Comment est née l’Association nationale des supporters (ANS) ?
Elle a été créée à la suite d’une réunion à Orléans. L’initiative ne vient pas d’un groupe en particulier,
mais des associations qui œuvraient au sein du collectif SOS Ligue 2. Le collectif s’est réuni au mois de juillet pour discuter des problématiques rencontrées par chaque groupe tous les week-ends. D’un commun accord, on a alors décidé de créer une association qui s’ouvre à d’autres divisions, donc à d’autres groupes de supporters, mais également à un champ plus large au niveau des revendications et des objectifs.
Quels groupes en font partie ?
Pour l’instant, on ne sait pas exactement combien de groupes y participent, car on fait remplir des documents, une fiche d’adhésion marquant le respect d’une charte et d’un règlement intérieur, qu’on reçoit au fur et à mesure. Ceux qui étaient présents à la réunion vont nous rejoindre. Il y a déjà des groupes de Guingamp, Nantes, Montpellier, Paris, Lens, Caen, Nîmes, Le Havre, Nancy, Lyon… Et d’autres nous soutiennent et devraient nous rejoindre.
Il manque des villes importantes dans cette liste…
Tous les groupes ont été invités à la réunion d’Orléans. Personne n’a été mis à l’écart. Certains ne sont pas venus, mais rien ne les empêche de rejoindre l’association dans les mois qui viennent. Pour l’instant, les groupes bordelais, stéphanois ou marseillais ne nous ont pas donné leur réponse. Certains ont besoin de réfléchir en interne, mais je pense qu’avec le lancement de l’ANS et les premières actions, des groupes de supporters devraient nous rejoindre tout au long de la saison.
De quelle manière l’ANS va-t-elle fonctionner ?
Lors de la réunion, on a défini un comité directif, une sorte de bureau fonctionnant autour de quelques personnes ayant des rôles spécifiques : un président, un vice-président et un trésorier, épaulés par une cellule médiatique, une cellule juridique et une cellule communication, pour tout ce qui est site Internet et réseaux sociaux. Par exemple, si des membres de l’association rencontrent un problème juridique, les personnes de cette cellule vont se mettre en relation avec les avocats pour les aider dans leurs démarches. À côté de ce comité directif, il y aura un comité exécutif au sein duquel chaque groupe aura un représentant et deux suppléants. L’idée serait d’organiser des réunions tous les trois ou quatre mois, avec un ordre du jour bien défini. Lors de ces réunions, on prendrait, de façon collégiale, des décisions sur les revendications, les actions ou les propositions qu’on souhaite porter. L’adhésion est ouverte aux associations, mais aussi aux supporters individuels qui peuvent rejoindre l’ANS à titre personnel.
Quels sont vos champs d’actions prioritaires ?
L’objectif premier, c’est la réouverture d’un dialogue avec les instances du football. Et dans cette discussion qu’on veut retrouver, notre but n’est pas seulement d’être dans la revendication, on veut également être une force de proposition auprès des instances par rapport à toutes les problématiques qui concernent les supporters de football. On ne veut pas arriver en disant « on a raison, vous avez tort » , mais on veut être intégré au dialogue et aux décisions qui nous concernent, dans le but de faire avancer les choses. On veut proposer des solutions sur l’organisation des déplacements, le prix des places, le matériel d’animation, les interdictions administratives de stades ou les arrêtés préfectoraux interdisant les déplacements qu’on estime abusifs. Le recours à ces arrêtés est de plus en fréquent et avec des justifications parfois absurdes.
Mais cette question ne dépend pas des instances du football, ni même du secrétaire d’État aux sports, Thierry Braillard, puisque les arrêtés sont pris par les préfectures souvent sur injonction du ministère de l’intérieur…
Justement, c’est via des discussions auprès du secrétaire d’État au sport, de la LFP ou même des dirigeants de clubs qu’on peut peser auprès des préfectures pour éviter ces solutions extrêmes. On est également disposé à rencontrer le préfet avant un match considéré «
à risques » , pour trouver des solutions alternatives à l’interdiction de déplacement. On sait que sur ce genre de thème, on ne sera pas seuls et qu’on pourra compter sur l’appui de certains dirigeants de clubs qui ont également intérêt à avoir leurs supporters présents à l’extérieur. On compte aussi sur d’autres appuis, qu’ils soient politiques ou médiatiques. Aujourd’hui, la question des supporters est traitée exclusivement de manière répressive. Nous souhaitons être un acteur moteur dans la mise en place du volet prévention. Nous partageons le constat fait régulièrement, que ce soit dans
le Livre vert du supportérisme,
le rapport Glavany ou les préconisations de l’UEFA dans le cadre de la réforme du SLO (
Supporter Liaison Officer). Il est temps de développer l’approche préventive : les déclarations du secrétaire d’État semblent aller dans ce sens.
Les groupes fondateurs de l’ANS sont de tendance ultra. Pourtant, vous avez choisi de ne pas mettre le mot « ultra » dans le nom de votre association. Pourquoi ?
On ne souhaite pas mettre de côté des groupes de supporters qui ne se revendiqueraient pas « ultra » . L’ANS n’est pas une association uniquement pour les ultras, elle englobe tous les supporters. Si, par exemple, des associations officielles des clubs veulent nous rejoindre, elles seront les bienvenues. De toute façon, quelle que soit la façon de soutenir son équipe, tous les supporters qui se rendent au stade font face aux mêmes problématiques (prix des places, interdiction de se déplacer…), donc il n’y a aucune raison de mettre de côté tel ou tel supporter.
Ils devront au moins nous recevoir s’ils ne veulent pas des actions de contestation tous les week-ends
Quelles sont les différences entre l’Association nationale des supporters que vous venez de créer et le Conseil national des supporters français (CNSF), fondé en avril à l’issue d’un colloque au Sénat ?
Le CNSF est davantage tourné vers la gouvernance des clubs, avec l’objectif à terme, pour les associations qui en font partie, de rentrer dans le conseil d’administration des clubs. De notre côté, on est sur des problématiques d’accueil des publics, de billetterie et de sécurité. Ce sont deux choses différentes. Mais nous comptons travailler ensemble. On les a d’ailleurs invités à la réunion organisée à Orléans, afin qu’ils s’expliquent sur leurs objectifs et qu’on leur expose les nôtres. Nous souhaitons éviter les amalgames entre nos deux associations et clarifier les rôles de chacun auprès des instances du football.
Pourtant, les noms des deux fédérations sont quasiment identiques, ce qui n’est pas très lisible de l’extérieur. Est-ce que ça ne risque pas de poser problème auprès des instances sportives et des pouvoirs publics ?
Je ne pense pas. Dès notre première rencontre avec les différentes instances, on précisera que le CNSF et l’ANS constituent deux entités bien différentes, avec des champs d’action et des objectifs bien différents. Nous avons la volonté de représenter les supporters qui fréquentent les stades et je pense qu’on a assez de visibilité pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté quant à ce que nous sommes. C’est exactement le même cadre au niveau de l’UEFA qui travaille d’une part avec l’association Supporters Direct, à laquelle le CNSF est rattachée, et d’autre part avec la
FSE (Football Supporters Europe). Ça ne leur a jamais posé de problème…
Les autorités sportives et publiques françaises n’ont pas fait preuve, ces dernières années, d’une grande ouverture envers les supporters. Vous pensez vraiment être reçus ou au moins entendus ?
À partir du moment où on crée une association qui rassemble la plupart des groupes de supporters français et donc tous leurs membres, on sera une force de proposition non négligeable, vu notre nombre, et on aura des moyens de pression sur les différentes instances. Au bout d’un moment, ils seront obligés au moins de nous recevoir s’ils ne veulent pas avoir des actions de contestation tous les week-ends dans les stades. Dans les jours qui viennent, on va envoyer un communiqué aux différents médias annonçant la création de l’ANS et nos objectifs. Puis on va envoyer une lettre ouverte au secrétaire d’État au sport. Une nouvelle tentative pour être reçu
comme on l’avait fait en mai dernier. La dernière fois, on nous avait opposé qu’il n’y avait pas un interlocuteur unique identifiable, mais différents groupes. Cette fois, il y aura une seule association officielle, avec des statuts déposés en préfecture, donc on espère qu’on sera davantage pris au sérieux et que le secrétaire d’État nous répondra favorablement, comme il l’a fait en recevant le CNSF en juillet dernier.
Pensez-vous parvenir à dépasser les traditionnelles rivalités entre ultras qui ont plombé les précédentes tentatives d’union nationale ?
Ce qui est ressorti de nos rencontres, c’est qu’on a beau être « rivaux » , ce n’est pas pour ça qu’on n’est pas capables de s’asseoir à une table et de discuter des problèmes qu’on rencontre. Je pense que, dans chaque groupe, tout le monde a
mûri et évolué depuis quelques années. Et puis, de toute façon, on s’est aussi dit clairement que c’était notre dernière chance d’avoir une association nationale représentative. Si des groupes décident de tirer la couverture à eux, je pense qu’ils ne seront pas les bienvenus. On peut être en désaccord sur certains sujets, mais après, quand on adhère à une association et qu’on définit une ligne de conduite, tout le monde doit être capable de la tenir, malgré les rivalités. Soit on marche tous ensemble et on assure notre défense pour continuer à exister, soit on se tire dans les pattes et, dans deux ans, on n’est plus là. Après, c’est à chacun de faire la part des choses.
Les ultras sont ambigus au niveau de la violence, quelle est la position de l’ANS sur ce sujet ?
De quelle violence parle-t-on ? Celle avec la police ou entre les groupes ?
Les deux…
Au niveau de la police, si les supporters peuvent parfois «
péter un câble » , c’est peut-être parce qu’au niveau de l’organisation, notamment en déplacement, l’aspect sécuritaire jusqu’à l’abus finit par les exaspérer.
Si on prend l’histoire de Lille-Nantes récemment, si les Nantais n’ont pas été dans la tribune visiteurs, c’est pour éviter trois fouilles avec des chiens et des heures d’attente sur un parking avant le début du match, tout en payant deux fois plus cher que les supporters locaux. Ce sera aussi notre rôle de pointer les choses qui ne vont pas dans certains stades et de démontrer qu’on pourrait éviter ce genre d’incidents si l’organisation était plus souple.
Et la violence entre groupes de supporters ?
On est forcément contre, car on sait très bien que ce genre d’incidents pourrait décrédibiliser l’association auprès des instances du football. L’ANS ne cautionnera pas les violences entre supporters. On ne pourra pas défendre un groupe de supporters qui attaque un autre groupe, ce n’est clairement pas notre ligne de conduite. Ce sera au groupe en question d’assumer ensuite.
Est-ce que vous seriez prêt à accepter des firmes de hooligans dans votre association ?
On sait pertinemment qu’en aucun cas, les firmes de hooligans ou de supporters indépendants ne voudront rejoindre ce genre d’association, ce n’est pas leur but. Je suis persuadé que ce genre de question ne leur viendrait même pas à l’esprit.
Quelle est la position de l’ANS par rapport au racisme et aux discriminations ?
C’est écrit noir sur blanc dans le règlement intérieur. Les associations doivent respecter un certain nombre de valeurs. On se revendique apolitique et on ne cautionne pas les actes racistes ou discriminatoires. Si un groupe ne respecte pas ce règlement, on a un comité directif qui sera là pour prendre des décisions appropriées et ce groupe pourra être exclu de l’association.
Magnétique Akliouche