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Simple comme Emiliano Buendía (Norwich)

Par Jérémie Baron
Simple comme Emiliano Buendía (Norwich)

Afin de retrouver la Premier League la saison prochaine après une seule année en Championship, Norwich a survolé la concurrence cette année. Avec, à la baguette, un Emiliano Buendía étincelant qui a affolé les compteurs et confirmé qu'il n'avait rien à faire à cet étage.

Si l’ESTAC était un club britannique, elle s’appellerait très certainement Norwich City. Car à la manière de la formation actuellement manœuvrée par Laurent Batlles, qui s’apprête à retrouver une énième fois la Ligue 1, les Canaris d’outre-Manche ne se sentent à leur place ni dans l’élite de leur pays, ni dans son antichambre, ni même en D3. Résultat, Norwich va emprunter l’ascenseur pour la dixième fois en quinze ans (en comptant un passage express en League One en 2009-2010, et l’aller-retour en D2 cette saison) et il y a fort à parier qu’ils n’aient rien d’autre à jouer que le maintien la saison prochaine en Premier League. En attendant de rebasculer dans le camp des petits au milieu des gros poissons, l’équipe du Norfolk – qui a assuré sa montée à quatre journées du terme – est en train de plier le Championship en beauté avec 96 points (29 succès). Et peut même égaler, ce samedi contre Barnsley en clôture de la saison régulière, les 99 unités des Wolves en 2017-2018, meilleur total de ces sept dernières saisons devant le Leeds de Marcelo Bielsa (93 en 2019-2020).

Double-double et connexion finlandaise

Plus que l’incontournable Teemu Pukki et ses 26 caramels, plus que les succulents Todd Cantwell et Max Aarons, plus que le vétéran Tim Krul dans les bois ou que l’espoir – prêté par Tottenham – Oliver Skipp, le grand bonhomme de ce carton plein s’appelle Emiliano Buendía. L’Argentin a d’ailleurs été élu meilleur joueur du championnat, devançant notamment le meilleur buteur du circuit Ivan Toney (Brentford). Rien de bien surprenant : la saison de ses 24 bougies, le milieu offensif a marché sur le Championship et l’empreinte qu’il laissera cette année dans les bases de données le démontre : 38 apparitions, 14 pions, un statut de meilleur passeur avec 16 offrandes et le record du championnat en nombre de passes en profondeur par match (0,3), de passes-clés par rencontre (3,2) et d’occasions de buts créées dans le jeu (86), lui qui était déjà bien placé dans ces trois domaines en PL la saison passée. Sans oublier ses deux penaltys provoqués à Rotherham (5e journée) et face à Stoke (29e), une rencontre contre les Potters au cours de laquelle il a également délivré un caviar et trouvé une fois les ficelles. Début avril lors du massacre d’Huddersfield (7-0, 40e journée), les Terriers ont dégusté encore plus fort avec un triplé d’assists et un pion pour l’Argentin en 77 minutes.

Avec son profil chétif (1,72 m), son sens du dribble et sa science du ballon dans la course, l’enfant des quartiers modestes de Mar del Plata s’est mué en terreur cette saison sur les pelouses du Royaume. Sa complicité avec Pukki est, elle, devenue indécente : neuf caviars de l’Argentin pour le Finlandais (très souvent lancé dans la profondeur), trois dans l’autre sens. Le gaucho, qui avait déjà claqué deux saisons consécutives à douze passes décisives (2018-2019 dans ce même championnat, et 2017-2018 en D2 espagnole avec la Cultural y Deportiva Leonesa) a cette fois pris une nouvelle dimension dans la finition. Sa frappe, pointée comme un défaut les saisons précédentes (une seule réalisation dans l’élite en 2019-2020), est devenue une arme redoutable, notamment de loin. Même du pied gauche, le successeur de James Maddison à Carrow Road a fait des ravages. En témoignent ses quatre banderilles plantées de la sorte. Adoubé par Leo Messi lors d’un Barça-Getafe il y a six ans alors qu’il n’avait que dix-huit ans et joueur frisson jusqu’ici, Buendía semble avoir terminé sa mue en machine de guerre.

Je préfère faire jouer notre intendant.

Kinder Buendía

De quoi se demander, aussi, pourquoi le milieu de terrain était descendu dans l’antichambre avec son équipe à l’intersaison 2020, alors qu’on pensait le voir changer d’air après l’exercice bidon des Canaris en Premier League (20es, 21 points, 27 défaites). Lors de ces mois de galère, il avait d’ailleurs un temps fait partie des meilleurs passeurs de Premier League – avec 7 offrandes entre le 9 août et le 1er janvier -, alors que son écurie était déjà lanterne rouge. Pendant l’intersaison, les opportunités de départ lui avaient semble-t-il fait tourner la tête, puisque son entraîneur Daniel Farke l’avait chahuté après une défaite en octobre contre Bournemouth en début de saison à laquelle il n’avait pas pris part : « Je préfère faire jouer notre intendant plutôt que des joueurs qui ne sont pas disciplinés ou qui n’ont pas conscience de leurs responsabilités vis-à-vis des supporters. Je n’avais pas le sentiment avec Emi ou Todd(Cantwell), cette semaine, qu’ils voulaient montrer leur désir de défendre ce maillot jaune. »

Une remise en place qui a visiblement porté ses fruits pour le meneur de jeu avancé, désormais décrit en des termes élogieux par son coach. Notamment dans son travail défensif : « Fantastique dans son travail quand nous n’avons pas le ballon, fantastique dans sa charge de travail.(…)Mais aussi un excellent joueur d’équipe qui se tue pour elle. » L’intéressé ne disait pas autre chose, il y a quelques jours, dans les colonnes du Guardian : « C’est dans mon football,(…)j’aime toujours donner un coup de main en défense et aller tacler, c’est une bonne sensation. » Malgré l’instabilité sportive du club (où il officie depuis 2018) et son départ avorté en 2020, l’ancien international espagnol (U19) et argentin (U20) se plaît en tant que pièce maîtresse du Norwich de Farke à droite du 4-2-3-1. Néanmoins, cette fois-ci, celui qui a connu un bref passage au Real Madrid à onze ans ne devrait pas faire de vieux os dans l’est de l’Angleterre. C’est en tout cas ce qu’aimeraient Leeds ou Arsenal (entre autres), qui lui font des appels de phare depuis plusieurs mois. À moins qu’il ne décide de prendre la direction du stade de l’Aube.

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