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Silvio Velo, le Messi aveugle
Un homme plus que tout autre rêve de médaille d’or cette année aux Jeux paralympiques de Rio. Il s'agit de Silvio Velo, capitaine de la sélection argentine de cécifoot. Légende vivante de son sport, le milieu de terrain de quarante-cinq ans a tout gagné, sauf l’or paralympique. Déjà buteur contre le Mexique pour son premier match des Jeux, la star de Boca Juniors a été préservée par son entraîneur contre l'Espagne. Pour sa dernière compétition, celui que l’on surnomme le « Messi du cécifoot » espère continuer de briller sur les terres du rival brésilien. Cela commence par un dernier match de poule face à la Chine, ce mardi (16 h), alors que les « chauves-souris » sont déjà qualifiées pour les demi-finales.
« Le football ne se voit pas, il se sent. » C’est Silvio Velo qui le dit. C’est à l’âge de neuf ans que le jeune Argentin, né aveugle, découvre sa passion pour le football à l’institut Ramón Rosell, sa « deuxième maison » , à San Isidro, une ville de la province de Buenos Aires. Il s’essaye tout d’abord au cache-cache avec ses amis, mais abandonne très vite. « Je ne trouvais jamais personne » , rigole le joueur. Alors qu’il est promis à une grande carrière au colin-maillard, Silvio Velo préfère se tourner vers le football. « Je suis né aveugle et je suis né avec la passion du football. Ça ne peut pas vraiment s’expliquer. Je sais que c’est un sport extrêmement visuel, mais c’est comme ça, je suis né avec ce talent pour jouer au football. Je voulais jouer au football, je voulais jouer avec l’Argentine, avec Boca Juniors. Je ne savais pas encore comment y arriver, mais c’est ce que je voulais » , assure Silvio.
Il commence à jouer avec les jeunes de son quartier, avec une balle normale et sans aucune adaptation pour un joueur comme lui. « Être né aveugle ne m’a pas empêché de jouer, parce que pour moi, c’est naturel. J’écoutais venir la balle et j’essayais de faire comme les autres » , raconte-t-il. C’est à son arrivée à San Isidro qu’il découvre le cécifoot, et notamment les ballons conçus pour ce sport (la balle émet des bruits grâce à des grelots). « La première fois que j’ai entendu un ballon, c’était comme écouter de la musique » , révèle le joueur. Une musique que Silvio comprend parfaitement, et dont il devient un virtuose.
Le Batman argentin
Le joueur de Boca Juniors fait partie de la sélection argentine pour aveugles depuis sa création en 1991. À partir de ce jour-là, il a été convoqué à tous les tournois qu’ont joué Los Murciélagos ( « les chauves-souris » , surnom de la sélection argentine) et a été le seul joueur à porter le brassard de capitaine pendant vingt-cinq ans. Steven Gerrard et Totti peuvent aller se rhabiller. Le natif de San Pedro gagne tout avec sa sélection, dont les Mondiaux en 2002 à Rio de Janeiro et en 2006 à Buenos Aires. Bien entendu, il finit à chaque fois meilleur buteur de la compétition.
Pour Claudio Falco, entraîneur adjoint de la sélection argentine, Silvio Velo est « un joueur à part, le Messi du cécifoot » . Histoire de donner encore plus de sens à la comparaison avec l’attaquant du Barça, il est désigné cinq fois meilleur joueur du monde. Victor Hugo Morales, journaliste argentin, reste, lui aussi, impressionné par les performances du joueur : « Ça semble inimaginable. Mais quand on le voit jouer, on se rend compte que finalement, il rend le miracle possible et avec une intuition merveilleuse et une conception du football qui change énormément de ce que l’on a l’habitude de voir. » Sympa, le joueur donne la recette de son talent : « Le plus important, c’est le bruit… et la tête. Tu dois intégrer la géométrie du terrain. C’est comme le football conventionnel : si tu n’as pas de tête, tu ne joues pas. »
Plus fort que Riquelme ou Crespo
Pourtant, ce qui frappe quand on voit Silvio Velo, c’est son humilité, bien loin des ego surdimensionnés des footballeurs d’aujourd’hui. L’Argentin n’oublie pas qu’il vit un rêve de gosse qui semblait impossible : « Porter ce maillot, représenter ton pays à l’étranger, c’est le rêve de tout gosse. Alors gagner un Mondial, imaginez ce que c’est. » Surtout, il garde les pieds sur terre et rejette toute comparaison avec Lionel Messi ou Diego Maradona : « Je ne fais que jouer. Je sais que je me distingue des autres, mais rien de plus. La fierté, elle est pour ma famille, mes amis et mes collègues. »
En 2000, Los Murciélagos sont mis en avant par une chaîne de télévision argentine, TyC Sports, qui lance une campagne intitulée « On continue de changer les règles » pour lutter contre les discriminations. Le but est de montrer des sportifs avec un handicap affronter des sportifs conventionnels. Ainsi, cinq joueurs de l’Albiceleste (Roberto Bonano, Hernán Crespo, Matías Almeyda, Claudio López et Juan Román Riquelme) affrontent la sélection argentine pour aveugles. Le score est sans appel : 7-0 pour les chauves-souris.
La der des ders
Cependant, Silvio Velo regrette la faible médiatisation de son sport : « Je pense qu’on mérite tous la même diffusion. Cette différence entre Jeux olympiques et paralympiques ne devrait pas exister. Nous sommes tous des sportifs et nous participons tous à notre manière au développement du sport. » La légende du cécifoot milite donc pour les générations futures, car Silvio Velo raccrochera les crampons après les Jeux paralympiques de 2016. Âgé aujourd’hui de quarante-cinq ans, il voudrait écrire un livre pour raconter sa fabuleuse histoire. « Je n’ai jamais vu quelqu’un mettre un petit pont ou faire une talonnade, mais ce sont des choses que je sais faire. Car grâce à Dieu, le football est un seul sport et tout le monde peut y jouer. »
Le message de Silvio est clair : si lui l’a fait, pourquoi pas d’autres ? « Si on pense qu’un homme est né aveugle, pauvre, sans ressources, et que malgré cela il a pu voir plus loin, se surpasser et réussir un tas de choses, je crois que c’est la preuve que quand un homme se fixe des buts dans la vie, il peut les atteindre. Je voulais être joueur de football et j’ai réussi, c’est magnifique ce qu’il m’est arrivé. » Goûter à l’or à défaut de le voir, l’ultime rêve d’un gamin qui a bien fait d’avoir les yeux plus gros que le ventre.
Par Robin Richardot