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Silence, Manchester United meurt en silence
Battu pour la quatrième fois de la saison toutes compétitions confondues à West Ham samedi, Manchester United est dixième de Premier League et José Mourinho plus que jamais un entraîneur à l'avenir incertain. Alors que la piste Zidane commence à prendre de l'ampleur, plusieurs voix s'élèvent pour un retour aux valeurs d'un club dont l'essence meurt à petit feu.
L’estomac encore retourné, Luke Shaw ne sait plus où se mettre. « Vous voulez la vérité ? tente le latéral international, dans un couloir du London Stadium, où Manchester United a été séché samedi pour la deuxième fois de la semaine et la quatrième fois de la saison toutes compétitions confondues. Honnêtement, c’était horrible. » Mais que s’est-il passé, cette fois ? « C’est simple : que ce soit individuellement ou collectivement, nous avons été affreux » , glisse le bonhomme avant de s’échapper. Difficile de contredire Shaw : samedi, face à West Ham (3-1), Manchester United a une nouvelle fois été plus ou moins débordé de partout, laissant Felipe Anderson ouvrir le score après à peine cinq minutes de jeu, Victor Lindelöf dévier dans son but une frappe de Yarmolenko avant la pause et l’ensemble collectif afficher une tronche approximative. Approximatif, le plan de Mourinho pour ce déplacement à Londres l’était aussi : un 3-5-2, avec Scott McTominay glissé dans une défense à trois, un Pogba une nouvelle fois loin du niveau qu’il peut afficher avec les Bleus et une animation offensive fade. Comment l’expliquer ? Par le silence, pour le moment, Mourinho se contentant après la rencontre de pointer de nouveau « l’état d’esprit » de ses gars et la majorité des joueurs refusant de s’arrêter auprès des journalistes au moment de sortir des vestiaires. Interpellé sur la route, Paul Pogba s’est contenté de lever la tête avant de filer et de lâcher un « you want me dead ? » qui résume pas mal de choses.
Le naïf et l’inclinaison dangereuse
À savoir : la volonté des joueurs de ne plus jeter d’huile sur une situation explosive, Manchester United étant aujourd’hui dixième de Premier League, largué à neuf points de Manchester City et Liverpool, cinq d’Arsenal et Tottenham. On parle ici du pire début de saison du club depuis vingt-neuf ans (lors de l’exercice 1989-1990, MU avait alors terminé le championnat en treizième position, N.D.L.R.) et d’un moment où le foot semble presque passé après tout ce qui l’entoure : ce n’est plus un problème de jeu, c’est un problème de représentation et de fond autour d’une institution qui n’en porte plus que le nom. Manchester United est un drôle de club, le plus riche du monde, l’un des plus titrés de l’histoire, mais aussi une entité sportive dont le récit n’est avant tout qu’une longue suite d’échecs entrecoupée par trois entraîneurs exceptionnels qu’étaient Ernest Mangnall, Matt Busby et Sir Alex Ferguson. Aujourd’hui, c’est de nouveau ça qui est évoqué : la quête de la bonne solution à trouver pour inverser l’inclinaison dangereuse d’une courbe sportive. Mourinho peut-il en faire partie, lui qui n’hésite plus à allumer publiquement certains de ses joueurs ? Il y a un mois, l’idée d’une éviction – qui coûterait très cher à MU – le faisait sourire, mais plus maintenant. « Après vingt ans dans le football, je suis toujours le gamin que j’étais et je suis toujours naïf, a expliqué le Portugais lundi en conférence de presse, alors que United a rendez-vous mardi soir, à Old Trafford, avec Valence, en Ligue des champions. Je ne crois pas que les joueurs soient malhonnêtes. » Sûrement, mais ils ne répondent plus.
Zidane, mais pour quoi faire ?
Le problème est ailleurs, on l’a dit : aujourd’hui, José Mourinho a le nez dans un bourbier qui le dépasse et dont il ne contrôle pas la totalité des éléments. Durant le week-end, Gary Neville n’a d’ailleurs pas dit autre chose : « Le problème ne vient pas de lui, mais du manque de leadership au-dessus de lui. Ils ne cessent de s’agiter sans ligne directrice. Le bordel a commencé lorsque le club a décidé de virer David Moyes après huit mois de travail. Là, on a perdu toutes les valeurs que ce club avait construit durant cent ans. » Manchester United n’est aujourd’hui plus un club, mais une franchise sportive, gérée comme une marque et où la majorité des investissements sont tournés vers le sponsoring et les partenariats commerciaux. Terrible, mais réel. Voilà le nœud : on dit José Mourinho au bord de l’éviction et Zinédine Zidane déjà prêt à débarquer pour sauver un navire qui n’a rien à voir avec le Real récupéré par le technicien français en janvier 2016. Zidane est-il une solution viable ? Possible, mais Manchester United a aujourd’hui besoin d’autre chose, et on se dit que lancer Michael Carrick, actuel adjoint de Mourinho, ou Nicky Butt, boss de l’Académie du club, aurait bien plus de gueule. Ce n’est pas une sécurité, seulement un retour à l’essence même de ce club, histoire que Manchester United ne s’évapore pas pour de bon. Pogba n’a peut-être pas totalement tort, lorsqu’il évoque l’idée d’une petite mort. On y est.
Par Maxime Brigand