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Six feet Ünder
Débarqué sans faire de bruit du côté de Rome cet été, le Turc Cengiz Ünder s’est fait sa place à l’ombre au sein de l'effectif de la Louve. Avant de plonger dans la lumière en ce début d'année, pour remettre un grain de folie dans le jeu parfois trop sage que proposent les louveteaux de Di Francesco.
À vingt ans, Cengiz Ünder n’est pas encore du genre à se focaliser sur les détails qui fâchent. Comme la barrière de la langue, qui l’empêche de communiquer avec ses coéquipiers lors de son arrivée à Rome. Transféré à la mi-juillet 2017, le wonderkid turc ne se prend pas trop la tête lors de son arrivée à Trigoria. Et fonce directement prendre une photo avec Francesco Totti : « Avoir une légende comme Totti pour m’accueillir pour mon premier jour au club, c’est difficile à décrire. Je ne peux pas vous expliquer à quel point j’étais excité. Je lui ai tout de suite demandé si on pouvait prendre une photo ensemble. Pour être honnête, je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il me disait, mais ça n’avait aucune importance. » Six mois plus tard, le gamin est encore loin de slamer dans la langue de Dante, mais vient de claquer une passe décisive et trois buts lors de ses deux derniers matchs de Serie A. Pas mal, pour un type débarqué avec un statut de parfait inconnu en Italie.
Ünder The Radar
Transféré pour treize millions d’euros à la Roma cet été, son patronyme ne fait alors pas frémir grand monde dans la Botte. Tout le contraire de la popularité dont il jouit dans sa patrie natale, où sa carrière suit un chemin doré. Repéré gamin par le club formateur de l’Altınordu FC, il fait ses débuts en division 2 a à peine dix-sept piges. Deux ans plus tard, le voilà déjà transféré à l’İstanbul Başakşehir, le club qui monte au sein du football turc. Suffisant pour engendrer une vraie hype au pays, où son pied gauche soyeux, sa conduite de balle et son joli minois lui valent d’être parfois surnommé le Dybala turc. Il faut dire que le jeune homme a le sens du timing, alors que la Turquie, plombée par une sélection sur le déclin et la déchéance d’un Arda Turan hors sujet depuis plusieurs saisons, se cherche de nouvelles idoles.
Avec Başakşehir, le jeune Ünder ne déçoit pas. Il plante sept buts en Süper Lig et accroche avec les siens la seconde place du championnat. Il fait également ses débuts en équipe nationale, avec laquelle il a aujourd’hui déjà inscrit trois buts en sept sélections. Ünder a pourtant la bonne idée de garder la tête froide et évite l’enflammade, ses entraîneurs successifs louant notamment sa bonne volonté dans le repli défensif. Un goût de l’effort que revendique d’ailleurs le principal intéressé : « Certains joueurs se plaignent lorsque vient l’heure de l’entraînement, mais moi, c’est le contraire. J’adore ça. Si on s’entraîne à tirer, je continue seul après la fin de la session. » De quoi lui valoir les compliments du sélectionneur turc, Mircea Lucescu, qui savoure aujourd’hui l’éclosion du joueur dans la capitale italienne : « Pour moi, ce n’est pas une surprise, il a vingt ans, il avait juste besoin de temps pour apprendre le langage et les mécanismes de jeu inhérents à un championnat aussi tactique que la Serie A. »
Le nouveau chouchou de Di Francesco
La Serie A et la Roma, un championnat et un club qu’Ünder explique avoir choisi car il était convaincu qu’il y aurait l’opportunité de développer son talent. Convoité par de nombreuses écuries anglaises lors du mercato d’été 2017, Cengiz montre qu’il en a décidément dans la caboche en optant pour la Roma, un club qui veut construire l’après-Totti en s’appuyant sur de nouvelles têtes. « J’ai été convaincu après avoir échangé avec Monchi (le nouveau directeur sportif de la Louve, ndlr). Il a été très clair en m’expliquant que je jouerai avec l’équipe première, que je ne serai pas cantonné à un statut de futur espoir… Mais Di Francesco a aussi eu un rôle majeur pour me convaincre de rejoindre le club. J’ai toujours été intéressé par la dimension tactique du jeu. En parler avec le coach m’a été d’une grande aide, il a pris de son temps pour m’expliquer ce qu’il comptait faire en détail. Il a tout fait pour que je me sente bienvenu. » Les débuts d’Ünder à Rome sont pourtant logiquement assez confidentiels, notamment à cause de sa rupture brutale avec sa Turquie natale : « C’était vraiment dur. Pour la première fois de ma vie, j’étais seul. Je n’avais jamais expérimenté une telle solitude. »
Le môme s’accroche et profite des blessures de ses concurrents sur les ailes, El Shaarawy et Perotti, pour ambiancer une Roma en manque d’inspiration offensive depuis la nouvelle année. Face au Hellas Vérone, pour le compte de la 23e journée, il expédie une galette dans les filets adverses au bout de 48 secondes. Avant de planter à deux reprises face à Benevento la semaine suivante. De quoi rendre à Eusebio Di Francesco la confiance qu’il a placée en lui. Un Di Francesco qui semble d’ailleurs en pincer sincèrement pour le jeune ailier, qu’il surnomme affectueusement Gengo. Un blase qui fait référence au prénom de son poulain, Cengiz, qui se prononce en réalité Genghís. Comme le conquérant mongol qui a mis une bonne partie du monde à sa botte. Ünder, lui, se contentera sans doute déjà de mettre l’Italie à sa botte. Histoire de définitivement donner tort aux sceptiques : « J’ai parcouru beaucoup de chemin en très peu de temps. J’aime donner tort aux gens et aller au-delà de leurs attentes. Je fais ça depuis que j’ai dix ans. Et je ne compte pas m’arrêter. »
Par Adrien Candau
Tous propos issus du Guardian et de la Gazzetta dello Sport.