
Joueur de D3 algérienne jusqu'à ses 21 ans, Islam Slimani a dû cravacher pour en arriver là où il est. Aujourd'hui au Sporting, le buteur aurait bien pu passer par le FC Nantes. Mais d'invraisemblables négociations ont mis un terme aux ambitions canaries.
Islam Slimani peut s’estimer heureux. Contrairement à la majorité des joueurs de la sélection algérienne, il n’a pas eu à subir les commentaires des uns et des autres sur le thème de la binationalité, pour la simple et bonne raison que le buteur du Sporting est né et a grandi en Algérie. Le revers de la médaille, c’est que le natif d’Alger a un peu plus galéré que ses compagnons d’équipe nationale pour trouver un tremplin le menant au plus haut niveau. Là où il n’a jamais fait aucun doute que Yacine Brahimi percerait, l’avenir de Slimani dans le football a souvent été remis en cause par les joueurs et entraîneurs qui l’entouraient durant sa jeunesse. Bon finisseur mais peu intelligent tactiquement et moyen balle au pied, il est également victime du manque de confiance accordée aux jeunes par les grosses écuries du pays. Du coup, le gamin traîne son grand gabarit dans le club d’Aïn Benian, dans la banlieue Ouest d’Alger, où il attend désespérément qu’un recruteur vienne l’observer. Il devra attendre ses 18 ans pour jouer à un niveau respectable, en troisième division algérienne. Il y portera les couleurs de Chéraga jusqu’à ses 21 ans, en 2009. Lors de sa dernière saison là-bas, il plante but sur but – il terminera l’exercice avec 18 pions en 20 matchs – et finit par attirer les convoitises d’un club de l’élite, le CR Bélouizdad, qui ne débourse pas plus de 8 000 euros pour acquérir les droits sportifs du joueur. La belle affaire, même si le jeune Algérien met une bonne saison avant de s’adapter au football de haut niveau. À la fois renard, généreux au pressing et pesant pour les défenseurs, il finit par s’imposer définitivement à Bélouizdad et tape dans l’œil de Vahid Halilhodžić qui apprécie particulièrement son profil. Le championnat national commence à être trop petit pour sa carcasse d’1m89, et Islam Slimani cherche à sortir. Il y parviendra par voie administrative, grâce à son agent.
Négociations surréalistes avec le FC Nantes
Le 2 juillet 2013, le buteur est déclaré libre de tout contrat par la Fédération algérienne de football, soit un an avant son terme. Le joueur et son entourage ont réussi à obtenir l’annulation du contrat en partant du postulat que le CR Bélouizdad n’a jamais honoré l’une des clauses dans laquelle l’équipe s’engageait à offrir un logement à Slimani et sa famille. Les dirigeants, se sentant lésés, n’avalent pas la pilule et menacent de saisir le TAS. Cet énorme bordel administratif va remonter jusqu’au FC Nantes et Waldemar Kita qui s’intéressent depuis plusieurs mois au jeune renard des surfaces, conseillé par un Vahid qui le voit bien évoluer en Ligue 1 de par son style de jeu, mais aussi pour ce que le championnat hexagonal pouvait apporter à son numéro 9.
Si les négociations démarrent bien, les dirigeants nantais sont rapidement confrontés aux intérêts de Bélouizdad, désireux de toucher une indemnité de transfert de la part du prochain hôte de Slimani. Du coup, un jour d’août, au lieu de voir l’attaquant et son représentant débarquer à un rendez-vous, Waldemar et Franck (le fiston) Kita accueillent trois hommes qui n’ont rien à voir avec eux, dont le président de la FAF. Surréaliste. « C’est comme si le président de la Fédération française de foot Noël Le Graët se pointait pour discuter d’un transfert en France. Du jamais vu » , racontait Franck Kita à 20 Minutes au moment de la Coupe du monde. Le trio sème la zizanie dans les négociations avec Slimani, mais les dirigeants du FCN conviennent finalement d’un (vrai) rendez-vous avec leur cible pour boucler l’affaire. Le lendemain, jour dudit rendez-vous, rien. Pas de nouvelles. « Il n’y avait plus personne au rendez-vous pour signer. » Personne, pas même les boss du CR Bélouizdad, à qui Waldemar Kita avait promis 150 000 euros pour qu’ils ne fassent plus capoter la transaction. Problème, le Sporting a relevé l’enchère de 100 000 euros supplémentaires afin d’acheter le joueur et le silence de son ex-club. Les Canaris pointent du doigt le comportement inadmissible de l’agent et de son client. Ces derniers démentent et expliquent que le FCN a brutalement rompu les négociations avec eux. Quoi qu’il en soit, le mal est fait, et le Fennec devient Leao.
Doublure de Montero, héros du Mondial
Au Sporting, Islam Slimani croise la route de Leonardo Jardim, mais aussi celle de Fredy Montero. L’attaquant colombien débute la saison en pleine bourre et ne laisse aucune chance à l’Algérien, prié de bien vouloir s’asseoir sur le banc sans protester. Heureusement pour le presque Nantais, la hype Montero prend fin au début de l’année 2014, à tel point que la hiérarchie s’équilibre et bascule en fin de saison. Au total, l’international algérien plante une dizaine de buts pour son premier exercice en Europe. Pas fou, mais suffisant pour jouer la Coupe du monde au Brésil. Pour un bonhomme qui regardait son pays se faire éliminer en phases de poules en 2010, on n’est pas loin du conte de fées. D’autant que le bougre marquera clairement le parcours des Fennecs de son empreinte. Mis de côté contre la Belgique (il fallait défendre plutôt qu’attaquer), Slimani joue les deux derniers matchs de poule contre la Corée du Sud et la Russie. Bilan, deux buts, une passe décisive, deux titres d’homme du match et un statut de héros à la clé. Et dire que la presse nationale avait longuement critiqué le choix de Vahid quand ce dernier avait lancé le jeune inconnu…
Aujourd’hui, les vestes se sont retournées au sujet du buteur du Sporting. Il est, avec Brahimi et Mahrez, l’un des joueurs les plus respectés de l’EN, mais surtout le plus régulier. Il se passe rarement un match où Slimani ne se montre pas décisif, que ce soit en marquant ou passant. Mais s’il a énormément progressé sur le plan tactique, sa tête reste sa meilleure arme. Peu à l’aise avec ses pieds, sauf pour conclure à cinq mètres des cages, il ne débloquera jamais de situation compromise en dehors de la surface ou en éliminant des défenseurs autrement que grâce à son physique de déménageur. Islam Slimani est l’un des rares purs 9 à avoir survécu à la révolution du poste d’avant-centre. Hors du temps ? Peut-être, mais cela ne l’empêche pas d’être courtisé. Après le Mondial, l’agent du natif d’Alger avait demandé à son poulain d’aller au clash avec le Sporting afin de signer à Schalke ou West Ham, qui venaient de formuler une offre intéressante pour l’acheter. Mauvaise idée. Le président Bruno de Carvalho l’a calmé en l’envoyant quelques semaines dans l’équipe B. Le Fennec peut se jouer du Canari, mais le Lion, lui, restera toujours plus fort.
Par William Pereira