- C1
- Finale
- Manchester City-Inter (1-0)
Simone Inzaghi est le meilleur tacticien italien (et il l’a prouvé)
A défaut de remporter la Ligue des champions, Simone Inzaghi a pu prouver à tous qu'il faisait partie des meilleurs tacticiens au monde. De fait, réussir à faire jeu égal avec Manchester City n'est pas donné à tout le monde, Carlo Ancelotti peut en témoigner.
« Le football est maudit, mais je suis terriblement fier. » C’est par ces quelques mots, concis, qui résument à peu près tout en 54 caractères, que Simone Inzaghi a répondu au message que nous lui avons envoyé au lendemain de la finale. C’est d’ailleurs le sentiment qui anime, 48 heures après la finale, tous les tifosi de l’Inter. La fierté d’avoir joué d’égal à égal avec la meilleure équipe du monde, et la déception, forcément, d’être passé si près de l’exploit. En somme : les Interisti auraient eu moins de regrets s’ils avaient été surclassés et avaient perdu 4-0, comme le Real Madrid en demi-finales. Mais un homme en avait décidé autrement : Simone Inzaghi. Si les joueurs de l’Inter ont, à quelques exceptions près (Romelu Lukaku pour ne pas le citer), tous joué à 120% de leurs capacités, cette exceptionnelle prestation en finale est l’œuvre du coach. Un homme considéré en Italie comme le roi des finales (jusqu’ici, il en avait remporté sept sur huit) et qui a surtout su prouver qu’il est très probablement, aujourd’hui, le meilleur tacticien italien.
Roi des Coupes, roi de la tactique
Peu d’équipes, cette saison, ont été capables de terminer un match avec plus d’occasions de buts et plus de tirs que Manchester City. La dernière en date, c’est le Brighton de Roberto De Zerbi, que l’on présente depuis quelques années comme le nouveau prince de la tactique. Or, si De Zerbi est le prince, Inzaghi est assurément le roi. Sa finale face à Manchester City aurait été un chef-d’œuvre en cas de triomphe, elle restera, a minima, un modèle de science tactique, ou de « comment s’adapter à un adversaire avec des moyens moindres ». Individuellement, il est évident que pratiquement chaque joueur de l’Inter se situe un cran en dessous de ses homologues citizens. Mais grâce à des idées, et une exécution parfaite de son plan, Simone Inzaghi est parvenu à faire disparaître ce déséquilibre. Et c’est peut-être là où il excelle.
Avant de débarquer à l’Inter à l’été 2021, Inzaghi avait déjà su, pendant quatre saisons, tirer le meilleur d’une équipe de la Lazio pourtant elle aussi limitée. Il a amené deux fois le club biancoceleste en finale de Coupe d’Italie (2017, 2019) et deux fois en finale de Supercoupe d’Italie. Sur ces quatre finales, il avait affronté trois fois la Juventus, qui survolait alors les débats en Italie, et était parvenu à s’imposer deux fois sur trois face aux Bianconeri. Lors de la saison 2019-2020, sa Lazio avait même trusté la première place de Serie A au début du mois de mars, juste avant l’interruption du championnat à cause de la pandémie, ce qui reste encore son plus grand regret : « On ne le saura jamais, mais je reste intimement convaincu que, si le championnat n’avait pas été interrompu, nous aurions gagné le Scudetto. »
En surnombre face à Haaland
Depuis son arrivée sur le banc de l’Inter, Inzaghi, qui a parfois peiné à convaincre les tifosi en championnat, a continué d’imposer son style tactique. Le 3-5-2, son système de référence depuis qu’il est devenu entraîneur, lui permet notamment de jouer sur les qualités de joueurs rapides sur les ailes et sur des points de fixation en attaque. Ses équipes, qu’il s’agisse de la Lazio ou de l’Inter, ont toujours excellé dans les phases de transition et de construction offensive. D’ailleurs, elles ont toujours marqué beaucoup de buts : 73,4 buts de moyenne par saison depuis ses débuts en 2016. Sur la même période, aucun coach en Italie n’a fait mieux, pas même Gasperini et son Atalanta, beau deuxième avec 73,1 buts de moyenne. À l’Inter, Dimarco à gauche et Dumfries à droite permettent d’élargir le bloc, quand Dzeko (ou Lukaku) et Lautaro sont constamment en mouvement pour créer des espaces et permettre aux milieux de terrain de s’insérer et de pénétrer le bloc adverse. L’interchangeabilité de presque tous les joueurs est la base de la construction de son jeu.
Mais là où Inzaghi a véritablement progressé depuis son arrivée à l’Inter, et le match face à City en a été la parfaite confirmation, c’est lors des phases de non-possession. Certains journalistes transalpins ont reproché à l’Inter de ne pas avoir assez « agressé » les joueurs de City avant l’ouverture du score de Rodri, et de n’avoir tenté de développer son jeu qu’une fois menée au score. C’est évidemment ne rien connaître à un match de tel niveau, et à la capacité du City de Guardiola de croquer un adversaire qui tenterait de se découvrir un peu trop. Avant l’ouverture du score, l’Inter a au contraire réalisé un match quasi parfait, excellant dans la phase de non-possession. Le bloc-équipe n’a jamais été trop bas, empêchant ainsi City de se retrouver dans une situation préférentielle de « prise de la Bastille » autour de la surface nerazzurra. Bastoni, Acerbi et Damian ont toujours été très proches les uns des autres, permettant de se retrouver toujours en surnombre face à Haaland. Les milieux de terrain, en l’occurrence Barella, Brozovic et Calhanoglu, ont quant à eux cassé toutes les lignes de passes, muselant notamment De Bruyne (avant sa sortie) et Gündogan. Cette volonté de laisser le ballon à l’adversaire sans pour autant subir à outrance n’a pas empêché l’Inter de se créer la plus grosse occasion du match avant l’ouverture du score, à savoir le face-à-face entre Ederson et Lautaro Martinez.
La victoire pour Guardiola, l’exploit pour Inzaghi
Pour Simone Inzaghi, cette première finale de Ligue des champions doit évidemment être un point de départ. Pendant que son frangin Pippo galère sur les bancs de Serie B, avec une armoire à trophées encore vide, lui peut se targuer, à 47 ans, d’avoir déjà remporté sept trophées majeurs en autant de saisons sur un banc de touche. Et le natif de Plaisance est déjà adoubé par les plus grands tacticiens de la Botte… Après avoir critiqué certains de ses choix cette saison, Arrigo Sacchi, double vainqueur de la Ligue des champions, l’a finalement couvert d’éloges en marge de la finale de samedi. « Il faut féliciter Simone Inzaghi, excellent entraîneur, personne bien éduquée. Il a mené son équipe au sommet au moment décisif. Guardiola sait qu’il ne doit faire aucune erreur parce que, quand vous faites ne serait-ce qu’une petite erreur contre un tacticien comme Inzaghi, le tacticien ne vous pardonnera pas. »
Finalement, la victoire est pour Guardiola, mais l’exploit, avec un E majuscule, a bien été réalisé par Inzaghi, capable d’amener l’Inter en finale, quand 99% des bookmakers la voyaient éliminée dès le premier tour. Lors des 90 minutes de la finale d’Istanbul, Inzaghi a su dompter et mettre en cage les meilleurs joueurs du monde, jusqu’au but de Rodri, sur l’une de seules erreurs de son arrière-garde. Le besoin urgent de rétablir l’équilibre l’a alors contraint à s’adapter et à changer de stratégie, ce qu’il a à nouveau fait avec brio, son équipe produisant alors exactement ce qu’il fallait pour revenir au score. En vain. Même sans trophée au bout, Inzaghi a ainsi prouvé qu’il pouvait désormais s’asseoir à la table des très grands. Donnez-lui les moyens (et l’équipe) pour, et le Roi des Coupes ajoutera très bientôt celle aux grandes oreilles à son palmarès.
Par Eric Maggiori