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S’il te plaît, dessine-moi un ballon
À compter de cet été, la Ligue 1 jouera avec un nouveau ballon griffé Uhlsport, qui a gagné le marché au détriment d'Adidas, qui avait remplacé Puma il y a cinq ans. D'un Allemand à l'autre, comment fait-on un bon ballon ?
C’est une petite bombe ronde qu’a lâchée la LFP, le 29 mai dernier. Adidas, qui équipait la Ligue 1 depuis cinq ans, est doublée sur la ligne par Uhlsport pour un but à six millions d’euros. Soit le prix payé, sur un quinquennat, par le petit équipementier allemand (autour de 20 millions de chiffre d’affaires en France, contre près de 700 millions pour Adidas) pour fournir les 14 000 ballons annuellement nécessaires aux joueurs de Ligue 1 et Ligue 2. Un braquage fruit d’un minutieux travail de préparation, de l’observation à la réalisation.
Le graal de la licence
Si, depuis 2008, toutes les équipes de Ligue 1 sont priées de jouer avec le même cuir (Puma d’abord, Adidas ensuite), Uhlsport n’a pas abdiqué pour autant. D’abord parce que ses ballons étaient ceux de la Coupe de la Ligue depuis vingt ans (c’est Hungaria qui prend la suite, jusqu’en 2022). Ensuite parce qu’il avait déjà gratté la Ligue 2 lors du dernier appel d’offres, en 2012. Enfin, rappelle Olivier Lassalle, directeur du développement de la marque, parce qu’avant 2008, Uhlsport « était le ballon de nombreux clubs de L1 via des partenariats individuels : Paris, Bastia, Rennes, Bordeaux, Auxerre… » Forcément, au moment de répondre au nouvel appel d’offres, la branche française implantée à La Ciotat a quelques arguments à faire valoir : « Il y a le volet économique, le plus important, mais pas le seul » , continue celui qui n’est pas député. « Il y a un volet qualitatif, avec la stratégie que peut mettre en place la société autour du partenariat. Et un volet technique, plus facile à mettre en œuvre quand on a un ballon utilisé par de nombreux clubs professionnels. » Comme pour les droits TV, les équipementiers proposent et la Ligue dispose.
Mais quel intérêt pour les fabricants – souvent allemands donc – de payer pour fournir des ballons ? Les ventes, évidemment. Car, en gonfle comme ailleurs, l’image compte souvent plus que la qualité. Lassalle poursuit : « Chez les particuliers, les ventes se font quasiment exclusivement sur les ballons sous licence – clubs comme Paris ou l’OM – ou compétitions, par exemple la Coupe du monde ou la Ligue des champions. Il nous faut donc un support licence pour développer les ventes dans les magasins de sports classiques. » Du côté des « ventes collectives » en revanche, celles des clubs amateurs, tout licencié a déjà pu le remarquer : Uhlsport est tranquillement numéro 1. De ce côté-là, l’exposition qu’offre la Ligue 1 ne servira qu’à conforter une place déjà bien assise.
Arc de triomphe et tour de magie
Les professionnels vont donc découvrir les touchers qu’offrent l’Elysia, en Ligue 1, et le Triomphéo, en Ligue 2, soit « un couple de nom porteur de symboles, avec les Champs-Élysées et les triomphes de toutes sortes » , une approche que les communicants de la future ex-SNCF n’auraient pas renié. Plus concrètement, la construction du ballon est le fruit d’un travail collectif, strictement encadré par l’homologation de la FIFA, qui contrôle les critères de circonférence, de rétention d’air ou de trajectoire. « Ça c’est l’objectif, après il y a le subjectif, avec le ressenti des joueurs et des clubs » , explique Lassalle. Le fait que la firme fondée par Karl Uhl équipe historiquement les gardiens, depuis Dino Zoff à Alban Lafont en passant par Hugo Lloris, assure-t-il alors un ballon aux trajectoires plus lisibles par les portiers, loin du Jabulani de la Coupe du monde sud-africaine ? Pas vraiment, pour le directeur : « On veut surtout que les effets provoqués par les joueurs soient retranscrits au mieux. Et une trajectoire fiable peut devenir plus lisible par le gardien. »
Pour obtenir un tel résultat, trois éléments sont essentiels. D’abord le cœur, autrement dit la vessie, « c’est-à-dire la cellule qui retient l’air et qui va restituer les forces qui vont être appliquées au ballon, les coups de pied, les arrêts, etc. Il faut une meilleure réponse possible à ces forces tout en ayant une grande souplesse pour ne pas avoir une pierre dans le jeu. » Ensuite vient le squelette, les panneaux : « Là, deux éléments sont essentiels : la composition des panneaux et le nombre de couches d’un côté, la façon dont les panneaux sont assemblés entre eux de l’autre. Aujourd’hui, on est sur des panneaux thermocollés, qui enlèvent l’aléa de la couture manuelle et rend le ballon waterproof. » Enfin, il y a la peau, soit « la structure de la couche externe, dans des matières particulières pour permettre au joueur un bon contrôle du ballon et en même temps un bon comportement dans l’air » , termine professeur Lassalle.
Voilà pour la composition du ballon. Le prix ? 140 euros, quand même. Pas à la portée de toutes les bourses, alors pour répondre au maximum de demandes, le ballon est décliné en différentes versions, jusqu’à 20 euros pour le réplica le plus abordable. Le directeur du développement de la marque l’assure, si matériaux et techniques diffèrent, performance et durabilité restent inchangées. Comment ? Mystère. Autre tour de passe-passe, la couleur du nouveau ballon évoluera à mi-saison, en accord avec les diffuseurs, dont l’accord est indispensable avant tout choix de design. Et si la couleur future reste pour l’heure inconnue, une chose est sûre, ce ne sera pas l’orange. Assurément un bon point pour le petit nouveau.
Par Eric Carpentier