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Simonin : « On vit dans un 5 étoiles »

Propos recueillis par Thomas Andrei
Simonin : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On vit dans un 5 étoiles<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

La vie de Philippe Simonin est improbable. Natif du Jura, basé en Corse, ancien démineur et champion d’haltérophilie devenu préparateur physique. Passé par Ajaccio, le FC Metz et le Togo période bus mitraillé, il officie désormais en Chine. Au Guizhou Renhe, dans le sud de la contrée de Mao, bien loin de la dynamique Côte Est, Philippe bosse sous les ordres de Gao Hongbo, ancien sélectionneur de la Chine qui avait tapé la France en 2010. Visiblement traversé par la sagesse des descendants de Lao Tseu, il nous éclaire sur ce championnat qui demeure méconnu.

Comment on se retrouve en Chine, dans un club sans aucun lien avec la France ?

Pas tout à fait par hasard. J’étais sous contrat avec le Sporting Club de Charleroi et nous étions seconds du Championnat. Mais un différent contractuel avec mon Président m’avait poussé à prendre la décision de me rendre disponible si toutefois j’avais une opportunité. Il se trouve que par le biais de Philippe Thys, ex joueur professionnel et recruteur, j’ai été mis en relation avec World Players Placing, une société d’agents très bien implantée en Chine, mon Cv a donc été proposé et retenu par un coach chinois, Gao Hongbo avec lequel je travaille désormais. C’est l’ancien entraîneur de l’équipe de Chine, et l’ex meilleur buteur du championnat.
Il y a près d’1,5 milliard de Chinois sur Terre, comment se fait-il qu’aucun ne soit ne serait-ce qu’un très bon joueur de football ?

Il y a de très bons footballeurs chinois. Pour prendre un exemple tout près de moi, le Guizhou Renhe FC a dans ses rangs Sun Jihai qui a porté le maillot de Manchester City cinq ou six saisons dont deux avec Nicolas Anelka.
En quoi Gao Hongbo est-il différent des entraîneurs français avec lesquels vous avez travaillé ?

Il est très respecté par les joueurs car il a été un international très reconnu en Chine. Notre relation est différente car bien sûr la langue m’oblige à communiquer en anglais avec un interprète, aussi les rapports sont disons plus professionnels que personnels. De mon côté je dois expliquer davantage ce que je fais car en France nous travaillons tous plus ou moins de la même manière, ce qui change, c’est le côté pédagogique, animation de l’exercice, de la séance. Ici, surtout au début quand tu veux faire quelque chose, tu dois au préalable l’expliquer. C’est normal, il faut un temps pour se découvrir, un autre pour se faire confiance, les résultats font que peu à peu la collaboration devient plus facile.
Et bosser dans le football chinois, c’est comment par rapport à la France ?

Pour pouvoir répondre, il faut pouvoir au préalable appréhender la différence culturelle qui est énorme avec l’Europe. Notre background est différent et tous les coachs qui ont voulu venir ici et faire comme en France ou en Allemagne se sont plantés complet. Seuls quatre étrangers peuvent être alignés. Si vous voulez ne bosser qu’avec eux alors vous échouerez, il s’agit de trouver la bonne formule afin que des cultures différentes et surtout les vécus footballistiques différents cohabitent, et réussissent ensemble. L’absence de système de formation en Chine et notamment de « game expérience » est un aspect important de cette différence de bagage notamment au niveau tactique.
Parlez-nous du club, de la vie du groupe, vous vivez à l’hôtel c’est ça ?

En fait les clubs portent souvent le nom de la province, le mien par exemple s’appelle Guizhou Renhe FC mais nous sommes dans la ville de Guiyang. Et, oui, on vit dans un 5 étoiles, avec salle de musculation, SPA et piscine. Nous passons il est vrai beaucoup de temps ensemble si on compare à l’Europe et il nous arrive de faire 5 heures de vol pour un match à l’extérieur, tout ici est grand et les moyens mis à la disposition des clubs sont considérables. Autre spécificité, les clubs changent parfois de nom et se délocalisent afin d’avoir une proximité avec leurs principaux sponsors, mon club a migré cette saison de Xi’an à Guiyang car notre sponsor est Moutai, la plus célèbre marque d’alcool en Chine dont la maison mère se trouve dans le Guizhou. Toutes ces choses sont parfaitement normales ici mais difficilement concevables en France. Imaginez l’OM qui migre à Clermont car Michelin devient son principal sponsor…

Finalement, c’est juste une histoire de sous ce championnat ou on peut un jour y voir s’y développer du vrai football ?

Rien qu’une histoire de sous je ne crois pas, ou alors le fait pour les joueurs français de partir en Angleterre il y a quelques années alors que le football anglais était réputé « kick and rush » se résumait aussi à une histoire de sous. Je crois que le football ici est en plein développement et si la Chine peut économiquement être attractive pour les plus grands joueurs alors c’est un plus non négligeable. Le principal retard réside dans l’absence pour le moment de système de formation comme nous le connaissons mais je sais que des échanges sont faits avec des clubs comme l’Ajax, Metz, des clubs espagnols afin de voir quelle sera la meilleure formation pour les jeunes footballeurs chinois. Laissez-leur le temps et vous verrez. C’est comme leur médecine, elle est millénaire, douce et elle a fait ses preuves et je peux vous dire que dans beaucoup de domaines la Chine n’a rien à envier à nos pays. Le fait qu’un pays prenne son temps pour choisir sa voie ne veut pas dire qu’il ne sera pas performant à terme.
La vraie Chine, c’est toujours Taïwan ?

Non. La vraie Chine c’est Beijing, c’est Shanghai, c’est le Guizhou, c’est chacune des provinces qui la compose et qui sont à la fois très différentes et en même temps semblables et où la vie y est paisible et les gens très sympathiques et accueillants. Ici, un grand respect est présent.
En 1973, Alain Peyrefitte écrivait « Quand la Chine s’éveillera » . Niveau économie c’est fait, et pour le foot, c’est pour quand ?

Je pense que pas mal de clubs de l’Hexagone auraient été heureux d’accueillir des Anelka, Drogba, Seydou Keita, Kanouté ou Lucas Barrios pour jouer et pourquoi pas Marcello Lippi, Tigana, Troussier et bien d’autres pour entraîner… Aussi je pense que le réveil a déjà sonné pour le football chinois et qu’il lui faut désormais du temps.
Vous pensez qu’il faut que les Chinois se rebellent, fassent leur « mai 68 » pour devenir bons au foot ?

En Chine, il n’y a pas de jeunes qui jouent dans la rue comme en Afrique ou même dans nos villes, ils viennent au football plus tard et le tennis de table, le badminton, le basket sont aussi des sports très importants ici. Vous savez, le foot n’est pas le centre d’intérêt principal de toute la planète et nous devons admettre que si certaines nations ne placent pas le foot en numéro un, elles en ont le droit. Mais il y a de l’engouement et je pense que petit à petit, notamment avec la montée du niveau de jeu et l’apport de joueurs de très haut niveau, cela va changer.

Et les supporters, ils sont comment ? Pendant les JO on aurait dit des robots, ou des mecs dans Bienvenue à Gattaca

Les gens ici sont plus pudiques dans la manière d’afficher leurs émotions. Il n’y a pas de grandes effusions comme dans nos contrées latines mais cela ne veut pas dire qu’ils ne ressentent rien. Les fans sont sans doute plus disciplinés que dans nos pays mais qui s’en plaindrait ? Nous avons joué l’Opening Game du championnat 2012 devant 52 000 spectateurs et je peux vous assurer que cela faisait du bruit et que les joueurs ne s’entendaient pas sur le terrain.

Le Guizhou ça peut être un tremplin ? Vous n’allez pas faire toute votre carrière en Chine non ? Votre famille ne vous rejoindra pas ?

Notre entraîneur des gardiens Tomic Dusko, qui a été le portier de l’Etoile Rouge de Belgrade et du Cosmos de New-York, est en Chine depuis 10 ans et il s’y trouve très bien alors pourquoi pas ? Mais une carrière dans le football est faite d’opportunités alors je me concentre sur la préparation de mon équipe pour le match de samedi et je verrai bien à l’issue de mon année de contrat quelles sont les possibilités qui me sont offertes. Je serais néanmoins très heureux de poursuivre l’aventure et si ma famille me rejoint, je sais qu’humainement cela serait un plus pour elle. Rencontrer d’autres cultures, s’y intégrer, représente une chance pour un individu et permet d’avoir une plus grande ouverture d’esprit et une plus grande tolérance.

Roberto De Zerbi, apprentissage incontrôlé

Propos recueillis par Thomas Andrei

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