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Sinisa Mihajlovic, guide de l’église sampdorienne
Par sa force morale et la portée de ses paroles, Siniša Mihajlović est en train de faire oublier le début de saison catastrophique de la Sampdoria. Arrivé dans un club apeuré depuis sa relégation en 2011, le guide Mihajlović a trouvé un chemin : celui de la conviction et de la jeunesse. La Samp grimpe au classement et rencontre ce soir son pire ennemi, le Genoa, lui aussi relancé par un ancien de la maison, Gian Piero Gasperini.
Il y a légèrement plus de deux mois, la Sampdoria de Delio Rossi était avant-dernière de Serie A avec 9 points en 12 journées, soit une moyenne de relégable assuré (0,75 point/match). Traumatisée par la descente de 2011, cette Samp respirait le besoin de se convaincre qu’elle avait encore le standing d’une équipe de Serie A. Idéalement, elle rêvait d’un ancien de la maison qui ait connu la « vraie » Sampdoria. Siniša Mihajlović, l’homme au pied gauche inqualifiable, était blucerchiato de 1994 à 1998 : des jours plus glorieux, qui rappellent les souvenirs des Pagliuca, Vialli et Mancini, ces deux enchanteurs que Brera appelait les Dioscuri. Des souvenirs soyeux pour soigner un présent douloureux.
« Moi, je réponds. Eux, ils préfèrent jouer et ça suffit »
Peut-être que la Samp avait besoin de se replonger dans ses beaux jours pour y croire. Ce qui est sûr, c’est qu’elle se cherchait un guide, un nouveau Boškov. « La tête froide, le cœur chaud » , disait-il à l’époque. Si Mihajlović préfère parler de « cœur fort » , il est aussi un entraîneur motivateur et possède ce type de regard que l’on est prêt à suivre aveuglement. « Il n’existe pas de rêve impossible » , répète-t-il à ceux qui envoient la Samp en B. En conférence de presse, alors que l’on pose une question sur la peur de la relégation à Palombo et Gastaldello, Sinisa bondit : « Moi, je réponds. Eux, ils préfèrent jouer et ça suffit. » Du Mourinho dans le texte, pour mieux protéger et libérer des joueurs sous pression. Le plan fonctionne : les joueurs suivent le guide et jouent.
D’emblée, sa Samp accroche des matchs nuls musclés contre la Lazio et l’Inter, ses deux autres amoureuses italiennes. Puis enchaîne avec deux victoires d’affilée contre Catane et le Chievo, et un nul contre Parme : en cinq matchs, la Samp double son nombre de points. Depuis, elle ne déçoit pas : deux défaites logiques contre le Napoli et la Juve, sans pour autant perdre la face (défaite 4-2 au Juventus Stadium), une victoire contre l’Udinese et un nul contre Bologne la semaine dernière. Soit une moyenne de 1,44 point par match : avec un tel rythme, la Samp aurait fini 9e l’an dernier, loin des cauchemars de la zone rouge. Et encore, contre Parme et Bologne, les hommes de Sinisa menaient jusqu’à cinq minutes du coup de sifflet final. Si la Samp avait remporté ces matchs, elle jouerait ce soir le sorpasso, la possibilité de dépasser le Genoa en cas de victoire.
4-2-3-1, pour les grands et les petits, mais surtout Gabbiadini
De la foi, de la force, mais aussi des idées. Sans avoir rien inventé, Sinisa offre un football guerrier et plaisant avec un 4-2-3-1 flexible et direct. En clair, plus de tirs et de centres que de combinaisons esthétiques. En défense, le travail des ailiers permet vite de passer en 4-5-1, de couvrir les ailes tout en densifiant le milieu. En attaque, la longueur des ailes de « l’avion » permet d’écarter vite sur les côtés pour contre-attaquer et piéger les plus présomptueux au stade Luigi Ferraris. Le tout dans un savant mélange d’expérience et de jeunesse, organisé par binôme : un jeune et un cadre dominent ensemble chaque compartiment du jeu. Gastaldello et Mustafi (1992) en défense centrale. Palombo et Obiang (1992) au milieu. Et enfin, Eder le revanchard et Gabbiadini (1991) le surdoué en attaque. Si le milieu de la Samp était une voiture, Palombo en serait le pilote expérimenté, et Obiang le moteur fougueux. Et ça roule.
Les uns ont connu la relégation et ne veulent plus entendre parler de Serie B, les autres apportent la fraîcheur et l’innocence de ceux qui ne connaissent que le succès. En attendant l’impact de la recrue hivernale Maxi López, le Brésilien Eder est enfin productif en pointe (9 buts en Serie A), tandis que le pied gauche de Manolo Gabbiadini (22 ans), formé à l’Atalanta et en copropriété avec la Juve, est en train de se construire une réputation (7 buts). Même forcé à jouer en soutien d’Eder ou sur un côté, le Bergamasque est convaincant. Appelé « l’anti-Balotelli » pour sa discrétion, Gabbiadini racontait cette semaine à la Gazzetta dello Sport sa relation avec le Mister : « On parle beaucoup, il est sympa et sait nous mettre à l’aise. À moi, il me donne toujours le même conseil :« Tire ! » » Le football, un sport énigmatique : si complexe et si simple à la fois. À l’image du personnage Mihajlović.
« Nos tifosi ont déjà gagné le derby »
Un Sinisa qui n’a pas eu de mal à regagner le cœur des tifosi, à coups de nouveaux concepts – le Serbe parle souvent de « reconstruction de l’église sampdorienne » – et de mots d’amour : « Nos tifosi ont déjà gagné le derby le jour où ils ont choisi leur équipe en donnant leur cœur aux couleurs blucerchiati. » Et un Derby dont l’importance est cruciale. Si Milan est prestigieux, si Turin est déséquilibré et si Rome est fou, Gênes est beau et important. Beau car si le Derby de la Lanterne était un film américain, il serait chaque année assuré de remporter les Oscars des meilleurs décors et de la meilleure création de costumes, à défaut d’avoir les meilleurs acteurs.
Et important pour la simple raison que les deux clubs n’étant pas en lice pour le Scudetto depuis la Samp de Boškov, le derby est devenu l’enjeu majeur de la saison. « À Gênes, seul le Derby compte. Si tu ne le gagnes pas, cela revient à braquer une banque et se rendre compte ensuite d’être parti avec des valises pleines de bouts de papier » , avait raconté un ex-entraîneur du Genoa à Pino Flamigni, illustre conteur du derby génois. Après l’humiliation subie au match aller (0-3), les ultras de la curva sud se sont d’ailleurs fait entendre à l’entraînement de samedi par l’intermédiaire d’une banderole presque menaçante : « Il y a une honte à laver… La Sud vous regarde. » Pression.
Par Markus Kaufmann
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